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Demande pardon au peuple et va-t-en !
Lettre ouverte de Milorad Dodik :(1)
à Slobodan Milosevic
« Il est temps de partir, Slobodan. Depuis l’arrivée des Serbes dans les Balkans, aucun de leur tsars, de leurs princes, rois ou présidents ne leur a fait autant de mal, n’a versé autant de leur sang et ne les a autant séparés du reste du monde. Tu as divisé les Serbes. Les Serbes de Croatie ne savent presque plus où est Belgrade. Ceux de Knin ne savent pas ce qui leur est arrivé. Ceux du Kosovo n’ont que la foi et l’espoir. Les Monténégrins veulent prendre leur propre chemin, et la plupart des Serbes t’ont tourné le dos, même s’ils ne te l’ont pas dit. Les sanctions que tu as introduites plusieurs fois contre le peuple de ce côté de la Drina, les menaces adressées aux Monténégrins, les arrestations, les fermetures des médias et les lois draconiennes ne t’aideront plus. Rien ne t’aidera », estime Milorad Dodik, Premier ministre de la Republika Srpska (1) dans une lettre ouverte à Slobodan Milosevic, président de la République fédérale de Yougoslavie (RFY)
(...) Dodik appelle le président de la RFY a « faire le point sur son règne » et estime que la période Milosevic sera retenue comme un temps de « guerres, d’hyperinflation, un temps où on a perdu le Kosovo, où les Serbes se sont vus transformés en une tribu persécutée, sur des tracteurs, dans des tombes ou sur des ruines ». (...)
« Actuellement, et c’est de ta faute, certains vieillards serbes préfèrent mourir. Et certains jeunes préfèrent émigrer plutôt que de souffrir. Il n’y a que ta Serbie, Slobodan, qui cherche une issue dans l’apathie et le silence. Le monde normal porte aujourd’hui la flamme olympique tandis que tu portes un flambeau qui te sert à faire ce que tu sais faire le mieux : incendier, provoquer des guerres. C’est un nouveau malheur que tu fais tomber sur les dos de ton peuple », dit Dodik.
Ton peuple
ne veut plus de toi
« Dans ce système que tu as créé, on tue des ministres, des hommes d’affaires, des généraux, des secrétaires de partis. (...) Tu peux toujours attaquer Djukanovic et raconter tout ce que tu veux sur Kostunica, tu peux m’accuser pour tout ce que tu veux et donner tous les noms possibles aux Serbes qui sont contre toi et ton règne. Tu peux également inventer les histoires fantômes sur les mille quatre cents policiers de la Republika Srpska préparés à l’invasion en Serbie ou lancer des mensonges sur l’implication de mon gouvernement dans la disparition de Stambolic, tu peux m’accuser, et montrer du doigt la Republika Srpska pour dénoncer tout ce qui te vient à l’esprit », lance le premier ministre de la Republika Srpska
Dans sa lettre, Dodik demande à Milosevic s’il connaît le destin des peuples qui choisissent l’isolement, la pauvreté et l’aveuglement idéologique.
« Ton peuple ne veut plus de toi et la force n’y peut rien faire. Rend au moins un service aux Serbes, laisse-les dire librement qu’ils veulent se séparer de toi. Ton intérêt et l’intérêt serbe se divisent » explique Dodik.
« Si tu choisis la force : tu entres dans l’histoire comme le premier dirigeant serbe à occuper la Serbie de l’intérieur. Si tu as l’intention de déshonorer l’armée et la police, que la malédiction du peuple tombe sur toi. Vis avec elle, si tu peux. Si tu as de la force, le sentiment de l’honneur, du repentir ou de la honte, choisis le repentir, demande pardon à ton peuple et va-t’en. Il y a des gens qui peuvent mener la Serbie là où elle serait arrivée il y a longtemps sans toi. Il est temps de partir, Slobodan », conclut Milorad Dodik dans sa lettre ouverte à Slobodan Milosevic. (2)
La JUL et la force
contre le peuple
Au moment où nous écrivons ces lignes, la situation se tend en Yougoslavie entre le peuple, qui souhaite le respect des élections, et les partisans de Milosevic. Voici un article de Zdravko Petrovic (pseudonyme d’un journaliste de Belgrade), emprunté au « Courrier des Balkans » :
« La JUL, (Gauche Yougoslave Unifiée) partenaire dans la coalition au pouvoir de Slobodan Milosevic, l’a pressé d’annoncer » à tout prix " sa victoire après le premier tour des élections présidentielles. Ce plan est le plus radical de trois proposés à Milosevic par des factions rivales au sein de l’alliance dirigeante lorsque la nouvelle de sa défaite électorale a commencé à se faire jour au début de la semaine.
