Violence : + 126 %
La présence de la délinquance dans les médias a augmenté de 126 % entre février et mars 2002, avant de chuter de 50 % après le premier tour de l’élection présidentielle, selon une étude exclusive de TNS Media Intelligence. La télévision a contribué à plus de 60 % à cet essor. C’est ce qui résulte d’une enquête du journal Le Monde sur la période du 1er janvier au 5 mai 2002
Un relevé exhaustif du nombre de sujets « faits divers-police justice » sur 65 médias a été synthétisé : 60 personnes ont observé 7 jours sur 7, de 5 heures du matin à minuit, 23 télévisions nationales hertziennes, par câble et satellite, 18 chaînes régionales (dont 15 différentes de France 3) et 24 stations de radio. Le nombre de sujets a ensuite été pondéré par leur place et leur durée, en les rapportant au nombre de personnes (auditeurs, téléspectateurs, lecteurs) susceptibles d’y avoir été exposées.
résultat : du 7 janvier et jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, il y a eu 18 766 sujets consacrés dans les journaux télévisés aux crimes, jets de pierre, vols de voiture, braquages, interventions de la police nationale et de la gendarmerie, instructions judiciaires relevant du droit pénal. Soit une moyenne de 987 sujets par semaine. Une croissance de 126 %, tous médias confondus, a été observée entre février et mars. Du 1er janvier au 5 mai, l’insécurité a été médiatisée deux fois plus que l’emploi, huit fois plus que le chômage. Pourtant, d’après les estimations du ministère de l’intérieur, aucune augmentation sensible des crimes et délits n’a été constatée sur la période. Au premier trimestre, les services ont plutôt constaté un ralentissement par rapport à la même période en 2001.
Dans les médias, le volume des sujets consacrés à la violence connaît une première hausse brutale la semaine du 4 février. Il y a la bousculade meurtrière lors d’une soirée étudiante à Brest (Finistère), le père qui avoue à Strasbourg (Bas-Rhin) avoir tué et brûlé sa femme et ses deux enfants. La progression est ensuite constante du 4 mars jusqu’au 7 avril. Les Français sont informés pas à pas de l’affaire Patrick Dils, du « meurtre » du père de famille d’Evreux (Eure) par les « racketteurs » de son fils, de la grenade contre le commissariat de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), de l’attaque du supermarché de Nantes (Loire-Atlantique), pour ne citer que les sujets les plus emblématiques. La tuerie de Nanterre (Val-de-Marne) restera à l’antenne, le plus souvent en début de journal, pendant presque dix jours.
Cette longue série de petits et grands crimes diminue ensuite en volume pendant une grosse semaine avant de rebondir, la veille du premier tour, avec l’agression de « Papy Voise » le 20 avril à Orléans (Loiret),la veille du premier tour des présidentielles. TF1, Europe 2, RTL, France 2, France 3 et une bonne partie de la presse en font leurs choux gras. L’information est par exemple reprise 19 fois dans la journée du 20 avril par LCI, qui consacre un total d’une demi-heure (24 min 48) à ce retraité du quartier de l’Argonne à Orléans, battu par « deux voyous ».
La télévision a contribué environ pour 60 % à la pression médiatique de l’insécurité dans cette période pré-électorale, la presse écrite pour 25 % et les radios pour 12 %. La visibilité des sujets liés à la délinquance et aux crimes dans les Journaux télévisés de 20 heures de TF1 (environ 40 % de part d’audience moyenne) aurait été deux fois plus importante que celle des mêmes sujets sur les Journaux télévisés de 20 heures sur France 2 (environ 25 % de part d’audience).
A partir du premier tour du scrutin, le bruit médiatique autour de la violence et des interventions policières a brutalement chuté de 67 % à la télévision, et de 50 % en moyenne dans l’ensemble des médias, selon TNS. (Source : article de Florence Amalou dans Le Monde du 28 mai 2002)
Ecrit le 22 mai 2002
Les risques du risque zéro
L’exemple ci-dessous concerne l’Australie, on pourrait raconter la même chose pour les Etats-Unis. Ces pratiques se développent en France où de plus en plus de personnes cherchent à faire « argent de leur peau », à obtenir des dommages et intérêts financiers pour tout avatar de la vie, même lorsque ces personnes sont responsables de leurs propres accidents ....
L’Australie malade de ses procès
Balançoires cadenassées, parcs d’attractions fermés, chirurgiens qui n’osent plus opérer, sociétés d’assurances incapables d’indemniser... La fièvre judiciaire fait des ravages en Australie. Les litiges pullulent, les riches avocats aussi. Pour chaque accident ou presque, ceux-ci se chargent de trouver un coupable, et obtiennent en justice d’astronomiques indemnités pour leurs clients (et de confortables honoraires !)
