La cérémonie du 21 octobre 2007
Ecrit le 24 octobre 2007 (1)
La lettre de Guy Môquet, malgré tout le respect qu’on lui doit, les gens en ont assez ! La douleur ne supporte pas l’exhibition. Emotion ne s’accorde pas avec répétition.
Vous avez dit répétition ? Non, c’est plutôt de matraquage qu’il s’agit. La municipalité de Châteaubriant (maire Alain Hunault) et la Communauté de Communes (président Alain Hunault), La Poste et d’autres en ont fait des tonnes.
N’en jetez plus !
– . Le nouveau gymnase de Châteaubriant nommé Guy Môquet
– . L’avant-dernière page du bulletin n°18 de la Communauté de Communes reproduit la lettre de Guy Môquet
– . La page 8 du bulletin municipal reproduit la Lettre de ... devinez qui .... En plus : quatre pages sur la visite de N. Sarkozy à Châteaubriant
– . Un timbre et une enveloppe en mémoire de .... De qui déjà ?
– . Le site de l’ADT (association pour le développement du Tourisme ) a fait un encart sur ..........
– . Le site internet de l’office de tourisme s’ouvre sur le texte de la lettre de .....
Et à la défense
Le secrétaire d’Etat à la défense chargé des anciens combattants, M. Alain Marleix, a demandé que la lettre de Guy Môquet soit lue dans tous les centres où se déroulera une Journée d’appel de préparation à la défense le 22 octobre.
Et le député Ducoin
Un très beau film de 2 min a été réalisé par François Hanss, avec Jean-Baptiste Maunier dans le rôle de Guy Môquet, en partenariat avec la Chaîne Parlementaire. De l’émotion à l’état pur.
Et voilà que la lettre de Guy Môquet sera lue par une douzaine de députés, à tour de rôle, de toutes opinions politiques nous dit-on. Parmi eux, le député Ducoin, un certain Michel Hunault qui, jusqu’à maintenant, n’avait guère daigné honorer de sa présence les évocations faites chaque année en octobre, à la Carrière des Fusillés.
Baser sa propagande électorale sur le sang des Otages, est-ce correct ?
Aux dernières nouvelles il n’est question ni d’une lecture de la lettre de Guy Môquet dans les usines à l’occasion de la pause-café, ni d’une messe solennelle.
En plus d’émissions de radio, télévision, chaîne parlementaire ... le sang de Guy Môquet arrose la ville de Châteaubriant et en fait la promotion politique et touristique. Honnêtement, ça devient du harcèlement !
On ne sait pas, en revanche, si la lettre de Guy Môquet a été lue en avant-match des footballeurs-Voltigeurs. En tout cas ces derniers perdent à répétition.
Attention à l’émotion
Dans cette affaire il y a deux choses : l’hommage et l’émotion.
L’hommage est apporté depuis 1944, à Guy Môquet et aux autres militants fusillés avec lui. Depuis quelques années cet hommage fait référence à toute la Résistance, comme ce fut le cas lors de l’évocation artistique de l’année 2003 qui parle des actions menées dans la région autour du Réseau Buckmaster-Oscar, du réseau CND-Castille, des maquis de Teillay et Saffré.
L’émotion : elle est inévitable. Elle est sélective : elle a retenu Gavroche au temps de La Commune de Paris, parce que Victor Hugo l’a immortalisé. Elle a retenu Guy Môquet parce que le Parti Communiste l’a mis en avant en raison de son jeune âge. Mais elle n’a pas retenu André Le Moal, du même âge, fusillé le même jour, pour la même cause, à Nantes, le 22 octobre 1941.
On parle à leur sujet d’instrumentalisation. Oui, c’est bien le cas. Comme c’est le cas de tous ceux qui, présentés comme des héros, ont la charge de porter une idée que l’on veut grande. C’est le cas en particulier de Jeanne d’Arc ... et du soldat inconnu de l’Arc de Triomphe. Et du maquisard inconnu de Saffré.
Mais l’émotion, comme toute émotion,
est dangereuse
(n’est-ce pas l’émotion qui, dans de trop nombreux cas, a conduit à la torture en Algérie ?).
Dans cette histoire tragique de Guy Môquet, il ne faut pas oublier le contexte de l’époque, la chasse aux Juifs (on ne connaissait pas l’ADn à l’époque ...), la chasse aux Communistes, la chasse aux Syndicalistes et à tous ceux qui étaient capables de penser et d’être les leaders de la classe ouvrière.
