Ecrit le 17 octobre 2018
Ce mois d’octobre est celui de la semaine bleue des personnes âgées, le moment de se demander si elles voient la vie en rose
A deux reprises, récemment, on a vu des choses étonnantes. Prenez un homme, il se traîne, il s’ennuie, pas la forme. Mais il est attendu pour une exposition de ses photos dans le hall du Centre Hospitalier. Alors ce n’est plus le même, il a retrouvé de la vigueur, de l’allant, du dynamisme, il parle, il explique. Ce soir il sera hyper-fatigué, mais content. Prenez un homme d’une maison de retraite, fatigué, sans ressort. Mais aujourd’hui il tient un stand à la Halle de Béré . Et le voilà transformé, rajeuni. Ce soir il n’est pas sûrqu’il sera plus fatigué. On est souvent fatigué de ne rien faire, de s’ennuyer.
Le professeur Jean Louis Touraine, lors d’une réunion à Abbaretz, a posé la question de la fin de vie. « La médecine a prolongé la vie de nombreux malades, mais pour certains ce n’est qu’une survie, grabataire, paralysée. Ces malades voudraient vivre. Autrefois, dans les familles, il y avait l’aïeul, les enfants, les petits-enfants. l’aïeul avait encore un rôle social, une vie ».
La question des EHPAD vient actuellement sur le devant de la scène médiatique. EHPAD : l’appellation elle-même est obscure, c’est quoi ça ? Un Etablissement Hospitalier pour Personnes Agées dépendantes. Les députées Monique Iborra (LREM) et Caroline Fiat (France Insoumise) ont co-signé, en mars, un rapport lucide sur les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad) en France. On peut le lire ici :
voir le site assemblee-nationale
« Avant ce rapport, le problème du vieillissement était examiné sous le prisme financier, jamais sous les angles démographique, sociétal, ou humain. Par ailleurs, il y a une dizaine d’années, on a fermé des lits d’hôpitaux de longue durée, alors qu’en parallèle, les progrès de la médecine permettaient d’allonger la durée de vie »” celle des femmes, surtout. Or on n’a pas cherché à adapter l’organisation de ces établissements à leur fréquentation toujours plus grande Au début, les gens faisaient le choix de venir dans ces établissements. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les Ehpad sont la dernière étape de leur parcours : les pensionnaires y restent deux ans et cinq mois avant d’y décéder " disent-elles dans un reportage de télérama du 08/10.
Le rapport pointe « des sous-effectifs considérables au regard des besoins médicaux des résidents, engendrant à la fois une dégradation des conditions de travail et une » maltraitance institutionnelle « . » on trouve parfois seulement 24 personnes pour 100 pensionnaires « . » Aux Pays-Bas, le ratio est de 120 sur 100. Au Danemark, il est de 100 sur 100 ".
Et il ne faut pas croire que dans les EHPAD privés (très onéreux), c’est mieux ! Dans un cas au moins, du côté de La Baule, j’ai vu une dame âgée à qui on a proposé, vers 16h, un jus d’orange. Scandale, ce n’était que de l’eau colorée !
« Dans des établissements privés à but lucratif, il m’est arrivé de manquer de changes pour des patients souffrant de gastro, par exemple ; si vous voulez couper les ongles des personnes âgées, vous devez acheter votre coupe-ongles vous-même. Dans le public aussi, c’est difficile, mais pas parce qu’on doit se rationner sur le dentifrice ou l’eau de toilette ; parce qu’il n’y a pas assez de personnel » dit Caroline Fiat. .
« A la remise de notre rapport, lorsque nous avons demandé à la ministre de la santé d’imposer un ratio de 60 soignants pour 100 patients, elle nous a répondu que la France n’avait pas les moyens de combattre cette maltraitance institutionnelle ».
Le modèle des EHPAD
Le rapport propose de réfléchir au modèle des EHPAD. Accompagner dignement la fin de vie est un souhait qui devrait faire l’unanimité dans la société.
Face à l’augmentation certaine de la proportion de personnes âgées, pour certaines dépendantes, dont la structure familiale est de plus en plus souvent éclatée, il est nécessaire d’anticiper l’évolution des besoins et des attentes qui ne seront pas les mêmes que ceux des générations précédentes. Faut-il rester sur le modèle des EHPAD tel qu’il existe aujourd’hui ?
Peut-être faudra-t-il faire le choix de continuer à mettre l’accent sur le maintien à domicile et sur le développement de l’habitat inclusif, et, parallèlement, créer de nouvelles structures relevant réellement du sanitaire, plus proches des unités de soins longue durée.
L’EHPAD pourrait évoluer vers une plateforme de services et de soins à domicile structurant les territoires, et combinant prise en charge en établissement, prise en charge à domicile, courts séjours transitoires ou permettant le « répit » des aidants, et rompant avec la logique du « tout établissement » ou du « tout domicile ». Des expérimentations sont ainsi en cours, entre autres dans les Hauts-de-Seine, pour développer des « EHPAd à domicile » permettant de rester chez soi tout en fournissant le niveau de service de l’EHPAD : portage de repas, blanchisserie, continuité des soins même la nuit, prise en charge de la fin de vie si nécessaire
L’EHPAD de demain, c’est aussi un EHPAd à l’heure du numérique, développant le recours à la télémédecine, à la domotique, aux objets connectés. Dans le cadre du développement de la télémédecine, les EHPAD pourraient également servir de relais et faire bénéficier de leurs équipements de télémédecine une patientèle beaucoup plus large.
Les EHPAD doivent devenir le lieu du décloisonnement des parcours de santé et de soins et assumer leur rôle de carrefour entre l’offre médicale, médico-sociale et sociale.
Les établissements pourraient en effet proposer des services ouverts aux personnes extérieures, centrés à la fois sur l’accès aux soins via l’ouverture de consultations gériatriques spécialisées et sur la lutte contre l’isolement des personnes âgées grâce à l’organisation d’activités sociales ouvertes aux personnes extérieures à l’EHPAD. Pour que cette ouverture vers l’extérieur fonctionne, il est impératif d’équiper tous les EHPAD de véhicules adaptés : de nombreux EHPAD souhaitant s’ouvrir vers l’extérieur ont évoqué cet obstacle très concret lors des visites de terrain effectuées par les rapporteures.
On peut également imaginer que l’offre de soins fournie par ces centres ne soit pas dédiée aux personnes âgées mais que, dans certains territoires caractérisés par une faible densité médicale, elle puisse être ouverte à une population plus large. Les rapporteures ont pu visiter à Massat, en Ariège, une maison de santé composée d’un cabinet médical, d’un cabinet de kinésithérapeutes et d’un cabinet d’infirmiers ayant la particularité d’être directement reliée à l’EHPAD, tout en étant ouverte aux patients venus de l’extérieur. De telles solutions, qui permettent d’améliorer la prise en soins des résidents tout en luttant contre la désertification médicale, doivent être encouragées.
Les EHPAD ne doivent plus être uniquement des établissements d’hébergement permanent et définitif, mais devenir des plateformes qui accompagnent les personnes âgées à chaque étape de leur perte d’autonomie, en fonction de leurs besoins et de ceux de leurs aidants.
Une diversification des services est déjà perceptible sur le terrain. Elle doit permettre de limiter les ruptures de parcours.
BP