Ecrit le 2 mars 2011
La Vierge de Seligman
Les collections d’ivoires médiévaux du musée Dobrée se sont enrichies fin 2009 d’une figurine parisienne de la Vierge à l’Enfant donnée par M. Thomas Seligman. L’objet a été étudié par Jacques Santrot, Conservateur en chef du patrimoine, et Danielle Gaborit-Chopin, ancien chef du département des Objets d’art du musée du Louvre et spécialiste des ivoires gothiques français.
L’enfant tient une pomme dans sa main gauche et tend un livre à sa mère. Celle-ci porte un un « manteau:voile », comme un grand châle qui passe sur la tête, où il est maintenu par une couronne ouverte à trois fleurs de lis. De part et d’autre de la tête de la Vierge, sur la couronne, deux petites excroissances laissent deviner comme les doigts de deux petites mains : celles d’un ou de deux angelots descendant du ciel pour poser la couronne sur la tête de Marie. Des traces laissent deviner du bleu sur le revers du manteau-voile de Marie, du rouge sur la fleur qu’elle tient dans sa main droite, et un glacis vert sur la tige et les feuilles. Une dorure a été relevée sur la couronne de Marie.
Symbolique
A partir du XIIe siècle, de nombreuses images de la Vierge à l’Enfant ont été taillées dans l’ivoire, dont la blancheur et la froideur symbolisaient la pureté virginale et la chasteté. Le « manteau » dont est couverte Marie et d’où émerge son fils, nu, pourrait évoquer la protection accordée à l’humanité par Marie, ainsi assimilée à l’Église tout entière. Le bleu du revers du manteau de la Vierge s’inscrit parfaitement dans un contexte médiéval puisque cette couleur lui est généralement attribuée à partir des XIIe-XIIIe siècles. La couronne dorée évoque la dignité royale de la Vierge. Son couronnement manifeste qu’elle est la reine du ciel en tant que mère du roi du ciel.
La fleur que tient Marie, dont les cinq pétales évoquent l’églantine ou l’aubépine, doit être la rose sans épines, parfois traitée comme une rose-trémière, l’une des fleurs symboliques de la Vierge.
L’Enfant Jésus est ici représenté à demi nu, le torse dévêtu. Attestée vers 1300 sur des ivoires gothiques, cette nudité de l’Enfant est l’affirmation de l’Incarnation et de la pauvreté de la condition humaine, réitérée par l’apparition des orteils nus de son pied gauche, sous les plis du manteau de sa mère. Comme il est habituel dans les représentations gothiques, l’Enfant tient ici une pomme, évocatrice de la faute d’Adam et devenue signe de salut.
Le Livre fermé que tient l’Enfant peut être considéré comme une allusion aux Écritures et aux prophéties annonçant la venue du Messie.
Merci à Jacques Santrot pour ces intéressantes explications
Source : Revue des Musées de France, 2011-1