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(écrit le 14 février 2002)
Des salariés font plier Total
Hier, Patrice Romano est allé au travail. Dans quelques jours ou quelques semaines, Mohamed Moussi ira aussi. Et alors ?
Alors il aura fallu presque six années de bras de fer dans les tribunaux pour obliger Total, qui les avait licenciés pour motif économique en 1996, à les réintégrer. Un plan social des plus classiques, qui débouche sur une décision de justice exceptionnelle, brèche ouverte dans la liberté des grands groupes de se restructurer. Le plaisir de la direction est certainement proportionnel au nombre de vigiles - une dizaine - dépêchés pour « encadrer » la conférence de presse des syndicats.
C’est au début des années quatre-vingt que Patrice Romano et Mohamed Moussi sont embauchés comme menuisier et aide magasinier par la Seigneurie, usine de peinture de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Quelques lustres plus tard, l’entreprise familiale, rebaptisée Euridep, est passée aux mains de Total, qui décide en 1995 de fermer le site. Après un premier plan social annulé cette année-là , la direction récidive en avril 1996. Cent vingt salariés sont transférés vers le site de la défense (92), quatre-vingts sont licenciés et intègrent une cellule de reclassement. « Reclassés à l’ANPE », ironise Denis Etienne, délégué central CGT.
L’histoire aurait pu s’arrêter là . L’opiniâtreté des syndicalistes CGT et CGC et de leur avocat, Philippe Brun, en décide autrement. C’est le début du bras de fer judiciaire, avec pour objectif la réintégration des salariés.
Nulle et de nul effet
Le caractère « économique » des licenciements est évidemment discutable, puisque le groupe Total n’a jamais été en difficulté. Mais l’avocat choisit un autre angle d’attaque : l’ordre du jour de la réunion du comité d’entreprise au cours de laquelle le plan de restructuration a été annoncé a été décidé unilatéralement par la direction de Total, alors que le Code du travail précise qu’il doit l’être conjointement avec le secrétaire du CE. La procédure est donc irrégulière.
Le tribunal de grande instance de Nanterre, puis la cour d’appel de Versailles rejettent la demande du comité central d’entreprise. En juin 1999, la Cour de cassation casse leur décision et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris qui, en février dernier « déclare nulle et de nul effet la procédure de licenciement collectif pour motif économique engagée par la société Euridep »
Cette décision est une première, parce qu’en déclarant la procédure « de nul effet », elle rend possible la réintégration des salariés qui le souhaitent. Il leur suffit d’aller devant les prud’hommes. Jusqu’Ã présent, en cas de procédure irrégulière, ils ne pouvaient obtenir que des dommages et intérêts. « Le droit à la réintégration des salariés en cas de licenciement illicite, jugé par de nombreux juristes comme sanction la plus dissuasive pour les employeurs, a déjà fait son apparition en 1997, dans l’affaire Samaritaine. Depuis, un plan social annulé donne droit à réintégration dans les cas où les mesures de reclassement du plan sont inexistantes ou insuffisantes. Une jurisprudence intégrée à la loi de modernisation sociale. Mais notre affaire va d’ores et déjà plus loin, puisque la seule irrégularité de la procédure a permis la réintégration », se félicite l’avocat M. Brun.
Parmi les ex-salariés du site Euridep de Bobigny, Patrice Romano et Mohamed Moussi ont été les deux premiers à demander et obtenir en décembre leur réintégration, en référé devant les prud’hommes de Dijon. Le premier, resté cinq ans au chômage, a intégré le service courrier du siège d’Euridep, à Rueil-Malmaison. Impossible de redevenir menuisier, puisque les services d’entretien sont désormais externalisés. Le second, après son licenciement, avait connu l’intérim avant d’être embauché, avec une perte de salaire de 3 000 francs, par un équipementier de Renault. Il a déjà donné sa démission, pour intégrer, à la fin du mois, un point de vente de peinture à Bercy. Leurs carrières ayant été reconstituées, ils retrouveront chez Total le salaire qu’ils auraient eu s’ils n’en étaient jamais « partis »
« Nous avons soixante autres dossiers prêts pour les prud’hommes, raconte Denis Etienne. L’été dernier, après la décision de la cour d’appel de Paris, nous avons recherché tous les anciens salariés, pour les prévenir. La plupart demandent leurs salaires de ces cinq années, mais ne souhaitent pas revenir dans l’entreprise. Ce n’est pas du tout simple. Après tout ce temps, beaucoup sont à la retraite, certains ont du travail ailleurs, certains ne veulent plus entendre parler de Total. Une vraie réintégration, ce serait sur le site de Bobigny, mais il n’existe plus »
Fanny Doumayrou
(journal l’Humanité)
Les inégalités des riches
La revue « Alternatives Economiques » de février 2002 a analysé la fortune de ceux qui paient l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) soit 0,7 % des foyers fiscaux de France. Eh bien, même les riches « souffrent » des inégalités :
Les 1000 plus riches ont chacun un patrimoine au moins égal à 94 000 000,00 F
Les 100 plus riches ont chacun un patrimoine dépassant 420 000 000,00 F
Au delà , c’est le secret statistique ! Et n’oublions pas que les biens professionnels et les œuvres d’art ne sont pas comptés dans ce patrimoine. Vertige !
