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Ecrit en novembre 1999
Tobin or not Tobin ?
Taxe Tobin : La taxe TOBIN, (proposée par l’économiste James Tobin) c’est le principe de taxation sur les transactions, les marchés des changes, afin d’en réduire la volatilité et de pénaliser les opérations spéculatives.
On estime qu’une taxe minime, de l’ordre de 0,1 % rapporterait 600 milliards de francs par an
Que faire avec 600 milliards de francs par an ?
Selon le Parti Social démocrate suédois, un investissement de 54 milliards de francs parviendrait à couvrir les besoins élémentaires éducatifs des pays en voie de développement.
Or la consommation de produits de beauté aux Etats-Unis est précisément de 9 milliards de dollars par an (54 milliards de francs)
Les besoins fondamentaux d’eau, de nourriture et de santé des pays pauvres pourraient se résoudre avec un investissement initial de 80 milliards de francs.
Or la consommation de glaces en Europe est précisément de 13 milliards de dollars par an (80 milliards de francs)
Selon Carlos Fuentes (qui fut ambassadeur du Mexique
à Paris entre 1975 et 1977)
(Extrait d’un article paru dans Le Monde du 28 octobre 1999)
Ecrit en février 2000 :
La bataille de Tobin Echec au Parlement Européen
Le 20 janvier 2000, au Parlement européen, a été mise aux voix une résolution - signée par les groupes socialistes, Verts, GUE (Gauche unitaire, où siègent notamment les élus du Parti communiste et de la ligue communiste révolutionnaire) et ELDR (libéral), rejoints par deux membres pasquaïens du groupe UEN - demandant à la Commission européenne de présenter dans les six mois un rapport sur la faisabilité de la taxe Tobin (1) et d’examiner les pressions et les sanctions financières pouvant être appliquées contre les pays qui encouragent l’évasion fiscale ou qui entretiennent des paradis fiscaux.
Cette résolution, à laquelle - comme on pouvait s’y attendre - le commissaire européen Bolkestein s’était opposé, a été repoussée à une très faible majorité (229 voix contre 223).
L’analyse du scrutin fait apparaître que les membres des groupes de droite, la grande majorité des libéraux et tous les « villiéristes » ont fait bloc contre la résolution, rejoints par les trois élus de Lutte Ouvrière ! Ont voté « pour » tous les membres des groupes GUE et Verts, la grande majorité des membres du groupe socialiste, quelques libéraux (dont François Bayrou et Alain Lamassoure) et la totalité des « pasquaïens » (dont Charles Pasqua). Se sont abstenus un élu de la LCR et des travaillistes britanniques du groupe socialiste obéissant à des consignes impératives de Tony Blair.
Encore un effort, camarades !
Le Bureau d’ATTAC (2) constate avec satisfaction que les têtes de listes qui, en France, avaient signé la pétition européenne de l’association ont, avec leurs colistiers, mis leurs actes en conformité avec leur engagement. Il se félicite que, à titre individuel, d’autres élus aient fait cause commune avec eux.
Il s’en est donc fallu de très peu que la résolution ne recueille une majorité : il aurait suffi pour cela que les 3 voix « contre » de Lutte Ouvrière et l’abstention de l’élu de la LCR (ligue communiste révolutionnaire) se transforment en votes « pour ». Le Bureau d’ATTAC regrette vivement que, chez ces élus, des considérations secondaires (les attendus de la résolution qui, effectivement, ne correspondent pas à leur vision de la globalisation) aient ainsi pris le pas sur l’essentiel : l’enclenchement d’un processus mettant pour de bon la taxe Tobin à l’ordre du jour du calendrier européen.
Dans leur immense majorité, les élus de droite, eux, ne se sont pas trompés sur la signification du scrutin. L’intérêt que la presse - en général peu attentive aux débats du Parlement européen - a manifesté pour ce débat montre bien l’importance de l’ enjeu.
