Ecrit le 19 mai 2010
Les banques vont bien !
En février 2008, les frais bancaires, autres que les agios, liés aux découverts bancaires, ont été déclarés hors la loi par la Cour de Cassation (arrêt du 5 février 2008). Les frais visés ici sont les frais d’intervention que les banques continuent d’appliquer de façon illégale sur les opérations de paiement au-delà du découvert autorisé.
Illustration : une famille monoparentale : la mère et 2 enfants : boucle difficilement ses fins de mois avec pour seuls revenus les prestations familiales. Fin 2008, son « relevé de consommation de produits et services » fait apparaître 2650 € de frais prélevés pour « la gestion courante » soit
– 1060 € d’agios
et frais pour chaque impayé
– et 1590 € au titre des frais d’intervention.
(frais illégaux !)
Une première démarche auprès de la banque aboutit à une remise de 110 € au titre de démarche commerciale. Cette transaction très éloignée du remboursement des frais d’intervention contestés, n’est pas acceptée. La banque restant sourde à toute réclamation, le dossier est adressé au médiateur de banque (chaque banque a un médiateur indépendant chargé de régler les litiges) en faisant référence à l’arrêt de la Cour de Cassation. Fin 2009 la banque accepte de rembourser la totalité des frais indus soit 1590 €. Mais elle laisse à la famille sa carte de crédit bien tentante ! La famille est ainsi incitée à faire facilement de nouveaux impayés.
En regardant de plus près les relevés de compte de l’année concernée, on s’aperçoit que c’est le cumul des prélèvements des frais d’intervention qui a entrainé l’augmentation progressive du découvert systématique en fin de mois, avec en conséquence l’application d’agios, de frais pour chèques impayés ou pour échéances de prêt non honorées. Il serait donc juste que la banque, reconnaissant implicitement : elle ne l’a pas écrit - l’illégalité des frais d’intervention, annule les autres frais. Mais il ne faut pas rêver
Un arrêt de la Cour de Cassation ne vaut pas loi, mais fait jurisprudence. Alors que les banques n’ignorent pas cet arrêt, elles ne l’appliquent que sur demande pressante des clients et comme seuls les plus fortunés sont informés, elles continuent de s’enrichir sur le dos des plus démunis !
délit d’usure : un prêt à 200 %
La pratique de ces frais d’intervention est pénalement répréhensible au titre du délit d’usure puisque la Cour de Cassation a estimé que ces frais devaient être inclus dans le calcul du T.E.G. (Taux Effectif Global, c’est-Ã -dire les agios + les frais liés au découvert). Dans le cas évoqué ci-dessus si les seuls frais d’intervention sont ajoutés aux agios, le T.E.G. atteint en moyenne en 2008 près de 200% (pour un taux d’usure de 21 %). La banque a donc octroyé un prêt à 200% à une famille en difficulté pour couvrir le découvert chronique de son compte !
Mais attention : les banquiers ne sont jamais à court d’idées : depuis que ce scandale des frais bancaires a été dénoncé par « 60 millions de consommateurs » (cf. N° 443 de novembre 2009), certaines banques ont contourné l’obstacle pour ne plus être dans l’illégalité tout en maintenant le niveau des prélèvements ! Seule la loi peut donc régler cette question.
Un député P.S. de Loire Atlantique, Michel ménard, informé du contenu de ce dossier, s’est inquiété de ces pratiques s’apparentant en certains cas à de véritables prélèvements punitifs. Il a rédigé un amendement, lors de la discussion du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation : il proposait que les frais bancaires soient intégrés dans le calcul du T.E.G. Amendement refusé en avril 2010 par la majorité parlementaire UMP+ Nouveau Centre. Un deuxième amendement : plus doux pour les banques : proposait de fixer une limite à ces frais bancaires avec un maximum de 30 € mensuels (en sus des agios). Cet amendement a été à nouveau retoqué en avril.
Il serait temps que le pouvoir politique s’intéresse à la pratique des banques envers les plus démunis. Pourquoi avoir refusé ces deux amendements ? A qui fera-t-on croire que leur application risquait de mettre en péril l’équilibre financier des banques !
Il faut coincer les petits !La méthode de calcul du TEG du découvert bancaire est déterminée par le décret n°2002-928 du 10 juin 2002. (voir tableau ci-dessous). Finalement, un petit découvert, sur 10 jours, coûte, pour le client, beaucoup plus cher qu’un gros découvert sur la même durée ! Mille personnes faisant un découvert de 50 € chacune, sur 10 jours, rapportent 8000 € à la banque ! .. et pas 136,99 €. |
Ecr(it le 29 mai 2010
Le mystère des intradays
Intraday - Ce terme anglais signifie : au cours de la journée.
Vous disposez d’un tout petit revenu et, le 29 du mois, vous êtes à la limite du découvert. Vous savez que votre salaire va être viré à la banque le 30 du mois. Et, ce 30 du mois, vous faites un chèque de 150 €uros. Et hop, la banque vous signale un chèque impayé et vous facture des frais ! Mais non, c’est pas possible ! Eh bien si ! Dans une banque, les opérations débitrices de la journée passent dans la nuit après minuit et jusqu’au petit matin. Le compte enregistre donc toujours un débit sur le compte avant le crédit de la même journée, ce qui entraine une commission d’intervention, au-to-ma-ti-que-ment, et des frais qu’on appelle intradays.
Comme les banques ne sont pas claires dans cette histoire elles remboursent le plus souvent les intradays et n’en parlent pas trop. Encore faut-il le savoir et en faire la demande !
Ecr(it le 29 mai 2010
Opacité et inventivité
En septembre 2009, la Commission européenne a épinglé les banques européennes, et notamment françaises, en termes bien peu flatteurs, au sujet de la transparence des frais bancaires. l’autorité de la concurrence en la personne de son président, Bruno Lasserre, a renouvelé ces critiques en janvier 2010. Les banques ont pourtant l’obligation de mettre à disposition du public un guide tarifaire, ainsi que d’envoyer à leurs clients un récapitulatif annuel des frais. Autant d’initiatives qui ne font pas le poids face aux nombreuses entraves.
Dans ce domaine, la dernière enquête de Que Choisir, s’appuyant sur 14 000 témoignages et publiée en octobre dernier, a relevé l’extrême inventivité des établissements. Ainsi « frais de tenue de compte » ici s’appellent « frais de services bancaires » là . Ou encore « commission d’intervention » dans un établissement et « commission de forçage » ailleurs. En outre, la liste des frais ne cesse de s’allonger. Sans logique apparente : des opérations qui deviennent payantes dans certains réseaux (exemples : retrait d’espèces au guichet, relevé de clôture, virements, service d’un téléconseiller, etc.) vont rester gratuites dans d’autres... ou alors ce ne sera qu’à partir de la cinquième, dixième, quinzième opération ! Et pour d’autres services, ce sera l’inverse : tel établissement qui ne facture rien ici se révèle très gourmand ailleurs... Sans compter l’impression croissante de déconnexion entre les tarifs et le coût réel du service : le prix d’un même service peut ainsi varier de 1 à 10 d’un établissement à l’autre (par exemple les frais d’opposition sur un chèque).
Bien malin le client qui, s’il n’est pas déjà perdu dans les nombreuses terminologies différentes, peut réussir à trouver une logique dans la tarification et surtout parvenir à déterminer la banque la moins chère pour son usage personnel !