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Voir aussi : histoire de vies brisées p. 1211
(écrit le 20 février 2002)
Une peine.point
Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture, Agir Ensemble pour les droits de l’homme, Cimade, Emmaüs France, France-Libertés, Ligue des Droits de l’homme, MRAP, Service National de la pastorale des migrants, SUD PTT, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature : toutes ces organisations lancent une campagne intitulée : UNE PEINE. POINT/
Histoire de vies brisées
Il s’agit, à l’occasion de la sortie à Nantes du film de Bertrand Tavernier, « Histoires de vies brisées » (voir ce film page 1211)de dénoncer ce qu’on appelle la « double peine » c’est-Ã -dire toute mesure d’éloignement forcé du territoire, prise par un juge ou l’autorité administrative, à l’encontre d’étrangers résidant en France et y possédant de fortes attaches personnelles et familiales, ayant été condamnés à de la prison .
Cette mesure d’éloignement est loin de constituer une simple « mesure de police », au delà de la peine de prison déjà purgée. Tout au contraire, il s’agit là d’une « double peine » qui ne peut en rien être assimilée aux autres formes de peines
complémentaires applicables aux nationaux : privation de droits civiques ou professionnels, interdiction de séjour (dans une ville ou un département).
Car le « bannissement » que constitue la « double peine » affecte de façon absolue la vie des personnes concernées et de leurs proches. Arrachées de « leur » pays de naissance, d’enfance, de vie familiale et sociale, les personnes victimes de la double peine perdent TOUT lors de leur éloignement forcé hors de France.
L’insécurité juridique
L’absence de recours suspensif et l’appréciation différente par les juridictions internes et la Cour européenne des Droits de l’Homme (l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme protège le droit au respect de la vie privée et familiale) conduisent à une insécurité juridique intolérable dans un Etat de droit.
Atteinte à la famille
L’éloignement est un vrai « désordre public »
Ces « étrangers » qu’on bannit ainsi sont en très grande majorité, des Français « de fait », nés en France ou arrivés très jeunes, des parents d’enfants français, ou des conjoints de français. Leur éloignement forcé trouble l’ordre public dans la mesure où il porte atteinte aux droits fondamentaux de personnes innocentes : leurs familles
Cela aboutit à des placements d’enfants à la DDASS lorsque l’autre conjoint est de-
venu défaillant (par suite de troubles psychologiques) ou lorsqu’il s’agit de femmes seules (en violation de la convention sur les droits de l’enfant qui prévoit que l’enfant ne doit pas être séparé de ses parents contre leur gré) (art.9)
Cela conduit à la dislocation des familles qui sont françaises ou fortement enracinées en France et ne veulent en aucun cas quitter la France
Cela oblige le conjoint (qui est souvent une femme) à gagner seule la vie de la famille, augmentant le risque de précarité, avec toutes les répercussions que cela suppose sur les enfants innocents.
Et puis, cet éloignement forcé conduit la plupart du temps à un retour clandestin du « banni » et à la clandestinisation de la famille entière qui apprend à se cacher pour les activités les plus ordinaires de la vie, avec retentissement psychologique sur les conjoints et les enfants.
Rupture du principe d’égalité
L’existence d’une mesure d’éloignement forcé entraîne, en cours d’incarcération, la rupture du principe d’égalité entre les citoyens :
– privation du droit à la réinsertion :
– pas de possibilité de suivre des stages de formation professionnelle,
– pas de soutien socio-éducatif en vue de la préparation à la sortie,
– privation du droit à l’individualisation des peines :
– pas de permission de sortir,
– pas de libération conditionnelle si ce n’est sous forme d’expulsion...
Enfin les chances d’insertion sociale dans le pays de renvoi sont inexistantes : humiliations, violences institutionnelles (police/justice), difficultés auprès de l’administration du pays « d’origine » pour les démarches nécessaires à l’établissement de documents fondamentaux comme une carte d’identité ou un passeport ... impossibilité de logement et de travail, marginalisation, indigence et enfoncement dans la délinquance, exposition à tous les dangers de suicide, de violence et de mort...
Les organisations signataires de l’appel estiment que L’ELOIGNEMENT FORCE DES ETRANGERS AYANT EN FRANCE LEUR VIE PRIVEE ET FAMILIALE ...
– constitue une injustice et un traitement discriminatoire contraires à la dignité de la personne humaine
– sanctionne des familles innocentes
– prive de tout droit à l’insertion sociale « ici » et « là -bas »
– exporte indûment vers les pays d’origine les effets d’une « délinquance made in France »
– expose les expulsés à la précarité psychologique et sociale qui peut à tout moment basculer dans la violence ou la mort.
Elles demandent avec force L’ABOLITION TOTALE ET DEFINITIVE DE LA « DOUBLE PEINE »
Les organisations qui lancent cette campagne « Une peine, point / » demandent qu’on ne puisse plus expulser les étrangers ayant en France leurs attaches personnelles ou familiales, et réclament un débat au Parlement sur le principe d’égalité dans le traitement pénal de la délinquance.
D’après des textes communiqués
par Yves-Louis Daniel, Châteaubriant
Voir aussi : Histoire de vies brisées p.1211