Ecrit le 25 mai 2016
Humiliation, lâcheté
Comme tout le monde, j’ai suivi les péripéties du vote (ou plutôt du non-vote) de la loi Travail-El Khomri. Une disposition a particulièrement retenu mon attention. J’ai noté que l’accord d’entreprise prendrait le pas sur l’accord de branche. L’expression accord d’entreprise est une expression que je traduis personnellement par « Oui, chef ! » Je m’explique.
En Algérie, une des missions de mon unité était la protection d’un chantier de construction d’un barrage (1). M. Saffont était le directeur du projet et visitait souvent le chantier. Une convention entre la direction du chantier et l’autorité militaire permettait aux militaires d’accéder au bar de l’entreprise et d’y consommer. Pendant des semaines et des semaines il n’y eut aucun incident.
Le soir du 22 février 1957, l’ambiance est un peu plus bruyante que d’habitude. Les soldats viennent d’apprendre la dissolution du bataillon et, par conséquent, leur séparation en fonction des mutations qu’ils vont recevoir. Cependant, il n’y a rien de répréhensible ; j’en suis témoin, étant présent dans la salle avec un collègue.
Soudain, le cantinier me prévient que M. Saffont veut me voir dans le réfectoire des cadres. Je m’y rends et, là , je suis cueilli à froid. « Faites moi taire cette bande de morveux qui chantent des chansons de corps de garde. Je ne veux pas que ma cantine soit transformée en bordel, il y a des femmes ici ». Je lui réponds que je suis présent depuis plus d’une heure et que je n’ai pas entendu des chansons de ce genre, puis m’adressant à une des deux femmes présentes et la regardant droit dans les yeux, je lui dis « Madame, vous avez été étudiante autrefois, vous devez connaître des chansons d’étudiants. qu’avez-vous entendu ? Le curé de Camaret ? De Nantes à Montaigu ? Le père Dupanloup ? Donnez-moi un titre ». La jeune femme pique du nez dans son assiette et ne dit mot. M. Saffont vole à son secours « J’ai voulu voir un officier et je pensais avoir affaire à un être intelligent. Je vois que je me suis trompé. Je n’ai plus à discuter avec vous. Vous pouvez disposer ».
Voici maintenant la conclusion de l’affaire et sa lourde signification sociale.
Quelques jours plus tard, le 27 février très précisément, au moment de monter dans la jeep qui allait m’amener définitivement loin de cet endroit maudit (3 tués) et où j’avais passé une année de ma jeunesse, un couple s’approche de moi et le compagnon de la femme interpellée me dit « Mon lieutenant, nous vous demandons de nous excuser pour notre lâcheté de l’autre jour. Ce soir-là aucune chanson n’a été chantée. c’est vous qui aviez raison et M. Saffont avait tort, mais nous ne pouvions pas le dire, comprenez-nous, c’est notre patron, nous dépendons de lui. Nous avons été lâches, pardonnez-nous. Nous vous souhaitons un excellent retour à la vie civile. »
M. Saffont n’est plus, mais vous pouvez remplacer son nom par celui de Bouygues, de Bolloré ou de tout autre. L’histoire se répétera, ce sera la même chanson (!) Le chef a toujours raison. Personne (même un cadre) n’ose lui dire qu’il a tort. Dans ces conditions un accord d’entreprise ne peut être que l’expression de la volonté du chef.
signé : Henri Beloeil
Ecrit le 25 mai 2016
LOI TRAVAIL (loi el Kromri)
Le gouvernement est passé en force, bloquant la discussion sur les amendements par un recours à l’article 49.3 de la Constitution. Ce même article qui avait fait adopter le CPE (Contrat de Première Embauche) en 2006 avant que ce CPE ne soit abrogé sous la pression de la rue !
« Malgré ce passage en force, nous poursuivrons le débat parlementaire. Le 49-3 est une brutalité, le 49-3 est un déni de démocratie, le 49-3 est une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire ». Oh que c’est bien dit ! Ce fut dit par un certain Hollande François, député de Corrèze, le 9 février 2006. Il faut se rappeler aussi qu’un autre député, M. Vals Manuel, avait demandé l’abrogation de l’article 49.3 lors de la discussion sur la réforme constitutionnelle en 2008. Oui mais les temps changent !