Ce Pierre Pucheu qui choisit les Otages à fusiller, c’est un représentant du grand patronat, fondateur du Cartel International de l’Acier, administrateur des fonderies de Pont-Ã -Mousson et des aciéries de Micheville, dignitaire du Comité des Forges. Ce Pierre Pucheu souhaite prendre la revanche des accords de 1936 qui vit le grand patronat céder à la poussée de la classe ouvrière et du Front Populaire.
Rappel nécessaire en cette période où N.Sarkozy et le grand patronat veulent prendre la revanche des avancées de 1945....
Sauce piquante ....
Face à l’émotion orchestrée, en 2007, autour de Guy Môquet, quelques voix font entendre une petite musique discordante.
C’est Danièle Catala qui s’interroge sur « Devoir de mémoire » ou « devoir d’histoire » : « La mémoire constitue un patrimoine mental permettant de construire des représentations, des valeurs collectives pour inspirer le présent. La commémoration célèbre cela. Mais la mémoire est aussi affective, parfois sélective. Pire, elle peut être arrangée, tronquée et verser dans l’instrumentalisation et la manipulation de l’opinion, surtout lorsqu’elle sombre dans la pure émotion, détachée de l’histoire. Or, l’émotion ne produit pas de sens. Dans ce cas, la mémoire est faillible et risque d’entrer en conflit avec la vérité historique. (...) A nous de rappeler que la mémoire est citoyenne et non l’outil populiste du politique en mal d’instruments pour recréer la cohésion sociale et nationale ». http://www.autrevoixchateaubriant.com/article-12280845.html
C’est le Parti Communiste, écartelé entre l’hommage aux Résistants et la récupération populiste sarkozienne, qui déclare dans un tract diffusé à 2000 exemplaires : « Guy Môquet : cela fait plus de 60 ans que nous honorons sa mémoire, et celle des camarades fusillés avec lui, et celle de tous les fusillés de France. Et aussi la mémoire de tous les Résistants à l’idéologie nazie : parmi eux il y avait de nombreuses personnes de Châteaubriant et des environs ».
C’est le SNES-FSU (syndicat enseignant) qui appelle à participer à la commémoration du 21 octobre 2007, tout en regrettant « la médiatisation l’esprit de la résistance, alors que certaines mesures actuelles risquent de nous rappeler des heures bien sombres de notre histoire »
C’est l’ensemble des Partis de Gauche (PS, PCF, Verts et MRC) qui appelle à participer aux cérémonies de la Carrière des Fuillés tout en observant : « A l’heure où l’image de Guy Môquet est récupérée et galvaudée , le programme du Conseil National de la Résistance attaqué par le pouvoir et le patronat , il importe de rendre hommage aux 27 otages et de rappeler les raisons de leur sacrifice : paix , liberté et justice sociale » .
Nous vous en lirons des Lettres .......
De leur côté les associations Tous Solidaires et Solimée, appellent à une manifestation le 22 octobre 2007 à Châteaubriant
« Quand monsieur Sarkozy détourne de son contexte la lettre de Guy Môquet ,et la fait lire aux élèves de notre pays ... les associations Tous Solidaires , Solimée vous invitent à la lecture de lettres d’enfants et d’adultes expulsés et en danger de mort lors de leur retour au pays ».
" Aujourd’hui on vient chercher des enfants à l’école. Des parents d’élèves avec leurs enfants, des célibataires sont arrêtés, retenus dans des centres de rétention avant d’être expulsés.
Aujourd’hui des citoyens qui se mobilisent contre ces exactions sont poursuivis par la justice
Tous ces faits nous replongent dans des périodes de l’histoire que la commémoration des Fusillés du 22 octobre 1941 nous rappelle à Châteaubriant chaque année.
Nous refusons le durcissement de la loi sur l’immigration et l’asile, avec entre autre l’utilisation des tests ADN pour les regroupements familiaux.
