Ecrit le 14 janvier 2015
René Vautier : Avoir 20 ans dans les Aurès
L’homme à la caméra rouge est mort. En mai 1972, pendant le festival de Cannes où l’on présentait Avoir vingt ans dans les Aurès, René Vautier, cinéaste militant au train de vie modeste, résidait non pas dans un palace mais dans un camping. Apprenant que des gendarmes le recherchaient, il prit immédiatement la fuite. En réalité, on voulait simplement le prévenir, comme il est d’usage sur la Croisette, que son film risquait d’être au palmarès et qu’il serait judicieux qu’il participe à la cérémonie de remise des prix. Le long métrage, devenu depuis un film-culte sur la guerre d’Algérie, n’obtiendra aucune récompense officielle mais recevra quand même le prestigieux Prix de la critique internationale en l’absence du réalisateur.
Dès ses 15 ans, en 1943, Vautier s’engage dans le combat contre les nazis avec une détermination suffisante pour obtenir : cas des plus rares à cet âge : la Croix de guerre. décidant bientôt, conformé-ment à ses convictions, de « ne plus jamais porter une arme », il se forme au cinéma et sa seule arme sera désormais une caméra. Sa carrière de cinéaste engagé est précoce.
René Vautier à La Sablière en 1988 (photo Henri Beloeil)
En 1950, après un voyage dans les colonies françaises pour honorer une commande de la Ligue de l’enseignement, il réalise ’’Afrique 50’’, considéré comme le premier documentaire anti-colonialiste de l’histoire du cinéma français. Parti tourner en Côte d’Ivoire et au Mali sans l’autorisation des autorités, il est poursuivi par la justice : 13 chefs d’inculpation ! : et condamné à un an de prison : à Paris, on n’a pas supporté qu’il évoque les violences contre les populations et le travail forcé. La copie confisquée ne lui sera rendue qu’en 1997 et le public français ne pourra découvrir cette œuvre, interdite pendant 40 ans, qu’en 2008 !
Son regard s’est ensuite porté sur l’Algérie, avec « Une Nation l’Algérie » (1954), pour lequel il a été poursuivi pour ’’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat’’, puis « Algérie en flammes » (1958). Il est surtout le réalisateur de « Avoir 20 ans dans les Aurès », son œuvre la plus connue, prix de la critique internationale au festival de Cannes en 1972.
Ecrit le 14 janvier 2015
Francesco Rosi
Après René Vautier (lire page 4), un autre défenseur de la liberté d’expression vient de disparaître : le cinéaste Francesco Rosi. Il a reçu le Lion d’Or au Festival de Venise 1963 pour Main basse sur la ville, enquête saisissante sur les scandales immobiliers dans Naples et ses alentours, et la Palme d’Or au Festival de Cannes 1972 pour l’affaire Mattei, retour sur la mort mystérieuse d’Enrico Mattei, industriel qui croyait à l’indépendance énergétique de l’Italie.
Mais c’est avec Salvatore Giuliano (1962), Ours d’argent à la Berlinale, que Rosi affirme son style : autour de la dépouille du gangster assassiné, se complète un récit-puzzle qui déroule celui de la Sicile et de l’Italie. Car c’est bien l’histoire de son pays, entravé par les « combinazione » des partis politiques, mais aussi par l’influence des organisations parallèles, Mafia, Camorra, église catholique qu’il voit comme un « cancer », que Rosi veut raconter.
« J’ai toujours cru en la fonction du cinéma en tant que dénonciateur et témoin de la réalité, et en tant que support d’histoires dans lesquelles les enfants puissent mieux connaître leurs pères et en tirer un enseignement afin de se former un jugement dont l’Histoire serait la référence. » dit-il.