Ecrit le 17 octobre 2018
Territoires ruraux : malgré « un sentiment d’abandon », 93% des ruraux sont « satisfaits » de vivre en milieu rural
La métropolisation recompose depuis de nombreuses années le paysage français. Pourtant une part importante de la population vit en dehors des grands ensembles urbains et reste en marge de ce mouvement, notamment dans les territoires ruraux. Ces espaces relégués constituent cependant un enjeu majeur pour le pays, dont le développement équilibré du territoire ne sera possible qu’Ã la condition d’une fructueuse complémentarité ville-campagne.
déclin, abandon, fermeture des services publics ; mais aussi qualité de vie, renouveau, dynamisme ; les représentations collectives liées aux ruralités sont nombreuses et complexes. Si les problématiques sont réelles, la campagne jouit dans le même temps d’une attractivité indéniable, du point de vue des urbains, comme des ruraux.
d’où l’intérêt d’une enquête « inédite » de l’Ifop pour Familles Rurales (2 200 associations et 160 000 familles adhérentes). Baptisée « Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie », celle-ci a pour ambition de bâtir « une véritable radioscopie des ruralités ».
Trois profils
Il y a trois types de « campagne » :
â–º Les campagnes des villes, des littoraux et des vallées urbanisés (26% de la population sur 26% du territoire). Elles connaissent une influence forte et croissante des villes, se densifient, enregistrent une croissance résidentielle marquée ou modérée, avec l’arrivée de populations plutôt jeunes, plutôt diplômées et plutôt actives, et connaissent une dynamique économique tirée par le développement de l’économie présentielle ;
â–º Les campagnes agricoles et industrielles (9% de la population sur 26% du territoire), peu denses, dont la dynamique démographique est fortement liée à celle des villes, parfois éloignées, qui structurent l’espace (avec une situation moins favorable dans l’est que dans l’ouest de la France), et qui présentent un taux de chômage élevé et une faible croissance des emplois ;
â–º Les campagnes vieillies à très faible densité (8% de la population sur 42% du territoire), longtemps marquées par l’exode rural, qui connaissent depuis quelques années un brassage et pour certaines un regain démographique, mais n’échappent pas à un fort vieillissement et à une tendance à la paupérisation des populations qui y vivent : l’économie de ces territoires reste dominée par les activités agricoles et agro-alimentaires, avec dans certaines zones, notamment en montagne, une part importante de l’économie touristique.
Pour ne rien éluder des perceptions associées au monde rural dans la France de 2018, deux enquêtes simultanées ont été réalisées : l’une auprès du grand public (échantillon de 1012 personnes), l’autre auprès des ruraux (échantillon de 1501 personnes). Elles « incluent toutes les communes n’appartenant pas à une unité urbaine regroupant plus de 10 000 emplois » et représentent par conséquent 27,4 millions d’habitants, soit presque 43 % de la population française.
Conséquence : les mêmes questions produisent des réponses quelque peu différentes.
L’Ifop retient en effet « un décalage entre les deux échantillons s’agissant de leur perception de la ruralité ». Quand les ruraux associent d’abord la ruralité à la qualité de vie, au calme, à la tranquillité (62% des citations), le Grand Public répond en premier lieu difficultés socio-économiques, chômage, pauvreté (46 % des citations contre 26 % chez les ruraux).
59 % des Français Grand Public estiment que le monde rural est « en déclin » contre 43 % des ruraux seulement. Des difficultés que les ruraux ne minimisent pas pour autant : loin de là . L’enquête démontre que les ruraux comme les Français placent la « France des campagnes » en tête des territoires délaissés, devant la « France des banlieues » ou la « France périurbaine ». « Les ruraux regrettent la disparition progressive de l’État dans leurs territoires et à travers lui la matérialisation de la solidarité nationale ».
Les statistiques ont de quoi interpeller : plus d’un rural sur deux (51 %) estime que le monde rural est « abandonné ». Le chiffre atteint même 64 % auprès de ceux qui déclarent ne pas avoir accès à des services publics locaux. Du fait de « ce sentiment d’abandon », le nombre de pessimistes quant à leur avenir personnel est plus important à la campagne : 56 % contre 49 % des Français.
