Ecrit le 7 septembre 2011
Au château de la Pinais
La Mée a rencontré M. Andron pour une raison médicale sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour. Ce fut l’occasion de découvrir autre chose. M. Andron dispose d’un terrain situé près du Château de la Pinais à Moisdon. Ah ce château : la moitié de sa vie professionnelle.
A l’origine : une simple demeure, qu’un des propriétaires habilla de tours en brique lui donnant l’allure d’une demeure noble, au bout d’une allée plantée d’arbres que les années ont rendue somptueuse.
Dans cette propriété de 8,5 ha, M. Andron était régisseur, chargé de l’entretien du terrain et des bâtiments. LÃ , aux vacances, la Caisse d’Allocations Familiales de Paris acueillait une cinquantaine d’enfants. « Des mioches de 4 à 6 ans, souvent issus de familles désunies. Certains pleuraient encore leur mère ». M. Andron s’en souvient, le cœur fendu. Ces gosses, il les aimait.
Et les enfants le sentaient. Ils avaient un grand besoin d’amour. Certains d’entre eux ne voulaient plus quitter la colo ... sur-tout quand ils sentaient que, à la maison, ils étaient de trop. « Une fois, une jeune femme est venue chercher sa fillette. Elle l’a poussée sans affection dans le fond de la voiture, à côté d’un gros chien qui lui faisait peur. J’ai failli intervenir ! » dit Robert Andron.
Les enfants s’adaptaient assez vite à cette vie de colo, d’autant plus que « nous les laissions visiter, s’éclater. Les éducateurs et le personnel maintenaient une atmosphère d’affection et de vie de famille. Chacun était attentif aux enfants, surveilant, du coin de l’oeil, ceux qui pouvaient sembler malheureux ».
Il y avait bien sûrdes éducateurs. Il fallait loger les enfants, les nourrir, les laver, les habiller, les occuper pendant un mois. Aucun enfant ne s’est plaint d’un geste déplacé à son égard. Il y avait une monitrice, Odile, que les enfants adoraient au point que, la pauvre, elle avait bien du mal à prendre son jour de congé hebdomadaire.
« Mon épouse et moi, nous étions chargés d’embaucher le personnel de service : cuisinières, lingères, femmes de ménage, filles de salle, etc ». L’entretien c’était 2400 mètres de haies, 300 arbres centenaires, des prairies et aires de jeux, les réfectoires, les dortoirs, la pompe du système sanitaire, la chaudière etc . « Pas de jour de repos, pas de samedi-dimanche. En plus de l’entretien, je faisais les courses pour la maison, j’organisais des kermesses, des jeux. Je perdais 8 kg l’été mais j’étais content ! » dit M. Andron.
La maison de singe
De nombreux souvenirs lui reviennent : l’anesse ’Pâquerette’, sauvée de l’abattoir, qui faisait la joie des petits Parisiens, avec sa fille ’Josette’. « Nous les attelions avec une calèche pour promener les enfants » Quand Paquerette est morte, Josette a suivi rapidement. « Nous avons alors acheté un poney mais nous avons dû nous en débarrasser : il était trop imprévisible pour les enfants ».
Et la « maison de singe » ? Elle était construite avec le bois récupéré sur des palettes de transport, sur un arbre, pas trop haut, avec une petite échelle pour y accéder ! L’occasion de devenir Tarzan sans trop de risques.
Il y avait des petits vélos pour les enfants, des balançoires, des crayons de couleur, des livres à colorier et un bassin en béton, face au château. « J’y mettais de l’eau chaude de temps en temps ». Il y avait des pique-niques, des feux de camp, des chants accompagnés à la guitare. Une liberté que ne connaissent plus les centres de loisirs actuels, trop enserrés dans des règlements de sécurité. « Ma hantise : les accidents éventuels. Nous en avons eus, un bras cassé par exemple, mais rien de grave. Deux mois avec 50-55 gosses, c’est long et j’étais content de les renvoyer sans blessure à leurs parents ».
Les transports étaient assurés par la maison Daraize du Petit-Auverné. La colo donnait du travail aux gens de la région et aux commerçants locaux.
Château de la Pinais.
L’alcool de vipère
Un souci : les vipères. « les petits faisaient cercle autour ! Moi j’intervenais avec mon bâton fourchu et j’anesthésiais la vipère dans l’éther. Quand je pouvais, je fabriquais de l’eau de vie de vipère, une pratique interdite désormais : mettre la vipère vivante dans une bouteille d’eau de vie. En se noyant le serpent libère son venin, donnant à l’alcool des vertus tonifiantes et curatives notamment pour les problèmes de rhumatisme »
Encore maintenant c’est avec émotion que Robert Andron, malgré ses airs de baroudeur, évoque cette période de sa vie et ce n’est pas par hasard s’il a acheté un terrain si près de « son » château. Un terrain où son vieux tracteur a bien failli lui ôter la vie ... Mais c’est une autre histoire....