Par exemple, la commune de Waverley, à Sydney, a été condamnée, mardi 14 mai 2002, à payer 2,25 millions d’euros de dommages et intérêts à un baigneur qui s’était fracturé la colonne vertébrale, en 1997, sur une plage.
Le 2 mai 2002, le Sydney Daily Telegraph a proclamé « la mort du divertissement » : les associations hésitent avant d’organiser des réunions, les fêtes communales se raréfient, les mairies ferment les jardins d’enfants pour ne pas être attaquées. Souscrire une assurance en responsabilité civile coûte désormais si cher que des infrastructures de loisirs ont dû mettre la clé sous la porte, explique le quotidien.
En avril 2002 et pour la première fois, une femme atteinte d’un cancer a obtenu 710 000 dollars australiens (416 000 €) au titre de la négligence d’un grand fabricant de cigarettes. Nul n’est à l’abri, ou presque. Un patron de bar a dû payer des dommages et intérêts à des clients blessés lors d’un accident de voiture en sortant de son établissement.
Les professionnels de la santé et leurs assureurs pâtissent de la multiplication des procès : « Les indemnisations pour négligences médicales et leur coût moyen ont quadruplé en quinze ans, écrit le Sydney Daily Telegraph. Un obstétricien sur six a été poursuivi l’an dernier, plus d’un sur deux a reçu une lettre de demande de renseignements, la première étape d’une procédure ». La France est en train de prendre le même chemin.
La principale société d’assurances, la United Medical Protection, qui assure 60 % des médecins australiens, s’est mise en liquidation provisoire le 1er mai. Afin d’empêcher la fermeture des cabinets médicaux, le gouvernement a garanti aux praticiens qu’ils restaient couverts jusqu’au 30 juin.
« Nous devons très vigoureusement nous efforcer de ne pas suivre la pente américaine qui consiste à poursuivre immédiatement pour tout ce qui peut nous arriver », avait prévenu, fin avril, le premier ministre John Howard sur la radio 2 GB. Il a prié les gouvernements des différents Etats de prendre des mesures pour restreindre le volume des dédommagements prononcés par les tribunaux.
Aucun frais si vous perdez
Le 7 mai, le Queensland (Etat du Nord-Est de l’Australie) a annoncé qu’il projette, entre autres, d’interdire les publicités « No win no fee » (aucun frais si vous perdez) des avocats ... Ce projet ne plait pas aux avocats qui considèrent que ce serait priver « les petites gens, comme les soudeurs, les plombiers et ceux qui travaillent, du droit d’obtenir réparation ».
Il n’empêche que la pratique généralisée des procès finit par être préjudiciable à tous ... et d’abord « aux petites gens ». Il n’est que de constater que, en France, pour l’année 2002, les augmentations de cotisations d’assurance se situent en moyenne entre 3 % et 10 % en assurance multirisque habitation, et entre 2 % et 3 %, voire plus, en automobile. La cotisationd’assurance moyenne se situe entre 122 et 152 euros en assurance habitation et entre 305 et 365 euros en assurance automobile.
Ces hausses sont jugées « inadmissibles » par l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), qui dénonce « de telles répercussions sur les prix ». Elle recommande aux consommateurs de « faire jouer pleinement la concurrence ». Concurrence qui reste vive, venant surtout des mutuelles sans intermédiaires et des filiales de banques, et qui peut dans certains cas bénéficier aux assurés.
CONTEXTE TRÈS TENDU
Les hausses ont aussi touché les entreprises, notamment les PME, pour lesquelles les augmentations de prix atteignent 25 % en moyenne. Les syndics d’immeubles constatent une flambée des primes. « Au-delà des hausses de tarifs, les assureurs ont aussi diminué les garanties offertes et augmenté les montants de franchises », explique Michel Yarhi, directeur des assurances à la Société générale. De ce fait .... le nombre des habitants non assurés s’accroît, justement parmi les « petites gens ».
Entendons-nous bien : il est normal de demander réparation financière de la faute commise par quelqu’un d’autre. Mais il ne s’agit pas de faire n’importe quoi (on a vu le cas de grands fumeurs, largement prévenus par leur entourage et par le corps médical, dont la famille a obtenu des dommages et intérêts énormes).
Parce que certains, fortunés, ont les moyens de se payer des avocats pour obtenir des dédommagements considérables, la masse des « petites gens » va se trouver petit à petit, exclue de la couverture des risques ordinaires, faute de ne plus pouvoir payer les cotisations d’assurance.
(d’après un article du journal Le Monde de mai 2002)
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