Les opposants au projet de loi travail maintiennent la pression, malgré la fermeté du gouvernement. De nouveaux blocages, manifestations et grèves ont été organisés le 17 et le 19 mai dans les transports routier, ferroviaire et aérien, dans un climat tendu, à Paris, Rennes, Nantes/St Nazaire, Châteaubriant (voir photo en fin de manif, à la sortie du Lycée Guy Môquet).
Dans sa prise de parole, régis Guyomarch, de la CGT, a déclaré : " La loi discutée à l’assemblée est un recul pour tous les salariés du privé comme du public, employés, ouvriers ou cadres :
- "¢ c’est la possibilité d’un droit du travail par entreprise. Une inégalité de traitement selon l’endroit où on travaille : le temps de travail (modulation sur simple accord minoritaire), la rémunération des heures supplémentaires (5 fois moins majorées par simple accord), les conditions d’astreintes (payées seulement si intervention mais obligation de rester disponibles).
- "¢ c’est la fin du droit des salariés : le patronat considère les salariés comme des coûts alors que ce sont eux qui créent la richesse. Nous avons droit de regard sur les stratégies d’entreprises, sur les besoins de services publics.
- "¢ c’est aussi la quasi impossibilité de se défendre devant les prud’hommes pour faire valoir ses droits. On veut nous asservir : bosse et tais-toi !
- "¢ c’est la possibilité de réduire les rémunérations ou de licencier en cas de baisse d’activité, sans que cela soit indemnisé comme un licenciement économique.
La part des salaires dans la valeur ajoutée se réduit sans cesse alors que les actionnaires s’engraissent et que l’évasion fiscale coûte 80 milliards au bas mot : c’est plus que tous les déficits sociaux. Les puissants pillent le bien commun et ils en veulent encore plus. Reprenons le pouvoir de décider de notre travail et vivre dignement.
Dans ces conditions, aucune démocratie ne peut réellement exister. La santé des salariés est menacée : les épuisements vont se multiplier, les suicides aussi !
Le combat contre cette loi c’est l’affaire de tous, secteur public comme secteur privé, très petites entreprises comme grosses entreprises, dans le transport, le bâtiment, l’industrie, les services, le commerce La CGT vous pose la question clairement : êtes-vous prêts à accepter ce recul de civilisation, à croire qu’on pourra s’en tirer chacun de son côté, à accepter la fatalité ?
Êtes-vous prêts à plier devant le déni de démocratie (utilisation du 49-3) ? Si non, on peut envisager la grève reconductible, le blocage de l’économie et des services pour gagner enfin et relever la tête ? Certains sont prêts. Allons-y tous ensemble « . » Nul ne demandait cette casse maudite d’un siècle de droits du travail, excepté le Medef, et quelques libéraux intégristes excités : malheureusement ministres « , dit de son côté gérard Filoche, ancien Inspecteur du Travail. » Il serait sage pour le gouvernement d’écouter avant qu’il ne soit trop tard, et de retirer ce projet scélérat dont le pays ne veut pas. Casser 100 ans de progrès des droits des salariés, pour plaire à la seule finance, est totalement intolérable : nous voulons soumettre le bon fonctionnement des entreprises aux droits des femmes et des hommes qui y travaillent, et non soumettre les droits des salarié-e-s aux exigences des entreprises ".
Ecrit le 25 mai 2016
Avez-vous des enfants ?
Lettre ouverte à ceux qui oublient qu’ils ont des enfants,qui pensent que la loi travail ne les concerne pas, qui ne veulent pas voir que derrière arrive aussi le TAFTA et qui ne vont (surtout) pas manifester.
Car il y a beaucoup de raisons de ne pas aller aux manifestations : la violence ; parce que les élections régleront ça en 2017 ; et qu’après tout, chacun pour soi !
Mais il y en a d’autrement meilleures d’y aller ! Car n’avons-nous pas certaines responsabilités dans ce qui motive aujourd’hui la rage de bien des jeunes ? Nous avons, nous Français, par conformisme, aveuglement, passivité, permis depuis 35 ans l’alternance au pouvoir de partis ayant fait la preuve de leur incapacité à régler les problèmes de la population, notamment celui du chômage qui a été multiplié par 10 durant ces quarante dernières années.
