Ecrit le 28 avril 2010
Mais comment peut-on être syndicaliste !
Guy Alliot
« Mes parents avaient tenu à me donner une bonne éducation chrétienne, alors qu’ils ne pratiquaient pas », raconte Guy Alliot. « Et je me souviens que mon père se chamaillait régulièrement avec ma mère chaque mois quand il fallait payer sa cotisation syndicale à la CGT. Mais il a tenu bon toute sa vie et a même eu une médaille d’or de la CGT ». « Ma mère tenait les cordons de la bourse. Fille de Terre-Neuva, tué dès le début de la guerre de 1914, elle avait connu la misère avec ses trois soeurs et économisait sou par sou »
En 1952, fin de classe de Troisième au collège St Joseph de Châteaubriant. Son brevet en poche, Guy entre en apprentissage chez Huard : après son grand-père et son père, la voie était tracée.
c’est donc tout naturellement que Guy Alliot, après trois ans d’apprentissage et son CAP d’ajusteur, entre à l’atelier d’outillage et se syndique à la CGT qu’il quittera en 1956 à la suite des événements de Hongrie. Il part ensuite au régiment, 28 mois passés en Algérie, de 1958 à 1960. L’humiliation imposée aux Arabes, les hurlements et plaintes d’hommes torturés la nuit, le perturbent fortement, au point qu’il n’en parle encore que par bribes.
Entré au bureau d’études après avoir passé son CAP de dessinateur industriel, il fait la connaissance d’Alexandre Bordier et c’est par lui qu’il se syndique à la CFTC d’alors qui avait clairement pris position contre la guerre d’Algérie.
La porte fermée
Le syndicalisme n’est pas une tâche facile, elle entraîne des mesures de rétorsion.
« Une fois, après une assemblée générale du personnel, à laquelle trois dessinateurs sur 15 avaient participé, nous avons eu la désagréable surprise de ne pas pouvoir reprendre notre poste de travail : toutes les portes du bureau d’études avaient été verrouillées de l’intérieur par le chef du bureau et un cadre. Alexandre Bordier dut alors intervenir auprès de Gabriel Delatour qui, furieux, donna l’ordre au chef du bureau d’études de rouvrir les portes. Et c’est sous l’air un peu penaud de celui-ci que nous avons pu rentrer la tête haute. J’ai vite compris que je passerais à côté des augmentations individuelles. qu’importe, me disais-je, je ne céderai pas ! »
c’est donc tout naturellement que Guy Alliot est présenté sur une liste aux élections de délégués. Candidat dans le collège « Maîtrise » au Comité d’Entreprise, outre le candidat CGC (confédération générale des cadres) il avait face à lui son ami Auguste Barat, titulaire du siège, délégué CGT d’une haute valeur morale, et d’une aura considérable. A chaque nouvelle élection l’écart des voix se re-serrait. Au dernier mandat d’Auguste les deux candidats étaient à égalité, 56 vois chacun, Auguste fut donc élu au bénéfice de l’âge. Après le départ en retraite d’Auguste, Guy fut régulièrement et brillamment élu dans le collège « maîtrise » assurant la majorité à la CFDT au comité, et ceci sans discontinuer jusqu’Ã son départ en retraite. Ce fut toujours, également, un partisan de l’action interprofessionnelle et collective.
Comme André, il fut toujours soutenu par son épouse Paule qui devint, elle aussi, une militante CFDT sur laquelle on pouvait toujours compter.
« En me sucrant les augmentations individuelles, on ne m’a jamais fait changer de voie. Chez Huard, les dirigeants Paul Huard et Gabriel Delatour étaient d’accord avec le Droit syndical (tout en acceptant que les délégués n’aient pas d’augmentation), (1) mais c’est les p’tits chefs qui étaient contre ».
« En tant que délégués du personnel nous proposions des augmentations individuelles pour nos camarades, en sachant bien que, nous, nous n’en aurions pas. L’encadrement faisait la pluie et le beau temps ». c’est cela le « prix » de l’engagement au service des autres !