Portrait en clair-obscur
Les ruraux « attendent en priorité que les pouvoirs publics agissent en milieu rural contre la désertification médicale (51 % des citations), pour la présence de services publics (30 % des citations) et de commerces (28 %). Viennent ensuite l’action en faveur de l’installation d’entreprises (26 %) ou pour l’amélioration de l’accès à internet (24 %). ».
« s’ils souhaitent qu’on reconnaisse leurs difficultés, les ruraux se refusent à une rhétorique victimaire à leur encontre », écrivent les auteurs de l’étude. En effet, 93 % des ruraux « sont satisfaits », dont 53% « très satisfaits », de vivre dans le monde rural, qu’ils jugent bien plus dynamique (63 % contre 50 %), moderne (55 % contre 46 %) et attractif (69 % contre 45 %) que l’ensemble des Français Grand Public.
De la même façon, 66% des Français GP sont satisfaits de leur position dans la société contre 74 % des ruraux, qui « distinguent action publique, interprétations médiatico-politiques et épanouissement personnel ». Preuve en est que seule une minorité (5 %) de ruraux souhaiterait quitter leur environnement.
Des arguments auxquels l’ensemble des Français Grand Public n’est visiblement pas insensible. Pour 81% d’entre eux « vivre à la campagne représente la vie idéale, rapporte l’Ifop. La qualité de vie, le calme et la nature apparaissent comme les principaux attributs des ruralités qui pourraient conduire les Français à s’installer dans le monde rural, devant le moindre coût de la vie. » Le manque de services publics (70% des citations), une offre d’emploi insuffisante (62% des citations) et une offre de transports insuffisante (54%) freinent toutefois le passage de la parole aux actes.
Le modèle social français
L’ensemble des Français comme les ruraux retiennent la même hiérarchie et donc la même vision du pays. Les trois principaux points forts sélectionnés sont « le patrimoine, l’Histoire et la culture » de la France (76% des citations du grand public, 74% des ruraux), « sa position de leader dans de nombreux domaines : gastronomie, tourisme , haute couture... » (57% GP et ruraux) et ses « services publics » (57% GP et 52% ruraux), alors que le « chômage trop élevé » (52% GP et ruraux), « l’immigration excessive » (44% GP et 48% ruraux) et « l’affaiblissement de l’Ecole » (35% GP et 32% ruraux) apparaissent comme les principales faiblesses du pays.
95% des habitants en milieu rural ne souhaitent pas le quitter. Lorsqu’il est demandé à ces 95% de choisir les raisons de leur fidélité au monde rural, la « qualité de vie » (74% des citations), le « calme » (74%) et le « contact avec la nature » forment le triptyque de tête. Au contraire, pour les 5% qui aspirent à une autre vie c’est d’abord « l’enclavement » (77% des citations), les difficultés de déplacement (49%) et l’ « ennui » qui expliquent leur état d’esprit.
Les ruralités sont un atout pour notre pays. Elles méritent des politiques publiques ambitieuses, respectueuses de leurs spécificités et de leur diversité, qui font confiance à l’intelligence des territoires, pour reconnaitre et mettre en valeur leurs potentialités.
Les inégalités d’accès aux services essentiels de proximité feront l’objet d’un débat au 101e congrès de l’aMF le mercredi 21 novembre. La question des mobilités, largement mise en avant lors de la préparation du SCOT Châteaubriant-Derval, sera abordée lors de l’assemblée des maires de notre arrondissement le 20 octobre à Châteaubriant.
Ecrit le 5 février 2020
Les bruits du rural
Des plaintes contre les déjections d’abeilles à Pignols, des voisins incommodés par la cloche de l’église de Bondons, le maire du Beausset sommé d’éradiquer les cigales et leur craquettement, ou encore l’affaire du désormais célèbre coq Maurice de l’ÃŽle d’Oléron qui s’est vu, cet été, finalement autorisé par la justice à continuer de chanter, dès l’aube. Ces derniers mois, de nombreuses actions en justice de ce type ont émaillé l’actualité nationale. l’assemblée nationale a adopté une proposition de loi qui entend protéger le « patrimoine sensoriel des campagnes » en intégrant cette notion dans le droit français. Le texte prévoit, par ailleurs, la création d’un inventaire des terroirs répertoriant tous les bruits et odeurs considérés comme constitutifs de ce patrimoine sensoriel.