Ecrit le 20 juin 2012
L’invention de l’adolescence
« L’invention de l’adolescence » : ce film canadien de 1968 présente une étude rétrospective de l’adolescence au cours des siècles et des images de la jeunesse de la période actuelle. A l’aide de peintures, documents, images d’archives et graphiques, il démontre qu’aux XVIe et XVIIe siècles, « les jeunes vivaient harmonieusement avec leurs aînés. Le XIXe siècle vit se dessiner de grands changements. Aujourd’hui, un fossé sépare les générations et rend toutes communications difficiles entre elles. La société arrivera-t-elle à rétablir le dialogue entre jeunes et moins jeunes ? ». Une soirée des Potes de(s) Sept lieux, à Derval, excellente comme d’habitude, a traité le sujet : comment aider les adolescents ? Avec Brigitte Veber, psychothérapeute.
La puberté est un phénomène naturel, universel : l’adolescent est un adulte-naissant. Au XIXe siècle, l’adolescence désignait un âge de classe : la classe sociale des fils de « bonne famille », de bourgeoisie et de noblesse. Les jeunes garçons bourgeois et nobles faisaient des études et pour être considérés comme des adolescents, il fallait un encadrement spécifique pour ces jeunes pubères, encadrement établi au sein de l’école ! Les jeunes filles, les jeunes enfants défavorisés, et plus généralement les jeunes des classes populaires étaient exclus de cet âge de classe. Ils n’étaient pas adolescents, ils étaient déjà au travail. Mais la scolarité s’est prolongée (tant mieux) et le chômage exclut trop de jeunes qui ne savent pas comment entrer enfin dans une vie d’adulte.
Pour Brigitte Veber, l’adolescence n’est pas une crise, mais une longue étape. Les jeunes doivent atteindre quatre objectifs :
- - assumer la transformation de leur corps et apparaître avec un corps sexué ;
- - se séparer des parents, s’individualiser ;
- - faire face aux perturbations émotionnelles déclenchées par le cerveau ;
- - se projeter dans l’avenir.
A cette période, tous les repères qui ont balisé l’enfance s’envolent. L’adolescent réactive toutes les séparations de l’enfance (naissance, sevrage, etc) et toutes les angoisses qui vont avec. C’est alors qu’il adopte des attitudes qui paraissent incompréhensibles.
Les quatre objectifs
1) La transformation du corps, c’est la période la plus douloureuse. C’est un réel changement de peau (acné, etc !), un changement de voix (pour les garçons), l’apparition des seins (pour les filles). « Le moindre détail prend des proportions démesurées. Un simple bouton sur le nez est perçu comme une tumeur extraordinaire. Quoi qu’il arrive, les adolescents se trouvent moches, craignent de ne plus être dignes d’être aimés ». Cela peut aller aller jusqu’Ã l’angoisse, l’isolement, la dépression. Le rôle des parents est de rassurer, de montrer une grande bienveillance, d’encourager, de valoriser. La parole des autres a une grande importance. Surtout ne pas se moquer. « Et pour les seins des jeunes filles, que les papas ne fassent pas de réflexion ! » dit Brigitte Veber.
2) L’adolescent aspire à devenir autonome (au moins psychiquement). C’est le temps des « Ne me touche pas ! ». C’est le temps du refus des câlins de l’enfance. Avec, dans le fond, une demande : « Lâche-moi, mais ne me laisse pas tomber ». Le jeune a besoin de se libérer des désirs inconscients des parents. Il lui faut dé-idéaliser ses parents, en quelque sorte faire le deuil de ses parents. C’est le temps des crises : des tentatives pour s’affirmer en réaction mais il lui faut trouver quelqu’un en face ! L’adolescent recherche la confrontation à la maison, en sachant qu’il ne sera pas jeté (il n’en est pas de même à l’école, ou dans une association). « Le rôle des parents ? Ne pas jouer sur le même terrain qu’eux ! Savoir qu’il y a une souffrance affective, éviter d’agresser les jeunes, mettre en place une extrême bienveillance pour susciter, amorcer éventuellement la confidence. Ne pas répondre à l’insulte par l’insulte, mais ne pas accepter n’importe quoi. Si l’insulte va trop loin, il y a nécessité d’une sanction ». C’est une période difficile pour les parents : ils doivent rester un refuge, contenir les pulsions, limiter les débordements, accepter de prendre des coups (au sens figuré !) et tenter de dialoguer si l’adolescent le veut bien !
3) L’adolescent-e n’est qu’émotions. Il ressent un bouillonnement, des pulsions qu’il a du mal à analyser.. Les pulsions c’est ce qui nous anime depuis notre naissance, le moteur de notre existence. Elles donnent naissance à nos émotions, nos espoirs, nos craintes, nos conflits, nos comportements, nos actes. Les nouveaux désirs dans le domaine sexuel sont exprimés dans les rêveries, les rêves, les conduites, où satisfaction et répression sont mêlés. Les comportements évoluent : masturbation, flirts, relations amoureuses Le rôle des parents : apprendre aux jeunes à contrôler leurs pulsions, leur offrir un exutoire : sport, danse. Tous les êtres humains sont angoissés : il importe d’apprendre très vite à contrôler le stress.
4) Pour un adolescent, se projeter dans l’avenir, c’est l’aventure : quitter l’école primaire pour entrer en sixième, quitter le collège pour entrer en seconde, quitter la maison pour faire un stage professionnel ou entrer à l’université. « Pour conserver encore un peu le nid douillet de l’enfance, certains adolescents se mettent en échec scolaire ! Aucun parent ne peut donner à son enfant une écoute qui le garantisse de tous les risques. Mais les adolescents ne sont pas désarmés : ils portent en eux tous les outils mis en place dans la petite enfance, tous les moyens nécessaires pour se protéger eux-mêmes » dit Brigitte Veber.
Pour Élisa Camesety (Conférence du 4 février 2009) : « un adolescent ne saurait grandir s’il est protégé de toute perturbation. Il ne faut pas se protéger d’eux mais chercher à les protéger, par exemple les aider à bien vivre les traumatismes de leur vie personnelle. Dans la période d’adolescence tout peut être construit. Arrêtons de stigmatiser l’adolescent car ce serait se tromper sur sa liberté. On a intérêt à prendre soin des adolescents, les aider à risquer raisonnablement leur vie non seulement pour leur bien mais aussi pour celui de l’humanité ! Croire en l’adolescent, croire en son devenir c’est aussi donner à l’humanité la chance de croire au possible. Croire en l’adolescent c’est donner sa chance au possible ».
Ecrit le 20 juin 2012
Droits formels, droits réels
La situation d’une partie de la jeunesse au regard de l’emploi, du logement et de la santé est aggravée par les difficultés rencontrées dans l’accès aux droits sociaux (protection-maladie, accès à un logement décent, formation qualifiante et/ou emploi stable). Le manque de lisibilité et la complexité des dispositifs favorisent en effet un non-recours important.
Afin d’apporter des réponses concrètes à cet enjeu essentiel pour l’avenir de notre modèle social, le Conseil Economique et Social, dans un avis du 12 juin 2012, préconise de renforcer les structures d’accompagnement des jeunes, de rénover la gouvernance en désignant clairement un chef de file au plan national et local, de favoriser la participation des jeunes aux politiques publiques, et enfin de sécuriser les parcours d’insertion en rénovant des outils existants et en engageant une réflexion sur l’instauration d’un droit à la qualification et à la formation.