Ecrit le 31 aout 2016
19.08.2016 - L’annonce des nouvelles mesures présentées lors du Conseil agricole de l’Union européenne du 18 juillet laissait craindre le pire. Son application en France confirme les craintes : le gouvernement, à la demande insistante de la FNSEA, s’apprête à lancer un gigantesque plan de licenciement des éleveurs laitiers !
L’enveloppe débloquée à Bruxelles avait pour objectif de faire diminuer la production pour soulager le marché, mais sans préciser par quels moyens. L’argent des contribuables risque donc de financer des cessations d’activité en série, alors que celles-ci avaient déjà doublé par rapport à leur rythme habituel ! Avec des prix qui sont descendus sous les 0,25€ le litre (0,35 € minimum sont nécessaires pour un revenu correct), les éleveurs sont déjà acculés par un système qu’aucun gouvernement européen n’a réellement souhaité remettre en cause. désormais, des milliers d’entre eux pourraient être poussés vers la sortie.
Alors que tout le monde parle enfin de régulation, il est temps de mettre en place de véritables mesures pour les éleveurs avec une réduction imposée de la production, couplée à des prix renforcés sur les premiers litres. Il faut instaurer un tunnel de prix qui garantisse un prix minimum pour les producteurs européens. Au-delà , alors que se dessine la PAC (Politique Agricole Commune) 2020, il est temps de penser le soutien aux éleveurs pour engager la transition vers des modes de production plus autonomes, plus cohérents avec la réalité du métier et des besoins alimentaires.
« L’agriculture peut créer de l’emploi si on ne la vend pas à un libéralisme éperdu qui ne se préoccupe ni des travailleurs, ni de l’environnement, des paysages, de l’alimentation, de la société dans son ensemble ! » (source : confédération paysanne)
Après avoir atteint 365 euros la tonne en 2014, les cours du lait sont tombés à 305 euros en 2015, avant de glisser autour de 255 euros en juillet-août 2016. Or, comme le rappelle Thierry Roquefeuil, président de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), les coûts de production sont estimés à 350 euros en France.
De ce fait, le taux de cessation d’activité dans les 60 000 exploitations françaises, qui emploient 110 000 éleveurs, devrait doubler cette année. Alors qu’il oscille naturellement entre 4 % et 5 % par an en raison des départs en retraite, il est attendu autour de 9 %.
La situation est analogue dans les autres pays de l’Union, notamment en Allemagne. Selon une étude de l’European Milk Board (EMB), le prix moyen du lait en avril ne permettait même pas de couvrir les deux tiers des coûts de production outre-Rhin.
« Cela contraint les agriculteurs à puiser dans leurs propres poches », en ne se rémunérant pas et en contractant des emprunts « et, si ces sacrifices ne suffisent pas, de nombreuses exploitations abandonnent leur production de lait ».
Freiner l’exclusion
La Confédération paysanne salue la fin d’une mesure particulièrement excluante : l’aide couplée vaches allaitantes, jusqu’Ã présent était seulement accessible à partir de 10 vaches. Maintenant elle pourra être demandée avec 10 UGB (Unités de Gros Bovins), chèvres et brebis pouvant donc compléter un petit troupeau (par exemple 10 ovins équivalent à une vache). Cette mesure devrait soulager 2500 fermes petites et diversifiées, jusqu’Ã présent exclues de ces soutiens qui seront désormais plus en adéquation avec les prises de position du ministre sur l’agroécologie.
l’augmentation du ratio de productivité ovine à 0,5 agneaux vendus par brebis est à déplorer, mais le fait de pouvoir primer proportionnellement les troupeaux n’atteignant pas ce chiffre permettra tout de même de voir soutenus un certain nombre d’éleveurs jusqu’Ã présent exclus. Cependant, ne pas rendre accessible la majoration « démarche de commercialisation » à ces éleveurs est une mesure discriminante.