Le président a refusé la suggestion de la JUL, mais accepté une proposition lui suggérant d’appeler les électeurs à voter lors d’un second tour pour élire le président yougoslave. Il l’a fait après avoir admis que son rival Vojislav Kostunica avait obtenu davantage de voix que lui au premier tour.
Milosevic et ses affidés auraient été choqués par l’ampleur de leur défaite électorale. Le président a été si furieux des résultats qu’il aurait jeté hors de son bureau le chef de son équipe électorale, Nikola Sainovic. (...°). Les membres de la coalition dirigeante étaient très divisés sur la réponse que le gouvernement devait donner aux résultats sortis des urnes mais les responsables de la JUL ont encouragé Milosevic à ignorer la voix du peuple et à annoncer sa victoire électorale « Ã tout prix ». Cela impliquait d’instituer des mesures d’urgence, de provoquer des troubles et d’utiliser la force pour rétablir l’ordre.
Les partisans les plus enthousiastes de ce plan sont des responsables fédéraux corrompus. Ce groupe d’environ 300 personnes s’est enrichi pendant la dernière décennie en étant des serviteurs fidèles à Milosevic et à sa femme, Mira Markovic, leader de la JUL. (...)
En plus de la proposition de la JUL, quelques membres du SPS (Parti Socialiste de Serbie) ont suggéré d’accepter la victoire de l’opposition (...). On aurait même vu des comités municipaux du SPS de la région de Valjevo féliciter des représentants de l’opposition lorsque les résultats de l’élection ont été connus. (...)
Le leader Yougoslave Milosevic est de plus en plus isolé mais on sait que c’est un lutteur sans scrupules qui ne renoncera pas facilement au pouvoir. "
(article extrait du Courrier des Balkans, sélection d’articles traduits en français de la presse indépendante des Balkans)
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Le Courrier des Balkans, 27 rue Saint Fargeau - Bâtiment 7 - 75020 Paris
Le peuple, en force
(écrit le 8 octobre 2000)
Yougoslavie : en organisant une élection présidentielle anticipée qui, il l’espérait, prolongerait son pouvoir pour plusieurs années, Milosévic a lui-même provoqué sa perte. Le peuple a voté contre lui et, malgré la multiplication des manœuvres du pouvoir, a fait montre d’une force tranquille et d’une détermination qui ont renversé le dictateur. Après des heurts limités avec la police, qui a fini par « fraterniser » avec les manifestants, le Parlement a été envahi ainsi que l’immeuble de la Radio-télévision : les deux symboles du pouvoir de Milosévic sont ainsi tombés aux mains de l’opposition. Dans ce vaste mouvement révolutionnaire le peuple de Serbie a retrouvé sa dignité.
Vojislav Kostunica a été proclamé président de la République Yougoslave. On le dit honnête et patriote, respectueux du droit, mais aussi nationaliste, partisan d’une « Grande Serbie ». Très remonté contre les Américains, tenu à distance par les Russes, salué par l’Union Européenne, il ne sera sans doute ni un partenaire facile, ni un partenaire docile. Mais la paix n’est pas en danger dans ce territoire.
Après la chute de Milosévic
La Roumanie renoue avec la Serbie
Par Mirian Chiriac à Bucarest
La chute de Slobodan Milosevic (1) a provoqué un gros soupir de soulagement en Roumanie voisine. L’euphorique couverture médiatique des évènements de Belgrade a rappelé les reportages au sujet du renversement, il y a dix ans, du dictateur communiste Nicolae Ceaucescu. « Tout régime défiant son propre peuple est appelé à tomber, exactement comme le régime de Ceaucescu est tombé », a déclaré le président roumain, Emil Constantinescu.
Petre Roman, le ministre des Affaires Etrangères s’est rendu à Belgrade le 12 octobre pour entamer le processus de reprise des relations détériorées entre les deux pays depuis que la Roumanie avait permis aux bombardiers de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) d’utiliser son espace aérien pendant le bombardement de la Yougoslavie l’année dernière. « Le passé, c’est le passé », a-t-il déclaré. « Aujourd’hui la Roumanie et la Yougoslavie disposent d’une base très solide pour relancer des relations politiques et économiques ».