(Photo : P.Morel)
Ces gouvernements, socialistes et de droite, sans qu’aucun mandat ne leur soit donné pour cela, ont adhéré à la mondialisation voulue par les banques et les multinationales et nous ne leur avons jamais demandé d’en rendre compte, en dépit des dégâts sociaux, environnementaux, climatiques que les jeunes qui entrent dans la vie active vont devoir assumer et réparer. Les avons-nous élus pour faire le lit des milliardaires dans une société dont la devise serait devenue « Compétitivité, attractivité, rentabilité » ? où sont la liberté, l’égalité, la fraternité dont nous écrivions les noms aux frontispices de nos écoles ? N’y aurait-il pas eu un coup d’État bien mené et sans vitrines brisées, mais ô combien plus dramatique pour notre société que les dernières manifestations ?
Ceux qui nous dirigent depuis quarante ans trahissent les intérêts de leurs électeurs, la corruption gagne du terrain, des milliards foutent le camp dans les paradis fiscaux et ce serait seulement leur fait ? Non, c’est le nôtre aussi, puisque nous laissons faire.
Aujourd’hui, avec la loi travail, voilà encore des droits auxquels il faudrait que les Français renoncent, tandis que par ailleurs, avec le TAFTA, d’immenses et dangereux pouvoirs seraient donnés aux multinationales. Va-t-on encore baisser les yeux, boucher nos oreilles et fermer nos gueules en espérant que le Saint Esprit fera quelque chose pour nous et nos enfants ? Ou allons-nous, cette fois, relever enfin la tête et nous mobiliser aux côtés de la jeunesse et des syndicats en les rejoignant pacifiquement dans les cortèges à venir et aux Nuits Debout ?
« Celui qui voit un problème et ne le dénonce pas fait partie du problème » disait Gandhi
(Communiqué par le mouvement Attac)
Note du 25 juin 2016
L’article 2
Communiqué de presse le 25 Juin 2016
LOI EL KHOMRI : Article 2 dit de l’inversion des normes, c’est l’application d’un dogme idéologique
Le rejet de cette loi et en particulier de son article 2 par une large majorité de l’opinion publique, le combat mené contre elle par les organisations syndicales et l’opposition exprimé de son refus par de nombreux députés de gauche, tout cela donne lieu au développement d’arguments sans cesse assénés pour démontrer que ce refus repose sur de mauvaises raisons comme :
- celle selon laquelle la France est un pays que l’on ne peut pas réformer
- celle basée sur des enjeux politiciens internes à la gauche
- celle se rapportant au syndicat CGT qui se battrait pour démontrer son existence, pour sauver sa première place d’organisation syndicale.
- celle se rapportant aux fonctionnaires qui ne seraient pas concernés
Au-delà de vagues affirmations, personne n’est capable de démontrer que l’article 2 de cette loi sera l’outil qui va économiquement créer des emplois, ni que son existence sera l’outil de dialogue social permettant d’améliorer le sort des salariés en négociant de meilleures conditions de travail, de rémunération. En effet peu de monde imagine que cette inversion des normes sera utilisée pour améliorer les décisions prises avec le poids essentiel du nombre, du collectif. Par contre les accords collectifs pourront être remis en cause au cas par cas par quelques individus et cela dans un tissu économique composé de très nombreuses petites et moyennes entreprises.
La raison réelle de la création de cette inversion des normes ( la formule est significative et révélatrice) est en fait basée essentiellement sur la croyance idéologique qu’il faut cultiver l’individualisme contre le collectif. Le pouvoir économique a besoin de toujours plus diviser pour toujours mieux régner. Il s’agit donc bien d’un choix de société avec deux visions qui s’opposent. c’est cela l’argument de fond qui justifie le rejet de cet article 2.
signé : Christian Steenhoudt, Ancien secrétaire Général du SNUI (Syndicat national des Impôts)
Ecrit le 8 juin 2016
Mauvaise opinion
Pour le Journal télévisé de France 2, qui relayait le 30 mai un sondage Odoxa pour Le Parisien, « 67% des Français ont une mauvaise opinion » du secrétaire général de la CGT. c’est faux. Les médias qui ont relayé l’information ont omis de comptabiliser un tiers des 1 018 personnes interrogées.
Les chiffres exacts sont :
- - très mauvaise opinion : 24 %
- - plutôt mauvaise opinion : 21 %
- - plutôt bonne opinion : 19 %
- - très bonne opinion : 4 %
- - sans réponse : 32 %
Dit comme ça, c’est moins vendeur pour des médias qui appartiennent aux grands groupes financiers au service du capital et du grand patronat ! Et si on prenait la question à l’envers ? Combien de Français ont une bonne opinion du MEDEF, de l’UMP ou du PS ? Il y a à parier qu’aucun n’atteindrait les 26 % de bonne ou très bonne opinion !