Ecrit le 17 avril 2019
La peur
Les peuples, trop longtemps, courbent l’échine sous les régimes dictatoriaux. Et puis un jour, on se demande pourquoi, comment, un jour ils n’ont plus peur et affrontent les puissants en place.
c’est ce qu’on a vu en France avec les Gilets Jaunes (qui n’ont cependant pas réussi à entraîner tout le pays). c’est ce qu’on voit en Algérie où des manifestations massives ont poussé Bouteflika à la démission. Les Algériens et les Algériennes, dans leur quête de dignité, de liberté et d’une prospérité partagée, se dressent pour exiger une meilleure prise en charge de leur destin, des emplois qualifiés, des revenus conséquents et, surtout, l’égalité des chances pour tous. La contestation actuelle est pacifique et responsable. Mais, depuis le 12 avril, les tensions avec la police se multiplient, celle-ci voulant mettre fin aux manifestations.
Au Soudan, le dictateur Omar El Béchir est tombé jeudi 11 avril après 4 mois d’un mouvement populaire sans précédent où les femmes ont joué un rôle de premier plan. Pour Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Soudan, cela n’a rien d’étonnant car, au Soudan, les femmes « participent à la vie de la société, à la hiérarchie des entreprises... En politique, elles sont également au premier plan ou occupent un rôle très important. Tout comme dans la scène artistique et culturelle. Dans les tribus, autrefois, elles s’assuraient de l’éducation des hommes et leur apprenaient l’art de la guerre. Elles n’ont jamais été dévaluées ». Et il ajoute : « Toutes les dictatures cherchent à réduire le rôle des femmes et à »les remettre à la maison« ». C’était le cas du régime hitlérien. « c’est important de rappeler que ce n’est pas propre aux dictatures islamiques de vouloir asservir les femmes. c’est l’un des buts de n’importe quel régime totalitaire. »
A noter que c’est une femme vêtue de blanc qui est l’image de cette révolution au Soudan. « Le régime voulait imposer la »pudeur« d’habits voilés et noirs dans un islamisme radical d’affichage. Lors des manifestations, les femmes remettent des vêtements colorés traditionnels, ou du blanc, loin du noir imposé. » dit encore Marc Lavergne.
Alors l’espoir au Soudan ? Le président est tombé, mais le régime politique est toujours en place et, comme en Algérie, l’armée tente maintenant d’interdire les manifestations. Elle a annoncé la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et l’instauration d’un nouveau couvre-feu. Elle prétend garder le pouvoir pour deux ans, alors que le peuple réclame un gouvernement civil, des libertés publiques, des droits élémentaires.
Il est à craindre, comme toujours dans l’histoire, que les peuples soient le bras armé d’une révolution de palais à l’issue de laquelle, finalement, rien n’a changé.