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écrit le 15 avril 2004 :
L’Algérie à l’heure des présidentielles
« Nous avons arraché l’indépendance, mais nous avons raté le mode d’emploi qui va avec », a dit, à très peu de choses prés, Mohamed Fellag, l’humoriste algérien, aujourd’hui en exil. Il résume, à sa manière, ce que nous vivons depuis 1962, dans notre pays. (a)
D’un coup d’Etat franc et sans ambages, en 1965, à des coups d’Etat maquillés à partir de 1988 , en passant par l’assassinat d’un président, en direct à la télévision algérienne. D’une dictature militaire avérée jusqu’à la fin des années 80, à 10 ans de multipartisme de façade, en pleine guerre civile inavouée, et au milieu de plus d’une décennie d’état de siège. Voilà en gros, l’héritage politique sur lequel se dessine cette consultation du 8 avril 2004 (1). A ce propos, il y a autant d’avis que de tribus politiques. Il y a d’abord ceux qui ne croient pas au changement et qui ont décidé de boycotter. Il y a ensuite, ceux qui y croient et qui appellent à un vote massif, pour accréditer le choix du peuple, et non d’un quelconque clan du pouvoir.
Le théâtre de la confrontation politique
Le citoyen algérien est sur le point de vivre des élections présidentielles qui, dit-on, vont lui apporter une vraie indépendance, une vraie démocratie. Que Dieu soit loué ! Comme dit le dicton populaire : « Que recherche l’aveugle ? La lumière ».
Quel est le dispositif pour croire à une véritable rupture, avec l’ancien système et qui serait contenue dans l’urne du 8 avril ?
L’Algérie, grand pays d’Afrique du Nord, à quelques coups de rames de l’Europe, un Sahara qui n’a pas encore tout dévoilé sur ce que contient son ventre, la mer et le soleil en prime. En arrière-plan, un taux de chômage important, une jeunesse partagée entre l’exil et l’extrémisme, une grosse dette que nos enfants vont continuer de payer au F.M.I , et bien d’autres choses qui agrémentent le décor.
Les acteurs :
Pour les acteurs, il y a ceux qui sont sur la scène et qui apparaissent et ceux qui sont dans les coulisses, et qui sont tout de même de vrais acteurs, mais qui n’apparaissent jamais, sinon dans les livres des exilés politiques. De ce côté-ci de la méditerranée, notre théâtre a ses spécificités. On a fini par comprendre que les personnages, sur scène, sont les personnages d’autres personnages. Que les textes qu’ils récitent ne sont pas nécessairement ceux prévus pour leurs rôles, mais qu’ils doivent réciter pour les besoins de la pièce.
Les acteurs qui apparaissent :
D’abord les candidats :
En 1999, à côté du candidat sortant, six autres candidats s’étaient rétractés, avant même la fin de la compagne électorale, pour vices de fond et de forme. Il était écrit que le siècle dernier devait se terminer sur l’image du candidat unique.
Cette année, ils sont six à y aller jusqu’au bout, du moins pour le premier tour. Cela va du représentant de la république islamique, au représentant de la république laïque, en passant par les nationalistes, les socialistes et les néo-nationalistes (2). C’est du moins ce que prétend chacun et chacune. Eh oui ! nous avons une candidate. Elle a dû avoir l’autorisation de son mari, puisque le code la famille algérien le lui interdit.
Ensuite les médias :
Après la violence dans les villes et les montagnes, voici venir la violence verbale dans les médias, qui, il me semble, ont perdu quelque peu du professionnalisme que les lecteurs et les électeurs, sont en droit d’attendre d’eux. Les journalistes sont condamnés à être meilleurs que les politiques. A un moment où les institutions ne font pas tellement la part des choses entre l’Etat de droit et l’action politique, la presse indépendante reste le seul contre-pouvoir.
Les acteurs qui n’apparaissent pas :
La grande muette , et les spectateurs.
Quand on s’appelle « Grande muette », on peut se demander , à juste titre, à quoi on peut servir sur scène, à part encombrer le décor déjà existant. Bref, cette dernière jure, par tous les saints de la république, qu’elle ne cautionne personne, que c’est terminé. On est au 21e siècle et l’ère des dictatures militaires est révolue. Espérons-le.
Les spectateurs :
Je vous laisse deviner qui occupe les chaises pas très confortables de ce grand théâtre.
EPILOGUE :
Faut-il espérer ou désespérer ? Il faut certainement espérer. L’espoir fait vivre dit-on. Le citoyen et les promesses, c’est le divorce total. Il ne croit que ce qu’il voit, et touche. L’amnésie se soigne aujourd’hui. Il va falloir plus d’une élection, aussi importante que peut être celle d’une présidentielle dans un pays du tiers-monde, pour réconcilier l’Algérien avec le politique et l’espoir.
(a) Texte de Tarik Yacine, Tigzirt
Sur le dessin ci-dessus, l’expression « ULAC L’VOTE, ULAC », dans la caricature, est le slogan des jeunes du mouvement citoyen, qui avait refusé le vote en Kabylie, au moment des élections municipales. Elle signifie :« il n’y aura pas de vote ».Le message a bien sûrplusieurs niveaux
Dernière heure :
Le président Abdelaziz Bouteflika a été réélu au premier tour pour un second quinquennat avec 83,49 % des suffrages exprimés.