écrit le 4 décembre 2001
Carnage
Israë l a été frappé à douze heures d’intervalle par deux séries d’attentats suicide, samedi 1er décembre et dimanche 2 décembre. Le bilan provisoire est d’au moins 31 morts et plus de 220 blessés, un bain de sang sans précédent depuis le début de l’Intifada il y a quatorze mois. Les victimes des deux attentats de samedi soir sont toutes âgées de 14 ans à 20 ans. Les deux kamikazes palestiniens ont également été tués. Tous ces attentats ont été revendiqués par les Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du mouvement islamiste Hamas.
Plus que le gouvernement israélien, les responsables des deux attentats suicide de samedi soir à Jérusalem ont surtout défié le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat.
Avec le temps, si rien n’est fait, l’horrible engrenage-carnage, qui touche surtout les civils, (1039 morts depuis le début de l’intifada, essentiellement des Palestiniens) ne pourra aller qu’en s’amplifiant. Les autorités mondiales prêtes à faire la chasse à Ben Laden sont-elles prêtes à faire les efforts nécessaires pour trouver une solution politique acceptable par le peuple palestiniens ET par le peuple israélien ?
(écrit le 12 décembre 2001)
La série d’attentats qui viennent de se produire en Israë l suscite une émotion légitime. Cependant nous pensons que la réflexion doit prendre le pas sur cette seule émotion. En effet, il faut situer ces événements dans le contexte politique et historique des relations entre la Palestine et Israë l.
Le déni de justice
Pour saisir une vision juste de la situation il faut prendre en compte le déni de justice qui caractérise la situation faite au peuple palestinien. Celui-ci se voit toujours refuser la possibilité d’avoir un Etat viable basé sur les résolutions de l’O.N.U. Il vit, depuis plus d’un an, une situation de bouclage militaire des territoires autonomes palestiniens aux conséquences quotidiennes dramatiques qui ne peut que susciter le désespoir. L’occupation militaire de ces territoires telle qu’elle s’est produite à Bethléem, les morts qui l’accompagnent, le développement des colonies israéliennes, les assassinats de responsables palestiniens que sont les « exécutions extrajudiciaires » pratiquées par les militaires israéliens, tout cela ajoute au désespoir et ne peut qu’engendrer des réactions extrêmes. Les actions du Hamas se nourrissent du désespoir des jeunes palestiniens.
Le cycle des violences ne peut trouver d’issue que dans l’acceptation d’un dialogue sans préalable basé sur le respect de la dignité et des droits de chaque peuple. Les forces israéliennes favorables à la paix parce que favorables à la reconnaissance des droits des Palestiniens sont actuellement marginalisées. Depuis longtemps, l’Autorité Palestinienne a clairement accepté l’existence de l’Etat d’Israë l et accepté que les Palestiniens vivent sur seulement 22% du territoire de la Palestine historique. En cherchant à affaiblir cette Autorité, voire à la détruire, l’Etat israélien favorise le développement des actions qui sont inacceptables car, bien sûr, une vie israélienne vaut une vie palestinienne.
Par conséquent nous demandons à nos dirigeants, français et européens, de tout faire pour que soit imposée la mise en application des résolutions de l’ONU.
Communiqué du Comité Palestine Châteaubriant-méditerranée
(écrit le 11 décembre 2001)
Il ne faudra pas dire
« Nous ne savions pas »
La situation entre Palestiniens et Israéliens ne cesse d’empirer. Et on ne voit pas d’issue. L’occupation (et le grignotage incessant) des territoires palestiniens par les Israéliens, suscite la révolte des Palestiniens qui se manifeste par le seul moyen qui reste à leur portée : les attentats.
Ceux-ci, horribles, suscitent une réaction aussi horrible des autorités israéliennes, ce qui provoque en réponse des attentats-suicides de la part des Palestiniens. Cela peut durer longtemps comme cela, et la force militaire est du côté d’Israë l. Cela ne peut pas déboucher sur une situation durable et équitable.