Pour que cette PAC devienne plus juste, il aurait fallu intervenir sur les plafonds d’accès aux aides. En limitant le nombre d’animaux primés, le ministre aurait pu faire le choix d’un soutien accentué à la majorité des éleveurs, particulièrement en difficultés actuellement.
Reste la majoration sur les 52 premiers hectares, celle-là même qui soutient une majorité de paysans. Il était prévu de passer à 20% de majoration en 2017. Alors que ce paiement redistributif est favorable pour les fermes jusqu’à 90-100 hectares, le ministre a décidé de le limiter. Cette décision révèle bien le soutien aux grandes exploitations industrielles et non à la majorité des exploitations céréalières ou de polyculture-élevage. La vision agricole du gouvernement est claire et nette : agrandissement et spécialisation des fermes, industrialisation de l’agriculture et élimination des paysans.
La Confédération paysanne défend un territoire vivant avec des fermes nombreuses et des paysans nombreux. Une aide à l’actif, reconnaissant l’emploi agricole, aurait donc tout son sens. « Pour limiter l’incohérence des aides découplées à la surface, nous revendiquons la mise en place d’une majoration significative des aides sur les tout premiers hectares ». c’est dans ce cadre, que la Confédération paysanne a incité le ministre à mettre en place un paiement redistributif avec 20% de l’enveloppe du 1er pilier de la PAC dès 2017 pour faire face à la situation dramatique des paysans et à la crise que subit l’élevage. Une fois de plus, le gouvernement a reculé et conserve les injustices ! « Mais où est l’agroécologie ? Encore et toujours une coquille vide ! » dit la Confédération.
Ministres au château
Le 2 septembre 2016, les ministres de l’Agriculture européens sont conviés par Stéphane Le Foll à se retrouver dans le luxe du Château de Chambord. Pendant ce temps, le monde agricole connaît une crise sans précédent. La PAC (Politique agricole commune) a abandonné les outils de régulation. Tous les secteurs sont soumis à la concurrence sauvage intra-européenne et aux fluctuations du marché mondial : grandes cultures, fruits et légumes, viticulture, élevage Cette politique libérale, symbolisée par la négociation d’accords de libre-échange, doit être stoppée.
Nous voulons une Europe sociale et démocratique !
Concernant la crise laitière, les études montrent qu’une diminution collective de la production, rendue possible par la réglementation européenne (article 221 de l’OCM unique), permettrait une hausse significative des prix. La Confédération paysanne appelle les paysans à se mobiliser le 2 septembre à Blois (Ã proximité de Chambord). Des paysans européens sont également invités pour exiger la régulation.
Fruits et légumes
Fruits et légumes : prix records. Les prix des fruits et des légumes ont atteint cette année un record en France, avec une hausse respective de 18 % et 10 % par rapport à 2015, selon le baromètre annuel de Familles rurales publié dans le quotidien La Croix. « Depuis le début de l’observatoire, les prix n’ont jamais été aussi élevés : 4,10 euros pour un kilo de fruits et 2,30 euros pour 1 kilogramme de légumes », souligne l’association dans son dixième observatoire estival. La pomme de terre (+ 37 %), la fraise (+ 36 %), le melon (+ 17 %), la cerise (+ 17 %) et la courgette (+ 17 %) enregistrent les plus fortes hausses.
Aides financières à l’installation
Différents textes parus au Journal officiel du 23 août 2016 concernent l’installation en agriculture et les aides aux jeunes agriculteurs. Voir : https://frama.link/aides
Le décret n° 2016-1140 du 22 août 2016 organise la mise en œuvre de la politique d’installation et de transmission en agriculture par l’Etat et les régions et précise les missions des comités régionaux de l’installation et de la transmission.
Le décret n° 2016-1141 du 22 août 2016 définit les modalités de mise en œuvre et de gestion des aides à l’installation des jeunes agriculteurs, notamment leur champ d’application et leurs conditions d’éligibilité.