Ecrit le 21 janvier 2004 :
Un nouveau mode de gestion du chômage.
A Paris, à l’agence Reuters, la direction a voulu licencier un journaliste de 54 ans. Les autres salariés se sont mis en grève, en janvier 2004, pour le soutenir. La direction a alors proposé, pour maintenir à son poste le journaliste licencié, que le coût soit partagé en trois : une partie « Ã la charge » du journaliste, qui ne travaillerait plus que trois jours par semaine, une partie pour les autres salariés, qui renonceraient à leurs congés non pris ou à une augmentation de salaire et enfin une partie pour la direction, qui a accepté de « réduire son train de vie » : changer moins souvent les voitures de fonction et renoncer à la location de ... toiles de maître qui ornent les bureaux (2 000 et 3 000 euros par mois pour chaque tableau).
Le journaliste licencié a huit jours pour se déterminer. S’il refuse ces propositions, la direction de Reuters a d’ores et déjà indiqué que le maintien à son poste serait alors supporté « aux deux tiers » par les salariés, le dernier tiers étant toujours à la charge de la direction.
Ecrit le 26 janvier 2005
Projet de licenciement express
M. Yazid Sabeg, patron du cabinet C & S (Communication et Systèmes), a l’intention de proposer de réduire à quelques jours les procédures de licenciement (voir le quotidien Le Tribune à ce sujet).
Ceci figurerait dans le rapport sur l’accompagnement des plans sociaux qu’il doit remettre avant la fin février au ministre du Travail, Jean-Louis Borloo. Priorité du MEDEF et du gouvernement, l’accélération des licenciements est déjà prévue par la loi de cohésion sociale, adoptée à la mi-décembre par le Parlement.
Des accords de méthode expéditifs
Le volet licenciements économiques du texte permet en effet le raccourcissement des procédures, par le biais d’accords d’entreprise se substituant au Code du travail.
Il limite à un an le délai de contestation en justice par un syndicat, et restreint les possibilités de réintégration de salariés dans l’entreprise par le juge.
Le ministre du Travail prépare par ailleurs ce qu’il appelle un « contrat intermédiaire » pour les salariés licenciés : pendant douze à dix-huit mois, les licenciés percevraient leur salaire et bénéficieraient d’un accompagnement et d’une formation. Le principe est intéressant, il rejoint l’idée de « sécurité sociale professionnelle » avancée par la CGT.
Mais il présente un risque accru de précarité avec toutes les difficultés qui l’accompagnent pour trouver un logement, un prêt bancaire, etc.
De plus, selon la Tribune, M. Yazid Sabeg envisage de porter les contrats intermédiaires au-delà de dix-huit mois, tout en proposant de supprimer, pour les entreprises, toute obligation de reclassement (donc toute cellule de reclassement comme il en existe encore).
Les licenciements deviendraient une simple formalité et les employeurs se dédouaneraient de leurs responsabilités en versant une prime au salarié et une taxe à l’État....
... ou en ne versant rien du tout !
La vocation des salariés : un rôle de kleenex. On prend, on mouche son nez, on jette !
La charge de ce contrat intermédiaire serait sans doute à la charge de l’État. Ainsi le patronat aurait tous les profits, et l’État tous les coûts. Or, dans le même temps, le patronat dit qu’il faut réduire la dépense publique (voir par exemple ce qu’ont déclaré MM.Gendron et Hug de Larauze, présidents des Chambres de Commerce de Nantes et St Nazaire : « il faut rééquilibrer les dépenses de solidarité et celles des investissements sur l’avenir. La solidarité doit être limitée sans démagogie aux hommes et aux femmes en réelle difficulté »
(cf Ouest-France du 13.01.2005).
Tous ces beaux présidents protestent-ils quand ils voient qu’un grand patron comme Jean-René Fourtou, président de Vivendi Universal, a reçu en 2003, un salaire de 2 257 000 € et, en plus, 20 508 000 € de rémunération optionnelle....
Ce qui représente le salaire de 1800 smicards pendant un an ! Mais peut-être que Jean René Fourtou est en grande difficulté ???
L’avenir est noir. Que restera-t-il bientôt aux salariés licenciés ? L’exemple de l’Allemagne, à ce sujet, est éclairant !
Et personne ne réagit !
Social : le « modèle allemand »
A la veille de l’entrée en vigueur, le 1er janvier, de la réforme du marché du travail, une étude quantifie les pertes de revenus des chômeurs.
« Hartz 4 est un instrument de paupérisation », dénonçaient les banderoles des manifestants qui ont défilé dans les rues des grandes villes allemandes cet été et une partie de l’automne contre la réforme du marché du travail lancée par le gouvernement de Gerhard Schröder.
Juste avant que la réforme « Hartz 4 » n’entre en vigueur, le 1er janvier 2005, l’étude réalisée par une association spécialisée dans l’observation de la vie sociale germanique (le Paritätitischer Wohlfahrtverband) vient confirmer, chiffres à l’appui, quelle sera concrètement l’ampleur des dégâts.