Il reste que l’idée de la taxe Tobin a fait des progrès très importants au Parlement européen, ce qui devrait stimuler ou relancer les initiatives en ce sens au sein des différents Parlements nationaux.
Avril 2000
Allégement des dettes : les effets d’annonce se sont multipliés depuis que le G7, (groupe des 7 pays les plus riches) au sommet de Cologne de juin 1999, a annoncé des remises de dettes allant jusqu’Ã 90 % pour certains pays parmi les plus pauvres. Dans la réalité, on est loin du compte.
Pourtant nous avons eu droit dans les grands médias à une campagne orchestrée avec maestria par les institutions financières internationales : « Bonnes gens, soyez rassurés : la dette des pays pauvres est annulée. ». L’audace du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) allait jusqu’Ã substituer aux Plans d’Ajustement Structurel (PAS) une nouvelle terminologie révolutionnaire : le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Cette fois-ci, il y aurait à la fois annulation de dettes et réduction de la pauvreté. On allait voir ce qu’on allait voir : ceux et celles qui doutaient de l’évolution positive du G7, de la BM et du FMI allaient en être pour leurs frais.
100 %, 100 %, 100 %
En juin 1999, le gouvernement belge nouvellement élu annonce qu’il annule 100 % de la dette des pays les plus pauvres. En juillet 1999, le Canada (pays membre du G7) affirme qu’il annulera 100 %. En septembre 1999, à Washington, on annonce une nouvelle fois ce qui a été décidé en juin. Quelques jours plus tard, Bill Clinton fait mieux : il annonce 100 % d’annulation de dette pour 36 pays pauvres. Fin décembre 1999, Gordon Brown, le chancelier de l’échiquier (Ministre des Finances de la Grande Bretagne), annonce lui aussi 100 %. Son collègue français, Christian Sautter, ne veut pas être en reste et annonce également 100 % d’annulation. Fin février 2000, c’est le gouvernement italien qui annonçe 100 % d’annulation. N’y a-t-il pas de quoi se réjouir ?
Et 3 seulement
Non, il n’y a pas de quoi se réjouir. Parce que les faits sont plus têtus qu’un ministre des Finances : à la date d’avril 2000, soit dix mois après la réunion de juin 1999, seuls 3 pays sur 40 Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) ont bénéficié de remise de dettes : la Bolivie, l’Ouganda et la Mauritanie. Dans le meilleur des cas, pour ces trois pays, la réduction moyenne sera de l’ordre de 35 %. On est très loin des 90 % annoncés en juin 1999.
13 enfants à la minute
Dans ces pays pauvres très endettés, la population vit en moyenne avec moins de 2 dollars par jour (soit moins de 13 F par jour), quand la population des pays riches bénéficie de 70 dollars par jour. Le revenu moyen de ces pays a baissé de 25 % en vingt ans. La dette des pays pauvres, facteur de déstabilisation pour l’économie mondiale, pèse directement sur les populations et on estime que 13 enfants meurent chaque minute des conséquences de la dette.
