Ecrit le 29 avril 2015
Suite à quelques tribunes parues ça et là , qui n’auront finalement interpellé, réjoui ou agacé que les lecteurs se sentant concernés par une campagne qui n’a manifestement pas mobilisé les foules, à savoir les élections départementales, je me suis dit que j’apporterais bien à mon tour ma contribution, après coup. Ni pour donner des leçons, ni pour flatter mon ego ou régler des comptes avec qui que ce soit, mais plutôt pour parler du sort des élus locaux et de l’évolution des rapports entre les « citoyens » et la politique. Et dire mon regret de ne plus être représenté au Conseil départemental par Gilles Philippot et Viviane Lopez, tout en respectant le cruel décompte qui en a choisi d’autres.
Je fais de la politique
Je fais de la politique. Même si par les temps qui courent, on a l’impression qu’il vaudrait mieux ne pas s’en vanter. Je n’ai pas grandi dans une famille politisée, ce n’est pas une ambition qui remonterait à loin. c’est venu comme ça, progressivement, au fil des rencontres et des hasards de la vie, après un long investissement dans le secteur associatif. Même si c’est parfois ingrat, j’avoue que j’y prends le plus souvent un certain plaisir. Parce qu’en tant qu’élus « de proximité », dans les communes, dans les cantons, nous sommes en prise directe avec la vraie vie, avec le quotidien des habitants - et les promesses que nous faisons ne sont jamais en vain.
La politique, ce ne devrait pas être le pouvoir, mais une contribution modeste et sincère à une société mieux organisée. Grâce à la volonté de défendre des valeurs, qui induisent un positionnement politique.
Qu’on en finisse avec l’hypocrisie ...
qu’on en finisse donc avec l’hypocrisie des candidats « apolitiques ». Si on ne prend plus les électeurs pour des imbéciles, ils bouderont peut-être moins les urnes : se déclarer apolitique et vouloir exercer des responsabilités relève de la lâcheté ou de l’escroquerie.
En revanche on peut très bien se retrouver à l’échelon local sur des listes regroupant des candidats de sensibilités différentes. On peut ne pas voter pour le même candidat aux présidentielles et travailler ensemble à un projet communal ou intercommunal sans renier ses idées ou embrigader celles et ceux qui ont juste fait le choix d’un mandat au service de l’intérêt général
Donc j’assume le fait que je fais de la politique. Je suis de gauche, et je ne prétends surtout pas détenir la vérité ou la pureté d’une ligne de pensée. J’attendais autre chose du gouvernement, comme beaucoup d’autres, mais cette déception ne me fera jamais croire que le retour d’un Sarkozy ou une arrivée bien pire améliorerait en quoi que ce soit l’avenir des Français. qu’un Bigaud serait plus efficace qu’un Philippot ou une Douet plus investie qu’une Lopez.
Arrêtons de croire aux miracles, au candidat providentiel ou en la réforme qui changera tout. La société est aujourd’hui ainsi faite que le pouvoir des politiques est sans doute aussi restreint que leur courage, car ils pensent trop souvent au coup d’après, mais pour autant l’engagement devrait être respecté et valorisé au lieu de jeter aux orties ceux qui ont eu le malheur de ne pas réussir à régler tous vos problèmes ou de ne pas penser exactement comme vous.
Droite ? Gauche ?
Aujourd’hui de fait les programmes se ressemblent ; pourtant, les hommes, les femmes qui font la politique au plus proche de leurs électeurs gagnent à être comparés, au-delà de ces listes de promesses confuses, où on ne voit plus très bien (si on n’y regarde pas de plus près) la frontière entre la gauche et la droite Car tout le monde veut créer de l’emploi, veut aider les jeunes et aussi les personnes âgées, soutenir l’économie mais surtout sans nuire à l’environnement, désire vivement qu’on fasse du sport sans négliger la culture, qu’on dispose de plus de transports mais qu’on oublie pas les liaisons douces, qu’on favorise la marche du progrès sans pénaliser l’agriculture, etc. Et du coup les électeurs réclament un programme toujours plus « personnalisé », et on efface le « nous » derrière le « je » tout puissant qui s’affranchit des convictions pour voter à la carte, sans réfléchir aux conséquences de son acte. Dans l’isoloir, on se défoule, on déchire, on vire - ou on n’y met même pas les pieds car on ne se sent pas concerné. Cette dernière option s’avère particulière-ment vraie chez les jeunes, qui se détournent hélas des scrutins locaux, qui les concerneraient pourtant au premier chef.