Nous exigeons l’arrêt des violences lors des arrestations des personnes en situation irrégulière,
Nous exigeons l’arrêt des poursuites pour les personnes qui viennent en aide aux sans-papiers "
(Communiqué)
Le communiqué du SNES
Paru le 24 octobre 2007
Ironie de l’Histoire
Dans un communiqué le SNES (syndicat enseignant) du Lycée Guy Môquet rappelle que : « Il y a une ironie de l’histoire. Peu se souviennent sans doute qu’il y a 30 ans, [en 1977] il a fallu la détermination des enseignants et des parents d’élèves pour que l’établissement puisse s’appeler Guy Môquet. La municipalité d’alors, voire l’administration, était bizarrement peu favorable à ce nom (peut-être n’était-il pas assez politiquement correct à leurs yeux !). Ainsi, la plaque qui se trouve à l’intérieur du lycée n’a jamais vu de commémoration ni de cérémonie officielle pendant tout ce temps ».
« Chaque année, pourtant, et sans attendre les instructions du Ministre, les enseignants du lycée intègrent l’histoire des Fusillés et de la Résistance dans leurs projets pédagogiques et s’efforcent de transmettre les valeurs qu’ils représentent. D’autre part, tous les ans, des élèves du lycée Guy Môquet participent avec d’autres jeunes des établissements publics de Châteaubriant à l’évocation théâtrale qui a lieu lors de la commémoration à la Sablière. .La plupart du temps sans que tout cela ne suscite un grand intérêt en haut lieu ni d’articles autres que dans la presse locale. Mais il est vrai que Guy Môquet n’était pas encore le héros national qu’il est devenu en quelques mois par la grâce présidentielle ! »
« Depuis que tous les Français connaissent son nom, nous avons bien du mal cependant à retrouver derrière toute cette médiatisation l’esprit de la Résistance. Alors que certaines mesures actuelles risquent de nous rappeler des heures bien sombres de notre histoire (expulsions de familles d’enfants scolarisés en France, identité des seuls étrangers confiée aux tests génétiques), le message de Guy Môquet et de ses camarades apparaît en effet d’une actualité urgente, ailleurs que dans le simple soutien à l’équipe de France de Rugby ! »
Photo : M. Prosper Môquet, père de Guy, au lycée de Châteaubriant
le 21 octobre 1977 entre les deux Proviseurs
MM. Cabannes et Taillat. (photo Henri Beloeil)
Rions un peu :
Guy Môquet a brûlé une voiture
C’est avec une grande hésitation que nous vous révélons un fait divers navrant qui s’est produit le 13 octobre. Le jeune homme ayant récidivé le 19 peut s’attendre prochainement à une peine
d’emprisonnement.
°°°°°°
Stupeur à Neuilly-sur-Seine ce samedi 13 octobre, où le Héros de la nation bien connu des media, Guy Môquet, a été interpellé après avoir tenté d’incendier un autocar de touristes retraités du Sussex (Angleterre).
Notre icône nationale se rendait d’un pas volontaire au Stade de France pour assister à l’audacieux plan de relance économique de notre futur ministre de la Tectonik et du ballon prisonnier dans les halls d’immeuble. Et c’est investi dans la lecture du dernier numéro de Têtu présentant l’épilation de sébastien Chabal qu’il apprit subitement que la France avait perdu un point de croissance.
« C’est dégueulasse ! »
N’écoutant que sa saine colère, le jeune Héros de la Nation prit l’engagement sur le champ de bouter les perfides saxons hors du territoire, et s’équipa d’un tazer afin d’aller pratiquer des prélèvements ADN.
Vers 3h du matin, dimanche, il fut interpellé par les services de police alors qu’il entonnait pour la 42e fois la « boite à caca », hymne bien connu des supporters du Stade Français.
Source : http://bravepatrie.com/+612-Defaite-des-Bleus-Guy-Moquet-brule-un-bus
On espérait qu’il pourrait s’amender mais hélas le 19 octobre, apprenant la défaite du XV de France devant les terribles Argentins, il a hurlé des chansons « osées » (apprises au club des supporters) dans les rues tranquilles de la ville au risque de heurter la sensibilité des jeunes accouchées de la maternité chic Sainte Isabelle de Neuilly sur Seine.
Dans les milieux autorisés on craint qu’une troisième incartade patriotico-rugbystique, qui aurait le caractère de récidive, puisse le faire emprisonner, pour deux ans, dans un camp de Châteaubriant au risque de connaître un funeste destin.
(1)
Courrier des lecteurs
A propos de la célébration nationale de Guy Môquet, une lectrice nous écrit :
Je ne suis pas d’accord avec le ton polémique du début de l’article de La Mée du 24 octobre sur Guy Môquet.