« Les cadres ont essayé de m’éjecter du bureau d’études. Ils inventaient des stages de 6 mois et c’était toujours moi qui les inaugurais et personne d’autre ne faisait ces stages. Encore une façon de m’évincer » se souvient Guy Alliot
Le préfet s’est barré
Des souvenirs d’action ? Guy et André en rient encore : un jour le préfet Vié est venu à Châteaubriant, « nous voulions le rencontrer pour discuter mais nous n’avons pas pu obtenir un rendez-vous. Sauf que nous avons appris qu’il déjeunait au Terminus ». A 13h30 les gars ne sont pas rentrés à l’usine. « Si vous êtes d’accord, on va lui souhaiter bon appétit ». Des gars sont entrés dans la salle de restaurant. Le préfet, lui, s’était barré par la voie. « Le soir à 17 h nous avons eu une entrevue à la mairie. Le préfet nous a engu...és, il a engu..lé le maire Xavier Hunault et le Sous-préfet a été muté à Cholet dans les semaines suivantes ».
l’action collective, à Châteaubriant, n’a pourtant jamais été violente ! A plusieurs reprises elle s’est faite en chantant !
Nous irons rue d’la victoire (2)Pour chercher nos picaillonsCe sera un jour de gloireLes patrons, nous les aurons !
Pour André Roul et Guy Alliot, la CFTC, avant guerre, était un syndicat de mensuels ne faisant jamais grève. « Ils étaient au patro, et dans les écoles chrétiennes ». Après guerre, le syndicat CFTC de Huard a quitté la fédération des employés pour rejoindre la fédération de la métallurgie. « En 1964 la déconfessionnalisation ne nous a pas posé de problème ! ».
C’était le temps des militants, Maurice Barracand, Pierre Grangé, Jean Gilois (le penseur), René Rallu, Georges Galivel, Pierre Hervé, Maurice Legrais et tant d’autres, sans oublier les copains de la CGT : Auguste Barat, Roger Ridel, Guy Fraslin, Maurice Marchand, Paul Rabel, Serge Adry etc. « Chez Huard, nous faisions souvent l’union syndicale » !
Les syndicalistes de l’époque n’oubliaient pas l’action interprofessionnelle. « Nous avions des réunions d’union locale tous les mois et un bureau tous les 15 jours. Maintenant l’action collective s’est endormie ».
« Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, le syndicalisme en a pris un coup, faisant confiance aux politiques pour résoudre les problèmes de la classe ouvrière. Et puis la télévision se développait, chacun rentrait chez soi, les réunions le soir on n’en voulait plus. Le samedi ou le dimanche non plus ».
Militants toujours
A la fin de sa carrière professionnelle, et même après son départ en retraite, Guy Alliot a milité de longues années comme « conseiller du salarié », assistant les salariés lors des entretiens préalables au licenciement. André Roul de son côté, a continué à militer à l’union CFDT des retraités et dans diverses structures comme l’Orpac , Arcade, le Clic et autres.
La solidarité était différente de maintenant. La combativité s’est émoussée. Les licenciements à répétition, et des pratiques patronales plus virulentes ont cassé les actions. « Autrefois on pouvait discuter avec les patrons, nous les connaissions physiquement. Maintenant il ne reste que des gestionnaires lointains et indifférents ».
Toute une époque est terminée. Pour autant, ne supportant pas l’injustice, André, Guy et les autres, continuent à observer la situation sociale et à participer aux manifestations et aux actions solidaires, même s’ils ont quitté la CFDT en 2003 en désaccord avec la position confédérale sur la question des retraites.
« La situation actuelle (2010) vécue par le monde populaire et le manque de réaction collective nous désolent. Jamais les valeurs de la République LIBERTE EGALITE FRATERNITE n’ont autant été bafouées : tant d’injustice, de chômage, de pauvreté alors qu’une minorité affiche des revenus scandaleux, soutenus par le Pouvoir Politique en place. Mais ne désespérons pas, le Peuple se réveillera bien un jour et restaurera un monde plus juste et plus fraternel » disent André Roul et Guy Alliot en notant avec espoir le nombre de personnes qui militent quotidiennement dans les associations caritatives et les mouvements d’éducation populaire.
Avec l’espoir que, un jour