Dans cette campagne des départe-mentales, l’amalgame entre le débat national et les enjeux locaux a été déplacé et néfaste. Les contrats de territoire, les projets culturels de territoire, les transports Lila, etc. : tout cela n’a strictement rien à voir avec le manque de résultats du gouvernement ou les ambitions présidentielles de l’un ou de l’autre. Et du coup, les élus dont c’est la passion payent l’addition pour ceux dont c’est le destin, le (confortable) gagne-pain, le métier sur plusieurs décennies.
J’ai en effet entendu pendant la campagne des « Vous les politiques, vous nous étranglez ! », des « Vous les élus, », qui laissaient à penser que tous les élus, ministres ou conseillers municipaux, se valent, que les « nantis » supposés seraient coupés des réalités de ce monde.
Rassurez-vous, nous, élus locaux, sommes aux premières loges. Et regardez quelle est l’indemnité de votre Maire, de la présidente de la CCRN ou de votre Conseiller départemental et vous verrez si pour ce prix vous seriez prêt(e) à endosser leurs responsabilités !
Intègres, profondément humains
Depuis que je fais de la politique, j’ai eu l’honneur de croiser le chemin de Gilles Philippot et de Viviane Lopez. Ils me, ils nous manqueront, en tant qu’élus, mais en tant que personnes ils resteront tels que dans l’exercice de leur mandat : intègres, profondément humains, au service de l’autre et non de leurs intérêts, ouverts à tout interlocuteur quelle que soit sa couleur politique, utiles, désireux que le « nous » prime toujours sur les égoïsmes.
Les attaques dont Gilles a été victime ne constituent pas la cause de la défaite mais m’ont choqué, comme beaucoup d’autres. Bien des élus pourraient s’inspirer de son humilité, de sa capacité d’analyse et de sa détermination à faire avancer les choses.
Les électeurs ne sont pas à une contradiction près : ils sont contre le cumul des mandats mais élisent une personne qui les collectionne, ils sont contre l’aéroport mais laissent élire de fervents défenseurs du projet, ils veulent que leur sort s’améliore mais se passeront de deux élus entièrement dévoués, ils accusent trop facilement de tous les maux ceux qui ne dictent évidemment pas les décisions d’un parti ou d’un gouvernement. Et qui de plus ne devraient jamais céder au moindre pragmatisme, comme si dans la vraie vie démocratique...
Je continuerai à faire de la politique, le temps que cela durera, mais j’ose espérer que les prochains scrutins ne seront pas dominés par l’indifférence ou le rejet et qu’au contraire les électeurs gagneront en maturité en se montrant plus exigeants vis-Ã -vis des candidats en présence, sans verser dans la facilité ou la caricature. Et que les jeunes trouveront plus nombreux le chemin des urnes.
Je veux dire par là que le Front National a beau jeu de clamer que les autres n’ont fait que décevoir et pas trouvé « la » solution, qu’il ne reste par conséquent qu’à leur donner leur chance à eux, l’illusion serait rapidement fatale. Comment des candidats qui n’ont pas du tout fait campagne, en se contentant de poser pour une photo et de signer la propagande nationale du parti, sans connaître le territoire le moins du monde, ont-ils pu atteindre des scores pareils dans notre canton ? c’est une vraie source d’inquiétude pour l’avenir, même si chacun peut imaginer une partie des raisons qui expliquent ce hold-up. En tout cas, ils auront réussi à brouiller les pistes et à convaincre bien trop d’électeurs que la gauche égale la droite et que l’on ne peut plus avoir confiance dans les politiques, quels qu’ils soient. Tous pourris, corrompus ? Certes, cela existe, mais je vois surtout autour de moi, dans le cadre de mon mandat, des élus locaux modestes, dévoués, prêts à travailler ensemble (comme à la Communauté de Communes de Nozay), qui ne demandent pas à être récompensés de leurs efforts autrement que par la confiance ou de temps en temps par la reconnaissance du travail effectué au service des habitants. Nous ne sommes pas des politiciens professionnels, nous sommes faillibles comme tout un chacun, nous sommes éjectables, mais nous devons défendre nos opinions avec courage et ne jamais avoir honte de faire de la politique
Signé : Jean-Claude Raux, Adjoint à Saffré et Vice-président de la CCRN