Voilà pourquoi. J’ai, personnellement, après les élections présidentielles, eu l’occasion de faire une revue de presse dans une maison de retraite. Les personnes âgées qui étaient présentes ont été très émues, cela leur rappelait beaucoup de souvenirs car l’une d’entre elles avait vu le camion chargé de morts passer, une autre habitait près de la Carrière. Ça a été un moment de partage et d’échange très intéressant.
J’estime personnellement que le devoir de mémoire c’est quelque chose de très important. Evidemment la mémoire c’est de l’affectivité, de l’émotion, valeurs qui n’ont rien de négatif.
Guy Môquet, ce titi parisien, on l’imagine lançant ses tracts à la volée, jouant à cache-cache avec la police. On est ému en lisant sa dernière lettre à Odette. Personnellement, je n’ai jamais pu lire la lettre à ses parents sans sentir les larmes me monter aux yeux.
Je ne crois pas en un monde en noir et blanc et je me demande comment on aurait réagi si, en 1981, François Mitterand avait demandé la lecture de cette lettre. Evidemment sans obligation, sans menace et sans exiger qu’elle soit lue aux mêmes élèves tous les ans.
Brigitte Duchêne
Ecrit le 28 novembre 2007 :
Et une minute de silence le 11 novembre 2007
Notre président y cause à tort et à travers sauf que des fois il ne dit plus rien quand son homme-de-plume ne lui écrit pas de discours. Nous avons droit alors à une minute de silence .
Est-ce pour cela que la Ministre de la défense (Mme Alliot-Marie) a écrit à la Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports (Mme Bachelot), qui a elle-même écrit au président du Comité National Olympique et Sportif Français (M.Serandour). pour lui dire « son souhait de voir respectée la tradition de la minute de silence et de recueillement lors des manifestations sportives qui seront organisées le 11 novembre 2007 »
Cette invitation est descendue jusqu’aux sociétés sportives de Châteaubriant !
véridique !
défaire méthodiquement le programme du Conseil National de La Résistance
Histoire : quand le maire de Châteaubriant refusait de donner au Lycée le nom de Guy Môquet
La cérémonie du 21 octobre 2007
Poursuivie pour La Rose et le Réséda :
_ http://www.liberation.fr/rebonds/chroniques/smoking/308529.FR.php
Guy Môquet libère Ingrid Bétancourt
Le théâtre des émotions
« Je n’ai jamais pu lire ou écouter la lettre de Guy Môquet sans en être profondément bouleversé ». Cette phrase n’est pas seulement un aveu ; elle a valeur d’explication. L’émotion justifie la lecture : on doit lire la lettre pour émouvoir, et pour être ému. Bref, pour Nicolas Sarkozy, la référence à Guy Môquet participe d’une politique de l’émotion. Lire ici : http://www.mouvements.info/spip.php?article186
Curiosphère
Des documents sur Guy Môquet et la Sablière : http://www.curiosphere.tv/index.cfm?mot_clef=moquet&typeObjet=1
Emile Letertre au sujet de la lecture obligatoire de la lettre de Guy Môquet
Film : la mer à l’aube de Volker Schlöndorff .
Lu dans télérama : La Mer à l’aube, écrit et réalisé par Volker Schlöndorff relate les 33 heures qui séparent la mort d’un officier allemand, abattu par des résistants communistes à Nantes le 21 octobre 1941, de celle des exécutions, en représailles, des otages du camp de Choiseul : dont Guy Môquet. « Ce n’est pas du tout un film historique, c’est plutôt lyrique, c’est une méditation », a précisé le réalisateur, qui a aussi expliqué que ce projet remontait à son expérience personnelle d’ex-adolescent allemand, envoyé, à 17 ans, dans un collège de Vannes, et confronté au secret soigneusement entretenu par ses camarades autour de ce qui s’était passé non loin de là , à Châteaubriant, en 1941. La Mer à l’aube est un beau film choral, qui multiplie les points de vue chez les Français comme chez les Allemands, et où l’on croise aussi bien Guy Môquet (traité comme un prisonnier parmi d’autres, quoique plus jeune que tous les autres) et Jean-Pierre Timbaud que les écrivains Ernst Jünger (en officier en poste à Paris) et Heinrich Böll (en jeune soldat fraîchement revenu du front russe). Mis à part quelques cadrages obliques un peu précieux, la réalisation est d’une grande sobriété et, effectivement, d’un certain lyrisme.