Mais pourquoi cette dette ? Selon James D. WOLFENSOHN, président de la Banque Mondiale : « Jusqu’Ã la fin des années soixante dix, les Pays du Nord et les institutions financières internationales ont largement prêté aux pays du Tiers-Monde. Souvent en fermant les yeux sur les problèmes de corruption et de gaspillage. Car derrière l’objectif avoué de favoriser le développement de ces pays, se cachaient également des enjeux stratégiques. »
Joseph E. STIGLIZ, Economiste en chef de la BM (97/99) ajoute : « Dans de nombreux cas, les prêts étaient destinés à corrompre des gouvernements pendant la »guerre froide« . Le problème n’était pas alors de savoir si l’argent favorisait le bien-être du pays, mais s’il conduisait à une situation stable, compte-tenu des réalités géopolitiques mondiales. »
Pour Eric TOUSSAINT, président du CADTM, (Comité pour la dette du Tiers-Monde) : « En 1979, les Etats-Unis ont relevé brutalement leur taux d’intérêt pour maîtriser une inflation galopante. La plupart des pays occidentaux ont imité cette politique d’austérité. On est passé de taux d’intérêt de l’ordre de 6 %, à 16 % - 17 %. Donc les pays du Sud ont dû, presque du jour au lendemain, rembourser deux à trois fois plus que ce qu’ils devaient. Avec des recettes d’exportation qui chutaient d’une manière dramatique. Ainsi, dans les années 1981/82, la dette des pays pauvres a explosé »
Pompage
Pour pouvoir rembourser leurs dettes, les pays du Sud ont dû emprunter à nouveau. C’est le début de la spirale infernale du surendettement. Les institutions financières internationales, FMI et Banque Mondiale, ont accordé de nouveaux crédits sous réserve que les pays se soumettent à des « plans d’ajustement structurels » rigoureux. Au programme : libéralisation de l’économie, ouverture au marché mondial, et coupes drastiques dans les dépenses publiques.
Eric TOUSSAINT raconte : « Alors s’est mis en place un système de pompage de richesses produites par les populations du Sud au bénéfice de toute une série d’institutions privées et publiques du Nord. Celles-ci se font payer le loyer de l’argent d’une manière régulière, et s’il y a du retard, ces institutions prélèvent des primes de risque. En 1999 par exemple, le Tiers Monde a remboursé 250 milliards de dollars alors qu’il ne recevait en aide publique au développement que 32 milliards ! Alors il faut se poser la question, est-ce que réellement les pays du Nord viennent en aide aux populations du Sud ? »
Pour annuler la dette des pays les plus endettés, il faudrait 200 milliards de dollars. A titre de comparaison, une petite taxe de 0,2 % sur les transactions immobilières (taxe Tobin*) rapporterait 200 milliards de dollars par an ! Quand on connaît les fortunes qui se jouent à la Bourse, on se dit qu’une petite taxe comme ça serait parfaitement indolore pour les spéculateurs
Il serait temps aussi que les Pays Riches fassent un effort important pour les pays en voie de développement. Les Etats-Unis, dont la croissance est insolente, sont ceux qui donnent le moins : 0,1 % de leur PIB (produit intérieur brut)
(écrit d’après un courrier venu de l’association ATTAC,
association pour la taxation des transactions et pour l’aide aux citoyens)
date non précisée - Septembre 2000 ?
L’instabilité du fossé
A l’assemblée annuelle du FMI (fonds monétaire international) et de la Banque Mondiale, à Prague, le jeudi 21 septembre, la pauvreté a fait partie de l’ordre du jour. Le président de la Banque Mondiale a mis en garde les pays riches contre l’instabilité créée par le fossé entre riches et pauvres :
– 20 % du monde contrôlent 80 % des richesses.
– Le revenu des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que le revenu des pays les plus pauvres.
Le président de la Banque mondiale s’en est pris à « l’égoïsme des pays riches », et au « maintien de leurs barrières douanières » qui font perdre « 250 milliards de dollars » aux pays du Sud soit « cinq fois plus que le montant de l’aide publique toujours plus faible ». Une aide au développement tellement « oubliée » que cet oubli est un véritable « crime économique ».
Au cours des prochaines années la population mondiale passera de 6 milliards à 8 milliards. Or les 2 milliards de nouveaux êtres humains naîtront dans les pays pauvres. La hausse du prix du pétrole rend encore plus fragile la situation de ces pays. La lutte contre la pauvreté devient donc la priorité mondiale ... du moins dans les mots.
L’allègement de la dette des pays pauvres devrait, enfin, entrer dans une phase active. Mais c’est loin de tout régler :
Même après la réduction de sa dette, un pays comme la Zambie devra consacrer 40 % de son budget pour rembourser les pays riches. « c’est économiquement ruineux et moralement indéfendable alors que la malnutrition chronique des enfants dans ce pays augmente et que 73 000 enfants par an meurent avant l’âge de 5 ans » soulignent des institutions humanitaires.