Yasser Arafat, chef politique des Palestiniens, ne peut rien faire contre cette réaction profonde du peuple palestinien, Il a affirmé mercredi 5 décembre avoir fait procéder à plus de 180 arrestations, à la suite des derniers attentats anti-israéliens, parmi les activistes du Hamas et du Djihad islamique, depuis l’entrée en vigueur, dimanche 2 décembre, de l’état d’urgence décrété par M. Arafat dans les territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne.
A cela s’est ajoutée, le lendemain, la décision de placer en résidence surveillée le fondateur et guide spirituel du Hamas, Cheikh Ahmad Yassine. Mais cette mesure a été rendue impossible par l’émeute qu’elle a suscitée dans le peuple. Le Cheikh Ahmad Yassine a récemment rejeté tout arrêt des opérations anti-israéliennes aussi longtemps que durera l’occupation des territoires palestiniens par les Israéliens. « Nous prévenons les responsables des services de sécurité palestiniens que s’ils ne garantissent pas les intérêts du peuple palestinien, ils devront céder la place à de véritables patriotes »,a-t-il dit.
On imagine assez la jubilation, sinistre autant que cachée, d’Ariel Sharon (1) qui voit disparaître les derniers restes du pouvoir de Yasser Arafat dans le sang de ses compatriotes. Sharon n’est même pas un pompier incendiaire, c’est un incendiaire qui avait promis de faire le pompier. Il ose demander au vieux chef palestinien Yasser Arafat de faire preuve d’autorité, alors qu’Israë l, depuis des années, sape cette autorité en vidant de leur contenu des accords qui pouvaient constituer un progrès.
Sharon ne poursuit qu’un but : se retrouver seul face au Hamas, et faire la guerre, détruire les Palestiniens. Vu la qualité et la quantité des Palestiniens qui poursuivent le même but, ça leur promet des lendemains pires que pires. Et à nous tous, une belle propagation de l’incendie.
La communauté internationale se contente une fois de plus de condamner le terrorisme. Ca ne mange pas de pain (vous connaissez des Etats démocratiques qui le glorifient ?). Mais pas un mot sur ce qui l’alimente, sur l’incroyable misère de ce pays qui n’est pas un pays.
où allons-nous ?
– Ou Yasser Arafat est éliminé, même physiquement. Et avec, tout ce qui permet à l’Autorité Palestinienne d’exercer sur les territoires le peu de pouvoir qui lui reste, territoires encore plus ruinés, encore plus gorgés de désespoir.
– Ou Yasser Arafat fait ce qu’exige Israë l : porter la guerre civile dans son peuple.
Dans les deux cas, la Palestine comme identité est détruite, on voit bien maintenant que c’est ce que veut la majorité des responsables Israéliens (le peuple commence à douter) qui croient (ou font semblant) que leur sécurité est à ce prix. Mais ils ne l’auront pas tant que vivra un Palestinien ! Et une fois tous les Palestiniens morts, une fois ce génocide accompli, il ne nous faudra pas dire « nous ne savions pas » comme nous l’avons dit après la découverte des camps de concentration nazis de la dernière guerre.
Seule l’opinion internationale peut pousser les puissances politiques mondiales à intervenir efficacement dans cette région. Cela a été possible en Afghanistan. Pourquoi pas au Moyen-Orient ?
(1) Surnommé le « bulldozer » pour sa corpulence autant que pour son style de fonceur, Ariel Sharon a longtemps incarné une politique à poigne, qui ne s’embarrassait guère de scrupules quand il s’agissait de combattre les Palestiniens ou de coloniser leurs terres. A la tête de l’unité 101 des commandos, puis des unités parachutistes, il a lancé des opérations punitives, dont la plus sanglante se soldera en 1953 par la mort d’une soixantaine de civils dans le village palestinien de Kibya. Ministre de la défense, il prépare et conduit en 1982 la tragique équipée du Liban. Une commission d’enquête officielle conclura à sa « responsabilité indirecte » mais personnelle dans les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban. C’est cet homme qui dit qu’il est le seul à pouvoir faire la paix au Moyen-Orient !riel Sharon ?