Ecrit le 29 septembre 2010
Gerard Depardieu et les retraites
« Je trouve que la retraite à 60 ans, ce n’est pas la peine. Ce sont des faux débats de politiques, Martine Aubry et tout ce qui s’ensuit. Moi, la retraite, je n’y pense pas parce que je ne travaille pas. Je cotise énormément, pour des tas de gens. La sécu, je ne m’en sers jamais, je n’ai pas de carte Vitale. Je n’ai jamais voté. Je ne me sens pas français. Mon pays, c’est le monde ».
Et cinq minutes plus tard, le même personnage déclare : « s’il y a des gens qui veulent s’arrêter de travailler à 60 ans, qu’ils s’arrêtent, qu’ils se démerdent ». Mais en même temps, la retraite, pour lui, c’est vraiment nul. « déjà , on devrait informer les gens qui disent » vivement la retraite « . La retraite, c’est aussi une petite mort. On devrait les éduquer, leur donner des cours de dessin, de jardinage. Sinon, ça se termine au bistrot. »¨Après, il y a le médecin, parce qu’on est déprimé. Et après, on crève. "
Il faut des sacrifices
Et il conclut : « On ne peut pas faire une Europe en arrêtant de travailler à 60 ans et en payant des retraites. Non, il faut des sacrifices. »
Qui ? Il ? Il s’agit de gérard Depardieu, celui-là même qui déclare : « La politique ne m’intéresse pas. Ce n’est qu’une basse cour avec des poules et des coqs qui se chient dessus. C’est honteux et c’est sale ». Un seul homme politique trouve grâce à ses yeux : un certain N. Sarkozy.
Laissons-lui l’élégance des propos. Revenons sur les idées gérard Depardieu joue, et gagne des sommes considérables mais (citons gérard Filoche) :
A-t-il jamais vu, autrement qu’au cinéma, un ouvrier carreleur à genoux, ou une femme de service poussant son chariot, ou une serveuse et ses phlébites à répétition ? Il n’a pas idée de ce que vit chaque jour une infirmière qui court dans les couloirs de l’hôpital dans sa 63e année.
Lui, la nuit, il court les boites et les plateaux de télévision. Ce n’est pas lui qui travaille de nuit, ni « posté » en trois-huit. Il ne pense ni aux chauffeurs, ni aux nettoyeurs, ni aux ouvriers agricoles, ni à ces 12 millions de salariés qui gagnent moins de 1450 euros par mois en souffrant au travail et qui comptent sur leur droit à la retraite.
Il ne sait pas ce que représentent 40 ans de labeur. Ceux qui ont souffert au travail savent le bonheur des premières années de retraite, ces quelques années de repos en bonne santé. La retraite, cela a un sens pour des millions de salariés souvent épuisés, inaptes, malades ou licenciés vers 55 ans.
Depardieu, lui, il a joué (et bien joué) dans Germinal, Les Misérables et dans la Bête Humaine, mais en sachant que, le soir, il retrouverait sa douche, une bonne bouffe et un hôtel confortable. Jouer n’est pas travailler Avec ses abus de toute sorte, il aura peut-être un jour besoin d’être soigné. Il pourra payer sans doute. Mais que pense-t-il des gens qui lui prodigueront des soins ? Il appréciera leur disponibilité et cela ne se monnaie pas. L’intelligence du cœur n’a pas de valeur !
En retraite, pas en retrait
Plus encore que son ignorance des réalités du monde du travail, ce qui choque chez Depardieu c’est son mépris profond pour les « petites gens », ceux que l’on « devrait éduquer », à qui on devrait « donner des cours de dessin, de jardinage ».
Il ignore peut-être la quantité de retraités qui donnent généreusement, bénévolement de leur temps pour diriger : le Foyer du Jeune Travailleur, l’aCPM , la Confédération Syndicale des Familles , Emmaüs , Le Secours Populaire , St Vincent de Paul, le club d’Astronomie, l’amicale laïque, l’ORPAC , la Foire de Béré, la Mutualité etc.
Il ignore ceux qui donnent des cours de maths, de dessin, de français, de jardinage à l’association Rencontres , au RAP ou ailleurs ; ceux qui transmettent l’art de la Fonderie.
Et ceux qui donnent des coups de main à la voisine, veuve, pour élaguer son cerisier et qui vont même jusqu’Ã balayer le trottoir du voisin qu’une chute de glands rend dangereux. bénévolement, oui !
Et ceux qui suivent des cours à l’Université Permanente, qui randonnent avec des amis et n’hésitent pas à apprendre l’informatique après 75 ans !
De nos jours, la retraite n’est plus « une mort sociale » (titre d’un ouvrage écrit par Anne-Marie Guillemard au début des années 70), la retraite n’est plus vécue comme une mise à l’écart mais comme un moment fort de l’existence, une période d’épanouissement. Seuls 9 % des retraités considèrent cette période comme « mauvaise ». En 1955 ils étaient 42 % à se déclarer « insatisfaits » de cette nouvelle condition.
Le plus souvent, loin d’être le temps de l’immobilité, le temps de la retraite est celui des loisirs partagés, du rattrapage de cette culture dont on a pu être privé dans le passé. c’est aussi le temps de la participation active à la vie sociale, souvent inter-générationnelle, assurant la richesse, l’équilibre de nos sociétés. Loin d’être une charge, les retraités sont une chance pour nos sociétés.
c’est dommage que, dans cette question des retraites qui agite la France, les organisations de retraités ne fassent guère entendre leur voix et laissent le débat se focaliser sur des questions financières en occultant les choix de société à effectuer.
2000 manifestants
Au plus fort de la manifestation à Châteaubriant, le 23 septembre 2010, il y avait 2000 personnes. Notamment des salariés des petites entreprises qui, habituellement, ne débrayent pas. Il y avait davantage d’épouses, quelques commerçants actifs ou retraités, et beaucoup de jeunes qui ont su se faire entendre.
Plus de discours par organisation : les syndicats se sont entendus sur le texte commun qui a été envoyé au président de la République, puis le cortège s’est rendu Place de la Motte, devant la permanence du député. La CGT, depuis plusieurs mois, avait demandé rendez-vous au député. Deux fois il a fixé un rendez-vous, deux fois il n’est pas venu. L’intersyndicale va, à son tour, lui demander une entrevue. En attendant les manifestants ont tapissé la devanture de la permanence du député :
– Moi, Michel Hunault député de Châteaubriant, j’ai voté pour la retraite à 67 ans pour les seniors que mes amis du Medef et du CAC 40 mettent au chômage à 55 ans.
– Moi, Michel Hunault, député du coin, j’ai voté pour une réforme injuste qui pénalise ceux qui ont commencé à travailler à 16 ou 18 ans.
– Moi, Michel Hunault, j’ai voté la retraite à 67 ans pour les plus démunies de salariées
– Moi, Michel Hunault, j’ai voté pour une réforme que je sais inefficace pour l’avenir