Ecrit le 15 novembre 2017
Depuis une vingtaine d’années, le céreq enquête à cadence triennale auprès d’un échantillon représentatif de l’ensemble des jeunes quittant le système éducatif une année donnée. L’objectif principal est de permettre une mesure régulière de leur insertion professionnelle sur les trois premières années de vie active.
L’insertion de la génération 2013 est placée sous le sceau d’une conjoncture relativement moins morose que celle qu’a connue la génération précédente et d’un retour attendu de l’emploi.
L’observation des modalités d’insertion permet de déceler une triple tendance :
(1) un premier recul du taux de chômage à 3 ans,
(2) une précarité accrue des emplois
(3) des inégalités qui se creusent pour les groupes les plus vulnérables.
En dépit d’une élévation des niveaux de formation, les jeunes de la génération 2013 connaissent des conditions d’embauche détériorées par rapport à leurs aînés : un nombre croissant d’entre eux s’inscrit dans des formes précaires d’emploi : contrat de travail à durée déterminée, travail intérimaire ou contrat aidé. Trois ans après la fin de leurs études, l’emploi temporaire concerne quatre jeunes en emploi sur dix.
Cette précarité du contrat de travail se traduit également par une instabilité plus fréquente, 29 % des jeunes de cette génération ont connu plus de 3 emplois sur la période. En découle une insatisfaction croissante à l’égard de l’emploi occupé.
Les diplômes
Mais tous les jeunes quittant le système éducatif ne sont pas touchés de la même manière. Les diplômés de l’enseignement supérieur continuent à avoir très massivement des trajectoires d’accès durable à l’emploi, alors que la moitié des diplômés du secondaire et seulement 21 % des non-diplômés sont dans ce cas. Ces derniers se démarquent nettement du reste de la cohorte : pendant les trois années qui suivent leur sortie de formation initiale, 77 % d’entre eux ont connu au moins un épisode de chômage et 22 % ne connaissent d’ailleurs que le chômage.
Si le diplôme protège davantage du chômage, il est aussi le garant de meilleures conditions d’emploi. Les non-diplômés travaillent plus souvent à temps partiel subi ou en emploi temporaire. Ainsi, l’enquête 2016 donne à voir un fossé entre les plus diplômés et les non-diplômés qui se renforce en particulier au fil des enquêtes pour les jeunes résidant dans un quartier prioritaire de la ville. Le risque majeur est que cela entraîne un chômage prolongé, une marginalisation sur le marché du travail des plus vulnérables.
Indéniablement, ces évolutions qui affectent la qualité du parcours de la génération 2013 semblent accentuer les tendances observées lors des enquêtes précédentes. La multiplication des formes précaires d’emploi et l’accroissement des inégalités s’expliquent évidemment par la situation dégradée du marché du travail. Mais les évolutions observées pourraient traduire à la fois une segmentation renforcée du marché du travail et une transformation progressive des normes d’emploi dont les jeunes les plus vulnérables seraient les vecteurs d’introduction.
Elle pose en outre la question de la place de ces jeunes dans la société qui se construit.
Etud de Josiane Vero, Jean-Claude Sigot
En 2013, 693 000 jeunes sont sortis du système éducatif : 672 000 en France métropolitaine et 21 000 dans les départements et régions d’Outre-mer. Sur l’ensemble de la génération, 14 % n’a pas obtenu de diplôme, proportion en baisse depuis la précédente enquête portant sur les sortants de 2010. Les diplômés de CAP-BEP représentent 13 % des sortants de 2013, part qui diminue au profit des bacheliers professionnels (17 %), en lien avec la mise en place de la réforme de la voie professionnelle depuis la rentrée scolaire de 2009. La part des bacheliers généraux (7 %) est inférieure de 2 points à celle de la précédente génération, tandis que celle des diplômés de l’enseignement supérieur continue de progresser pour représenter 44 % de la cohorte.
Trois ans après leur entrée sur le marché du travail, 71 % des jeunes sont en emploi, 17 % au chômage, 7 % ont repris des études ou sont en formation et 5 % sont inactifs.
Parmi les jeunes en emploi au terme de leur troisième année de vie active, 39 % occupent encore un emploi à durée déterminée. 15 % des jeunes en emploi salarié le sont à temps partiel, dont 66 % sans l’avoir choisi.
Trois ans après à la fin de leurs études, 43 % des jeunes de la génération 2013 vivent encore chez leurs parents. Les comportements de décohabitation des hommes et des femmes varient selon leur situation professionnelle. Des différences existent également selon la qualité des emplois occupés.
Le sexe
Concernant les différences de genre, les filles gardent leur avantage sur les garçons en termes de niveau d’études : 49 % sont diplômées de l’enseignement supérieur contre 39 % des garçons. Par ailleurs, 12 % des filles sont non diplômées contre 16 % des garçons.
Quel que soit le niveau de diplôme, les spécialités restent fortement liées au genre. Dans l’enseignement secondaire, les filles se concentrent massivement dans les spécialités tertiaires : parmi les titulaires d’un CAP ou d’un BEP tertiaire, 73 % sont des filles, contre seulement 15 % des titulaires de la spécialité industrielle. De même, les filles sont majoritaires dans les formations universitaires en lettres, en sciences humaines et sociales, en gestion ou en droit.
En moyenne, au sein de la génération 2013, les jeunes hommes arrêtent leurs études à 22 ans tandis que les jeunes femmes quittent le système éducatif à 22 ans et demi, ces dernières étant relativement plus nombreuses à faire de longues études.
Parmi les motifs d’arrêt des études, les jeunes sortants de la génération 2013 évoquent le plus souvent l’intention d’entrer dans la vie active (75 %), l’atteinte du niveau de formation souhaité (52 %), le fait d’avoir trouvé un emploi (41 %) ou la lassitude vis-Ã -vis de leurs études (36 %). A tous les niveaux de diplôme, le souhait d’entrer dans la vie active est partagé par plus de six jeunes sur dix. Les trois quarts des diplômés du supérieur disent avoir atteint le niveau de formation souhaité tandis que les non-diplômés sont les plus nombreux à citer la lassitude (55 %).
Origine socio-culturelle
La trajectoire scolaire des jeunes de la génération 2013 reste très marquée par leur origine socioculturelle. Un quart des enfants d’ouvriers est diplômé de l’enseignement supérieur, contre plus de trois quarts des enfants de cadres.
La reproduction sociale existe toujours, portée principalement par les inégalités d’éducation. Les enfants de cadres sont plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur et, après trois ans de vie active, 35 % d’entre eux sont devenus cadres à leur tour contre 10 % des enfants d’ouvriers.
Les jeunes originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont désavantagés par rapport aux autres dans l’accès à l’emploi. Même à niveau de diplôme comparable, une pénalité subsiste pour ces jeunes. Près du quart des jeunes dont les deux parents sont nés à l’étranger estiment avoir été victimes d’une discrimination à l’embauche au cours de leurs trois premières années de vie active, la plupart du temps pour des motifs racistes ou à cause de leur lieu de résidence.