Ecrit le 21 mars 2012
Derval, dans un coin de campagne reculé de la grand route : Guillaume Bichon a lancé sa « forge vive » dans une ancienne porcherie, un bâtiment très haut où il a installé son foyer, ses soufflets actionnés à la main, sa réserve de charbon de bois, ses enclumes, et tous ses outils (dont certains ont été faits par lui-même). Dans un coin du bâtiment, à mi-hauteur, il a créé sa chambre. Au pied de cette mezzanine sommaire, il dispose d’une gazinière et d’une table de cuisine. Un habitat à l’ancienne pour un métier traditionnel. Seul élément de modernité : un ordinateur.
Car, ne vous y trompez pas : Guillaume n’est pas un artisan préhistorique ! Le fer est le métier qu’il a choisi en toute conscience (après avoir tenté la fabrique de bijoux), pour l’amour du fer et du travail bien fait.
De quel bois je me chauffe
Le fer, la forge pour cela il faut du feu. Guillaume utilise donc du charbon. Oh, pas le charbon en boulets, comme on en connaît encore. « Ce charbon de terre brûle bien, mais quand il commence on ne peut plus l’arrêter ! » dit-il, se souvenant qu’il a ainsi brûlé du charbon, pour rien, quand un coup de téléphone l’éloignait de sa forge pour une trop longue durée. « Pour les forgerons, rien ne vaut le charbon de bois » explique-t-il.
Le spécialiste du fer, qu’il est devenu, sait que le charbon de peuplier, léger, dégage plus de calories et plus vite que le charbon de chêne : en 10 minutes il permet de travailler le fer.
Le partisan des choses simples, qu’il est aussi, sait qu’on trouve du charbon de bois dans le commerce. « Il vient souvent de loin, d’Afrique du Sud par exemple. Son prix inclut les frais de transport et on ne sait pas de quel bois il est composé » explique Guillaume. D’où l’idée de faire son charbon soi-même ! Guillaume en espère 500 kg.
Dans la région de Derval, on trouve une bonne quantité de peupleraies, notamment au bord des rivières. « C’était du temps où les paysans pouvaient en vendre pour fabriquer de la pâte à papier ». Dans un terrain, près de sa forge, Guillaume a donc désherbé deux vastes cercles bien nettoyés. Au centre il a construit une cheminée carrée en croisant des bois de mêmes dimensions. Tout autour, en périphérie du cercle, il a disposé un tapis d’autres bois destinés à assurer une assise à la motte de terre qu’il édifiera. La photo (ci-contre) évoque un rond de fées (ou de sorciers, comme on voudra) voire une construction préhistorique.
35 cm de côté pour la cheminée, sur 1,20 m de hauteur. Tout autour sont disposées des bûches de peuplier, fendues, pour faire une sorte de vaste cône (des bûches réservées depuis longtemps, au sec). Un tapis de feuilles et de paille est ensuite placé sur cette motte, il sert à isoler le bois de la terre que l’on met ensuite sur la motte. Grâce à cette barrière, la terre ne pénètre pas dans la meule et permet l’isolation du bois de l’extérieur afin de maintenir la combustion à l’intérieur.
Huit-dix jours
Deux jours de fabrication de cette charbonnière, les lundis 12 et 13 mars. Et puis, mercredi 14 mars, des braises de charbon de bois, incandescentes, sont introduites par le haut de la cheminée centrale. Quatre évents sont aménagés au bas de la motte, pour assurer le tirage nécessaire. Puis la cheminée est bouchée par une grosse motte de terre.
Peu à peu, la température monte dans la charbonnière. Des fumées blanches (vapeur d’eau) attestent du séchage du bois. Et celui-ci se consume lentement en commençant par le sommet de la meule.
La fabrication du charbon de bois, avec cette méthode, demande une surveillance constante. Deux hommes se sont même relayés toute la nuit. « On bouche, on débouche les évents, pour guider la combustion ». Quand on voit que la fumée « descend », on sait que le feu a progressé vers la base de la meule.
Hubert Chatelain, le charbonnier de Rougé (84 ans) est venu donner des conseils. Il était accompagné d’un de ses « apprentis » (60 ans). On les sentait tous heureux en voyant sortir les petites fumées bleues qui montrent que le bois s’est transformé en charbon.
La fabrication dure ainsi jusqu’au dimanche 18 mars. Partout on sent le feu, cette odeur imprègne les vêtements. « La nuit, avec l’humidité ambiante, les fumées se font plus intenses : on ne voit guère aux alentours. C’est fantasmagorique » disent Guillaume, Pierre et Fabrice.
C’est fini, la meule se refroidit peu à peu. Il faut maintenant éteindre les dernières braises. Sans arroser, malheureux ! Le charbon de bois doit être bien sec. Il suffit d’enlever la terre, (ce qui rallume le charbon de bois) et de la remettre aussitôt (ce qui étouffe le charbon de bois qui s’est rallumé). Le choc thermique provoque un durcissement du charbon de bois qui, de ce fait, tiendra mieux la braise. Il reste à mettre le charbon fraichement défourné dans de grands sacs où il sera protégé de l’humidité.
Car l’humidité altère la qualité du charbon de bois : l’eau qu’il contient doit être évaporée lors de la combustion, et représente une perte directe de pouvoir calorifique.
Voilà un bon exemple de « vivre et travailler au pays » en respectant les ressources naturelles et la convivialité.
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Un peu de technique
Le charbon de bois réagit avec l’oxygène de l’air à la température du rouge incandescent pour former du monoxyde de carbone incolore, qui brûle alors avec une flamme bleue en se combinant avec une quantité supplémentaire d’oxygène de l’air pour former du dioxyde de carbone ou gaz carbonique. Par suite de la chaleur libérée par ces deux réactions, le charbon devient rouge incandescent et rayonne de l’énergie thermique, et le gaz chaud de dioxyde de carbone sort de la zone de combustion, en cédant par convention une partie, que l’on souhaite la plus grande possible, de sa chaleur par contact direct avec le récipient de cuisson.