Un référendum contre les spéculateurs
C’est au Brésil que les choses se passent. La conférence Nationale des Evêques du Brésil, avec l’aide de 130 000 bénévoles, a lancé un référendum sauvage : « le gouvernement fédéral, les gouverneurs des Etats et les maires doivent-ils continuer à utiliser une grande partie du budget public pour payer la dette interne aux spéculateurs » . un peu plus de 5 millions de Brésiliens, dans 3244 paroisses (sur près de 6000 que compte le pays), ont répondu NOn à 92 %. Les autorités politiques du pays ne sont pas contentes
(écrit le 9 janvier 2002)
De la luzerne pour les Meurt-de-faim
La luzerne, cela reste pour nous un aliment de choix pour les lapins. Mais si c’était aussi un espoir pour les mal nourris ? Une religieuse, soeur Luci Morren, distribue de l’extrait folierne de luzerne à 32 000 personnes au Nicaragua, dans les bidonvilles et même dans les zones rurales pauvres du nord du pays.
« Je me sens l’envie de travailler » : c’est généralement par une sortie de l’apathie propre à la malnutrition que se manifeste l’effet bénéfique presque prodigieux de l’extrait foliaire, explique Luci Morren. « Ils se remettent à penser de manière créative, à imaginer des solutions pour sortir de leur pauvreté »
Des médecins de la faculté de Reims vont mener une étude plus poussée sur les vertus nutritionnelles de cette herbe. L’Association pour la promotion des extraits foliaires en nutrition (APEF), créée en 1993 et dirigée par Jacques Subtil, un ancien président de la coopérative champenoise France Luzerne, fournit actuellement les rations d’extrait foliaire nécessaires à 50.000 personnes.
Mais l’association est convaincue que le jus de luzerne déshydraté est une solution, au moins partielle, aux carences de la malnutrition chronique de 1,2 milliard d’êtres humains, sans compter les 800 millions qui souffrent tout simplement de la faim (sous le seuil de 2.200 calories par jour).
Jacques Subtil explique : une dose de choc de 10 à 15 g par jour d’extrait de luzerne revient à 4,57 euros (30 francs) par personne et par an. Cinq grammes suffisent pour une dose d’entretien. Pourquoi s’en priver ?
Certes il faut encore un apport de glucides (blé, riz, manioc). Mais l’extrait de jus de luzerne, en poudre, mélangé à la nourriture, à des friandises ou à du jus de pomme, apporte 20 % des protéines nécessaires, 30 fois plus de calcium que du lait entier, 20 fois plus de fer que les épinards.
Une ration de 10 grammes par jour associée à un peu de vitamine C apporte 100 % des besoins en fer, 300 % des besoins en pro-vitamine A, dont la carence entraîne diarrhées, fragilité des muqueuses, cécité, explique le professeur Eric Bertin, professeur de nutrition de la faculté de Reims.
Avec le pédiatre-nutritionniste Michel Abely, ils s’apprêtent à mener un protocole d’étude sur les populations centre-américaines pour démontrer scientifiquement et de manière irréfutable les vertus des extraits de luzerne, contre l’endémique anémie.
Pour soeur Luci, cela se résume autrement : « » les femmes à qui nous avons donné de l’extrait de luzerne mettent au monde des enfants de 3,5 kg et sont capables de les nourrir au sein. Avant ils ne pesaient que 2,5 kg.. « déjà des expériences sont menées en Equateur, au Mexique, à Madagascar, au Mali, au Bénin, et au Congo sur cette herbe qui a rendu » la flamme de vie " aux femmes et aux enfants des bidonvilles de Managua.
Voir : la famine dans le monde :
(2) ATTAC : association pour la taxation des transactions et pour l’aide aux citoyens