Arrêter, retenir, expulser
Des sans-papiers qui osent rentrer tout seuls chez eux, sans laisser au ministère de l’Immigration le privilège de les expulser ? Intolérable ! Heureusement, la police veille. Le 2 mars, sept Marocains qui voyageaient en car ont été arrêtés près de Perpignan, au moment où ils passaient la frontière espagnole pour rentrer chez eux. Rebelote le 7 mars, avec dix autres travailleurs marocains chopés alors qu’ils filaient en douce... vers le Maroc (ils avaient leur billet de retour !).
Dans les Pyrénées-Orientales, c’est devenu un sport local : « La police attrape les sans-papiers qui quittent le territoire pour gonfler le chiffre des expulsions », explique la Cimade, seule association présente dans les centres de rétention. Attrapés au vol, nos Marocains « ” qui ne faisaient que passer en France après être partis d’Italie ! »” ont eu droit à un traitement de choix.
Tirés hors du car manu militari, la plupart n’ont pas pu prendre leurs valises. Et les bagages se sont volatilisés en chemin... « Le chauffeur a proposé de convoyer les bagages jusqu’au Maroc », explique sans rire le cabinet du ministre de l’Immigration Eric Besson. « Les policiers n’auraient pas dû laisser faire. La règle est que les personnes gardent leurs affaires avec elles. »
Cerise sur la valise en carton, les dix Marocains interpellés le 7 mars ont eu droit à une « sale garde à vue », rapporte la Cimade : fouilles au corps et à nu, insultes, et des policiers qui, dans la soirée, ont mis un film porno à la télé, en poussant le son... « L’enquête ouverte après la plainte de la Cimade ne montre aucun mauvais traitement, affirme le cabinet Besson. d’ailleurs, on voit mal des fonctionnaires mettre un film porno avec tous les gens qui passent dans un commissariat. » Puisque c’est impensable, on n’ose y penser.
Depuis, nos Marocains ont rejoint le centre de rétention de Perpignan pour être expulsés... en avion, via Paris. On touche au génie : à vouloir expulser tout ce qui passe, l’Etat se retrouve donc à payer les billets d’avion de sans-papiers qui, de leur plein gré, rentraient chez eux en car-ferry ! « Ces Marocains auraient très bien pu s’arrêter en Espagne », rétorque le ministère de l’Immigration. Heureusement pour l’Espagne, la France expulse aussi les sans-papiers des autres...
Source : Canard Enchaîné 18 mars 2009
et : http://www.albayane.ma/def.asp?codelangue=23&id_info=150653
Ecrit le 1er avril 2009
Une solution : la mort
Un Darfouri, Adam Osman Mohammed, 32 ans, était allé en Grande-Bretagne , en 2005, pour échapper aux persécutions au Soudan. Sa demande d’asile a été définitivement rejetée en 2008.
Il a été rapatrié à Khartoum en août, dans le cadre du programme de « retour volontaire » du ministère de l’Intérieur britannique. Il est resté quelques mois à Khartoum puis est rentré au Darfour pour retrouver sa famille.
Quatre jours plus tard il a été assassiné devant son épouse et son fils.
Le gouvernement britannique s’apprête pourtant à renvoyer quelque 3 000 personnes à Khartoum.
c’est une façon de résoudre, par la mort, le problème des gens qui ne peuvent vivre dans leur pays.
Ecrit le 19 mai 2009
Haro sur les étrangers
Dans une lettre envoyée au ministre de l’Immigration, seize organisations dont Emmaüs, le Secours catholique, médecins du monde, la Ligue des droits de l’homme ou la Cimade, lancent un cri d’alarme : « le mode de relation agressif que vous semblez vouloir instaurer avec les associations qui interviennent sur les questions de précarité nous paraît préoccupant » écrivent-elles.
Deux dossiers opposent principalement les associations et le ministre : d’abord l’affaire du délit de solidarité. De simples et honnêtes citoyens seraient condamnés pour avoir aidé, sans contrepartie, des étrangers en situation irrégulière. Le ministre de l’Immigration affirme que ce délit n’existe pas, que personne n’a jamais été poursuivi pour ce motif. « Besson ment », affirme le Gisti qui publie sur son site internet une liste de 26 condamnations prononcées pour ce motif. Furieux d’être ainsi contredit, le ministre de l’Immigration a contre-attaqué, affirmant sur BFM TV que « la crédibilité du Gisti est quasiment nulle ».
Dans leur courrier, les seize associations persistent et signent : « Vous n’ignorez pas que des condamnations ont été prononcées sur le fondement de l’article L 622-1 à l’encontre de personnes qui se sont contentées d’accueillir, accompagner, héberger pour des motifs de simple solidarité humaine, des personnes sans papiers en situation de détresse ».
