Ecrit le 4 janvier 2012
Une sorte d’école des parents : Les Potes de(s) sept lieux ont invité les adultes à un café-conférence le 22 décembre dernier à St Vincent des Landes. Cinq tables, petits gâteaux, chocolats et boissons chaudes, papiers blancs et crayons, autour du thème « Les conduites à risques des adolescents ». La psychologue Brigitte Weber en a assuré l’animation au cours d’un exposé très clair et très concret.
L’adolescence ? C’est une « invention » assez récente, liée à des conditions de travail et de vie. Quand les enfants travaillaient, très jeunes, dans les mines, les forges, les ateliers de tissage, ou les champs, y avait-il des « crises d’adolescence » ? Y en a-t-il d’ailleurs actuellement en Chine ?
L’adolescence est-il le temps de la jeunesse ? Même pas ! Nos sociétés tendent à une jeunesse la plus longue possible ! L’adolescence est aujourd’hui un temps de transition qui augmente démesurément, de 10-11 ans jusqu’Ã 25-26 ans voire 30 ans. Etudes prolongées, absence de travail ...
Ruptures
L’adolescence est le temps des ruptures.
– L’adolescent(e) doit assumer les transformations de son corps. La poitrine qui se développe, la barbe qui pousse, la voix qui mue, l’acné qui fleurit ...
– l’adolescent(e) doit faire face à des bouleversements émotionnels
– il(elle) doit se séparer de ses parents pour s’individualiser, s’affirmer, construire son identité.
– et trouver une nouvelle « famille », ce qui commence par la constitution d’une « planète ados » avec ses codes propres (par exemple vestimentaires). Des codes qui peuvent être très discriminants quand le groupe exige le port de vêtements « de marque ». « Il faut leur apprendre à se faire apprécier pour soi et pas pour ses fringues » dit Brigitte Weber..
Cette adolescence plonge ses racines dans le terrain de la petite enfance (qui a pu connaître les deuils, les familles désunies) et dans le parcours scolaire. Tout ce qui n’a pas été réglé à cette époque va se rejouer, se réactiver à l’adolescence, au moment de cette rupture qu’est l’entrée en sixième.
L’adolescent(e) doit se refaire une place, il(elle) cherche ses marques, il(elle) découvre un monde où tous les dangers lui sautent à la figure, un monde marqué par la précarité, les catastrophes, un monde où il(elle) ressent la peur de mourir. Comment peut-il(elle) trouver le plaisir de vivre ? Comment savoir qu’il(elle) appartient à une communauté humaine ?
Il y a ceux qui choisissent les engagements humanitaires - ou Greenpeace - ou rejoignent « les indignés » : là il y a de l’espérance, des projets, de l’air quoi !
Et puis il y a ceux qui adoptent des conduites à risques, pour créer une rupture avec le monde des adultes qu’ils trouvent triste à mourir ! Il leur faut trouver des raisons de s’émerveiller, de se réjouir, de faire la fête, de se dépasser, de chercher leurs propres limites. Le désir de ne pas être « rien », la recherche du héros. Cela peut être : celui qui boira le plus vite. Cela peut être la sexualité sans protection, les sports extrêmes, les engins motorisés rapides « là je me sens un aigle ». Le garçon recherche les films violents, il a besoin de s’assurer de sa puissance, de prouver une virilité qu’il n’a pas toujours pu tester dans la sexualité. Une cicatrice devient vite l’équivalent de la légion d’honneur. Ces conduites à risques sont aussi un moyen de tester l’attachement des parents. « J’ai tout testé, sauf la mort » disait ce jeune qui a cessé ses prises de risques le jour où son père lui a dit « j’ai toujours peur de te perdre ».
Les conduites à risques des filles sont plutôt alimentaires. « J’en veux à Carla Bruni » dit Mme Weber, en déplorant que, pour les jeunes filles, la minceur soit un critère de beauté. « Malaise, angoisses, les filles se demandent si elles sont belles, si elles vont plaire ». En suivant la mode actuelle, elles se dénudent beaucoup sans savoir à quel point cela gêne les garçons qui, eux, doivent se cramponner. « Pour les garçons, nous ne sommes que de la chair » disent-elles encore. Pour elles la sexualité sans contraception est un gros risque « et une IVG à 15 ans, c’est un mauvais départ dans la vie ».
prévenir
prévenir les risques, accompagner les adolescents, cela commence dans la petite enfance : mettre en place les cadres, les limites, les interdits, oser affronter la confrontation. « Toutes les confrontations qui n’auront pas eu lieu vont se rejouer plus tard. S’il n’y a pas d’autorité à la maison, le jeune cherchera ses limites en étant insupportable en classe et dans la rue ». Il faut mettre des stops fermes, car les adolescents poussent les limites jusqu’Ã l’extrême.
« Il faut valoriser les enfants, les encourager, construire la confiance en soi, rassurer les enfants sur leur beauté (filles) et leurs muscles (garçons), reconnaître leurs compétences physiques et intellectuelles. Le papa, c’est le premier homme de la maison : il doit dire à ses filles qu’elles sont jolies ! L’estime de soi se construit dans la parole des autres, des parents et des enseignants ».
Questions
Brigitte Weber a répondu ensuite à de nombreuses questions.
– faut-il laisser sortir les jeunes 14-18 ans ? réponse : « il ne faut pas les cloîtrer à la maison car on ne peut pas se responsabiliser sans aller découvrir le monde. Mais il faut savoir où ils vont, leur offrir des espaces à investir : du sport, des engagements humanitaires, des activités qui leur donnent de la valeur, qui leur permettent de récolter des compliments. Les adolescents, à notre époque, ont de l’intérêt pour les grandes causes, ils ont envie que ça change ».
– Et les soirées entre jeunes ? « il faut comprendre qu’ils ont besoin de danser, de penser à autre chose, mais fixer les limites, veiller à l’alcool, ne pas hésiter à dire : à minuit, j’irai te chercher ».
– l’attitude des parents ? réponse : « autorité et souplesse, beaucoup discuter avec les enfants, cela implique une confiance réciproque, tenir compte de la personnalité de l’adolescent »
– Jeunes amoureux sous le même toit que les parents ? réponse : « Non. La sexualité, ça se mérite, ce n’est pas aux parents de faciliter la rencontre ».
– L’agressivité du langage ? réponse : « l’agressivité n’est pas interdit, mais la façon de l’exprimer doit être correcte : pas de mots vulgaires ou agressifs » [C’est valable aussi dans le sens parents-enfants !]
– Avons-nous un droit de regard sur leurs fréquentations ? réponse : « oui jusqu’Ã 13-14 ans. Après 16 ans c’est plus compliqué, mais si on sent qu’il y a un danger, il faut intervenir. Savoir avec qui ils sont, c’est pas du flicage, c’est de la protection. Les adolescents méprisent les parents qui ne mettent pas de cadre ! ».
– Et Facebook ? réponse : « Attention à ce que les enfants ne divulguent pas des photos de leur vie privée, à ce qu’ils ne prennent pas un camarade pour cible. Il faut être très vigilant mais ... on ne peut plus y couper ! »
Des livres
De Xavier Pommereau :
– Quand l’adolescent va mal
– Ados en vrille, mères en vrac
– Ado à fleur de peau
De Marcel Rufo :
– Tout ce que vous ne devriez jamais savoir sur la sexualité de vos enfants.
Soirée de réflexion : l’engagement des jeunes
Soirée de réflexion : la place des enfants dans la famille