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(écrit le 2 avril 2003)
Les Tatoués
Au début de l’année 1944, dans un monde où la vie humaine compte peu, dans une France exsangue où les passions sont exacerbées, les Nazis débarrassent le territoire occupé de tous ceux qu’ils savent pouvoir devenir redoutables le jour du débarquement allié.
Après avoir, pendant deux années, infiltré plus ou moins profondément une partie des Mouvements et Réseaux de Résistance, les Nazis passent à l’action. Les prisons se remplissent de patriotes et retentissent du gémissement des suppliciés, du râle des mourants, des salves d’exécution.
Ceux qui échappent à ce sort immédiat sont voués à la déportation, entreprise démoniaque destinée à mettre physiquement hors d’état de nuire les adversaires du régime tout en les faisant contribuer à l’effort de guerre allemand. Antichambre de cette déportation qui se veut afflictive et infamante, le centre de rassemblement-triage de la caserne de Royallieu à Compiègne regroupe les détenus de toutes les prisons de France avant leur départ vers l’Allemagne.
1655 le 26 avril 1944
Le 26 avril 1944, ils sont 1655, résistants dans leur grande majorité, à être parqués et isolés comme des bêtes dans l’enceinte de transit de ce camp. Le lendemain, entassés à 100 par wagon de marchandise hermétiquement fermé, ils entreprennent un hallucinant voyage de quatre jours et trois nuits à travers l’Europe, sans manger et surtout sans boire, sans dormir, sans air, debout ou accroupis.
Une cinquantaine d’entre eux sont morts, d’autres ont perdu la raison, lorsqu’ils débarquent au camp d’Auschwitz-Birkenau, près de Cracovie en Pologne. Hurlements, cravaches et coups de feu les accueillent.
Tatoués sur l’avant-bras
Après une nuit d’enfer ils sont tatoués sur l’avant-bras gauche d’un matricule (par exemple 185437 pour célestin Deroche de Sion-les-Mines, et 184976 pour Roger Aulnette de Châteaubriant). L’Histoire a retenu ce transport sous le nom de « CONVOI DES TATOUÉS »
Douze jours plus tard, excepté une centaine de blessés et de malades qui demeurent à Birkenau, le convoi est dirigé sur le camp de Buchenwald. Un tiers seulement d’entre eux y sera incorporé, les autres étant acheminés peu après au camp d’extermination de Flossenbürg.
De ces trois camps les « Tatoués » seront disséminés dans 13 camps et 41 kommandos d’Allemagne et d’Europe Centrale. Guère plus de 800 d’entre eux verront la Libération et un peu moins de 400 y survivront durablement.
Les rares survivants et leur famille se retrouveront pour leur Congrès annuel les 12-13 avril à Châteaubriant. Une cérémonie évocatrice aura lieu le samedi 12 avril à 17 h à la Borne de la Voie de la Liberté, place de la Motte, là où se trouvait le peloton nazi qui surveillait les abords lors de l’arrestation de Marcel Letertre-père (responsable local du réseau Buckmaster-Oscar, et lui-même déporté Tatoué).
Puis le cortège ira inaugurer l’exposition « déportés Tatoués » qui se tiendra à la Maison de l’Ange , du 12 au 15 avril inclus (30 panneaux, et quelques autres évoquant la vie à Châteaubriant sous l’Occupation).
Le dimanche 13 avril, à 10 heures précises, dans la cour d’honneur du Château, aura lieu un hommage à tous les déportés avec participation de « Ceux qui croyaient au ciel » représentants des cultes : juif, musulman, protestant, catholique, orthodoxe, et même de « ceux qui n’y croyaient pas » : quatre jeunes qui parleront au nom des sans-religion. Il y aura ensuite cérémonie au Monument aux Morts. Tout devra être terminé pour 11 h pour permettre aux catholiques qui le souhaiteraient, d’aller à la messe.(1)