L’autre pomme de discorde est l’affaire des centres de rétention administrative (CRA). La Cimade se montrant un tantinet trop critique dans ses rapports, Hortefeux avait décidé de la bouter hors des CRA en utilisant la vieille technique du diviser pour régner. A partir du 2 juin, six associations - dont la Cimade - se partageront la mission d’aide et assistance aux étrangers retenus.
Les termes du marché lancé par le ministère de l’Immigration pour choisir les lauréats sont-ils parfaitement légaux ? On pourrait ne le savoir jamais : le tribunal administratif de Paris devait en juger le mercredi 13 mai, Besson a signé le marché dimanche soir 10 mai.[]
Ndlr : Besson : l’efficacité des transfuges.
Note du 31 mai 2009 : La Justice a donné raison à la Cimade
"Le ministre de l’Immigration qui avait décidé de changer la donne dans les centres de rétention, et de passer des contrats avec six associations pour assurer l’assistance aux étrangers qui y étaient retenus, est désavoué par la justice.
Le tribunal des référés de Paris vient, en effet, de suspendre l’exécution de ce marché et les contrats signés à la hâte par le ministre le 10 mai dernier. Il donne donc raison à la Cimade, association qui jusque-là défendait seule les droits de ces étrangers dans les centres et qui avait dénoncé la transformation de la mission d’aide - qui consistait notamment à permettre aux étrangers de former des recours contre une expulsion -, en une simple mission d’information.
La Cimade s’est immédiatement réjouie de cette décision de justice et a demandé au ministre d’engager au plus vite une concertation en vue de permettre de maintenir une réelle assistance juridique aux personnes concernées.
Eric Besson a, de son côté, publié un communiqué pour expliquer qu’il se donnait 48 heures pour réfléchir"
Ecrit le 13 janvier 2010
Le Mur des expulsés : effacé"‰ ?
Le rapporteur public s’est prononcé devant le tribunal administratif de Pau en faveur de l’effacement du Mur "¨des expulsés, une fresque murale peinte à Billière, à côté de Pau, dédiée à la mémoire des sans-papiers expulsés et de leurs enfants. Sur fond noir, les couleurs explosent et les mains s’enlacent avec tendresse et énergie, comme pour éveiller l’esprit du promeneur ou du moins, l’empêcher de s’endormir sur la réalité du monde
Cette peinture, exécutée sur le mur d’une salle des fêtes communale, a été inaugurée en septembre 2009 en présence et avec l’approbation du maire socialiste, Jean-Yves Lalanne, ce qui a conduit le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Philippe Rey, à l’assigner en référé pour être, selon lui, sorti de son « devoir de neutralité » vis-Ã -vis de la politique gouvernementale. Le préfet a été débouté par le tribunal de Pau le 2 octobre dernier, au motif que « Le tribunal () protège ainsi le droit, pour chaque élu, chaque citoyen, d’être solidaire des enfants et parents victimes d’une politique d’expulsions inhumaines. »
Le tribunal administratif, saisi à nouveau, a mis sa décision en délibéré au 12 janvier 2010.
Note du 18 janvier 2010
Le tribunal administratif de Pau a prononcé, le 12 janvier, « l’annulation » de la décision du maire de Billère. Le texte du jugement doit être rendu public ultérieurement. Évidemment, Bloc identitaire s’est empressé de crier victoire, s’appropriant la décision de justice. « Cela prouve que nos méthodes sont les bonnes et que nos réseaux sont efficaces, écrivent-ils dans un communiqué. Nous avons agi pour que cet acte d’ethnomasochisme ne passe pas inaperçu. »
Loin de s’avouer vaincu, Jean-Yves Lalanne considère, lui, que l’absence de date butoir dans la décision du tribunal administratif est « une invitation à faire appel », ce que l’élu compte faire. Il s’apprête également à saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. « Le préfet essaie de bâillonner les élus de la République, dénonce le maire. Lui a organisé un débat sur l’identité nationale, avec des dérapages racistes qui remettent en question la neutralité de la République. Mais je n’ai pas porté plainte »
Du côté du Réseau éducation sans frontières, « on attend impatiemment que le préfet passe à l’acte, ironise Jean-Jacques Le Masson. On n’a pas l’intention de passer sous silence cette action de salubrité publique ». Le procès en appel décidera si, oui ou non, la justice ordonne d’effacer les mots « liberté », « égalité » et « fraternité ».
Marie Barbier (article de l’Humanité)