Les autorités yougoslaves ont demandé une aide immédiate pour empêcher une crise de carburant pendant l’hiver prochain. En effet, en raison des destructions de l’OTAN et de l’embargo européen, la Serbie a besoin d’environ 50.000 tonnes de d’essence et de 60.000 tonnes de gazole par mois, dont la moitié doit être importée. répondant rapidement à la décision de l’Union Européenne de lever les sanctions, la Roumanie, lors d’une session extraordinaire de son parlement qui a eu lieu le 12 octobre, a mis fin à l’embargo sur le pétrole.
Cet embargo sur le pétrole contre la Serbie a gravement limité le développement économique de la Roumanie. Les exporta-
tions roumaines vers la Yougoslavie qui s’élevaient à 119 millions de dollars par an avant la campagne de bombardements de l’OTAN ne représentent plus que 61 millions actuellement. Suite aux sanctions et aux dommages provoqués aux infrastructures, le commerce a pratiquement cessé et l’on estime qu’en conséquence l’industrie roumaine a perdu au moins 50 millions de dollars. Les bombes de l’OTAN ont détruit sur le Danube des ponts qui ont bloqué le trafic sur le fleuve La plupart des employés maritimes du pays ont été licenciés. L’arrêt du trafic sur le fleuve a aussi retardé le projet de réhabilitation, pour un montant de 570.000 dollars, de la centrale électrique Portile de Fier (Derdap) située près de la frontière yougoslave.
Tout le monde n’a pourtant pas bien accueilli les nouvelles venues de Belgrade. Stefan Radeanu journaliste du plus important quotidien « Curierul National » a déclaré qu’il craignait que l’aide occidentale auparavant prévue pour la Roumanie ne soit détournée pour soutenir le gouvernement Kostunica en Yougoslavie.
(extrait de « Le Courrier des Balkans »)
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Le journal le Monde du 21 octobre 2000 montre comment « la révolte populaire » qui a fait tomber Milosévic après une heure et demie de bataille de rues, le 5 octobre dernier, a été, en sous-main, un complot bien ourdi, une mobilisation post-électorale très bien programmée par l’opposition : policiers complices, hommes en civil d’unités d’élite de l’armée, munis de talkies-walkies, etc. Même les scènes d’embrassades entre policiers et manifestants étaient prévues dans la partie médiatique du « plan d’action ». Mais le plus important c’est que le changement s’est produit sans l’intervention directe des Américains et des Russes.
découvert dans le Courrier International du 25 octobre 2000 (de Magyar Nemzet de Budapest) les dessous inconnus de la victoire des démocrates serbes : « Pour échapper à tout contrôle de MILOSEVIC l’opposition n’a utilisé aucun réseau téléphonique appartenant à l’Etat. Elle a établi son propre réseau radio à partir des 9000 bureaux de vote à son propre Q.G. Le financement était assuré, entre autres, par le bureau chargé de la Yougoslavie auprès de l’ambassade des Etats-Unis à Budapest . (.....) Ce bureau aurait attribué 30 millions de dollars (210 millions de FF) à l’opposition . (.....) Le responsable de cette opération était William MONTGOMERY, ancien ambassadeur des Etats-Unis à Zagreb .(......) Cet automne, il a pris la direction du bureau chargé de la Yougoslavie à l’ambassade des Etats-Unis à Budapest et, miracle, le régime de Belgrade est tombé. (....) Les Etats d’Europe occidentale y ont aussi été pour beaucoup, notamment l’Allemagne qui a consacré 17 millions de marks aux villes qu’elle parrainait.. (...) Les Hongrois, eux non plus ne sont pas restés les bras croisés : cette année 350 millions de forints (6 millions de F.F.) furent transférés (....) Dans la pratique, le paiement se faisait de la manière suivante : une fois leur projet accepté, les candidats yougoslaves ouvraient un compte en Hongrie et venaient chercher l’argent eux-mêmes. Les Hongrois ont également reçu 120.000 dollars (850.000 FF) de l’agence gouvernementale américaine USAID qui ont servi à organiser deux conférences des maires yougoslaves d’opposition. ». Ceci ne retire rien d’ailleurs à la victoire incontestable de Vojislav KOSTINUKA . Ne dit-on pas que la victoire de DUMOURIEZ et KELLERMAn à VALMY fut opportunément épaulée par l’or de DANTON ?