La réforme, qui prévoit d’aligner l’indemnité des personnes au chômage depuis plus d’un an sur le niveau de l’aide sociale (soit 345 euros dans l’ouest de l’Allemagne et 331 euros dans l’ex-RDA), va pousser « les ayants droit et leurs familles, soit plusieurs millions de personnes, sous le seuil de pauvreté », souligne l’association qui montre du doigt la réduction des prestations chômage et le durcissement des conditions pour y accéder.
Le Wohlfahrtverband prévoit ainsi qu’environ 48 % des 2,7 millions de chômeurs de longue durée officiellement comptabilisés verront leurs revenus très sensiblement baisser.
Vendez tout !
Pour 27 % d’entre eux, il n’y aura même plus d’indemnités du tout.
Car l’office pour l’emploi, se transformera quasiment en huissier chargé d’évaluer le bien des chômeurs. Il pourra refuser toute prestation à quelqu’un disposant, lui-même, ou ses enfants, d’un patrimoine (maison, actions), d’une assurance vie, assurance retraite qu’il serait dans l’obligation de réaliser pour se prendre en charge lui-même.
déménagez !
Un de ces chômeurs concernés par le plan Hartz 4, contacté par l’AFP, souligne même : « J’ai reçu un courrier de l’Office pour l’emploi qui estime que nous dépensons trop pour le loyer (480 euros par mois) et nous prie de trouver un autre logement dans les six mois. »
Ces mesures drastiques, qui sont destinées à réduire sensiblement les déficits des caisses de chômage, sont présentées comme un moyen de « moderniser l’État providence en motivant davantage » les chômeurs à la recherche d’un emploi.
Entendez en réalité, bien sûr, de faire diminuer coûte que coûte le nombre de chômeurs officiellement comptabilisés, qui risque sinon de flirter prochainement avec la barre des 5 millions en Allemagne.
C’est bizarre comme il faut « motiver » ceux qui ont été mis à la porte de leur entreprise, et que nul ne parle de « motiver » les employeurs pour garder leurs salariés !
Punition
Tout un volet de la réforme prévoit des sanctions contre les chômeurs qui refuseraient une offre d’emploi parce qu’elle ne correspondrait pas à leur qualification ou parce qu’elle ne serait pas suffisamment rémunérée.
Un euro de l’heure
Y compris quand l’offre prend la forme d’un de ces jobs à un euro de l’heure que la législation rend fort opportunément possibles au même moment outre-Rhin. Rappelons qu’il s’agit là de travaux d’utilité publique, pour le compte d’associations ou des collectivités locales. Le chômeur continue de percevoir son indemnité de l’Office pour l’emploi, à laquelle s’ajoute royalement « un euro » de l’heure travaillée versée par l’employeur. [ainsi un salarié indemnisé à 345 € par mois, touchera 518 € par mois s’il travaille 40 heures/semaine ! ].
S’il refuse, il ne touchera plus rien. D’où la protestation de nombreux syndicalistes, qui dénoncent une « légalisation, de fait, du travail forcé ».
Suprême perversité du système : les collectivités locales, qui usent d’ores et déjà abondamment de ces « ein Euro Jobs » et cela quelle que soit leur couleur politique germanique, se promettent de puiser toujours plus dans ce vivier.
Croulant elles-mêmes sous les déficits, elles y voient le moyen de trouver une main-d’œuvre à très bon compte pour entretenir parcs et rues, ou même très souvent réaliser certains travaux lourds.
Et tout ça, ça fait plein de réjouissances pour les chômeurs.
...en Allemagne....
...et bientôt en France ?
D’après un article de Bruno Odent, L’Humanité du 27 déc. 2004
Cadeaux
La société Oberthur Consultants a réalisé une enquête sur 1 000 salariés représentant 19 fonctions de direction au sein de 59 entreprises de tailles différentes.
De juin 2003 à juin 2004, l’augmentation moyenne des rémunérations totales de direction s’est élevée à 4,1 % pour une inflation de 2,4 %. Les grands gagnants ont été les directeurs généraux (+ 11,9 %), et leurs adjoints (+ 9,4 %).
Le salaire médian des directeurs ou secrétaires généraux s’élève à 257 000 euros par an (soit 21 400 € par mois).
« Salaire médian » veut dire : la moitié des dirigeants ont plus de 257 000 € et l’autre moitié a moins de 257 000 €.
– 91 % des entreprises fournissent à leurs directeurs des « avantages en nature » : voiture de fonctions (réparations, assurance et carte de carburant) ;
– 44 % leur organisent des « séminaires »
– 41 % leur attribuent une carte de paiements d’entreprise ;
– 14 % leur offrent des prêts avantageux,
– 10 % un bilan médical,
– 7 % l’ADSL ,
– 3 % une cotisation à un club de sport,
– 3 % un conseil en patrimoine,
– 3 % des jetons de présence
– et 2 %... une seconde voiture de fonction ...
En général ces avantages ne sont pas connus et le patronat qui met en évidence les « privilèges » des salariés de telle ou telle entreprise, se garde bien de dénoncer les privilèges dont il bénéficie lui-même.
A. F