Ecrit le 27 février 2013
Grasse matinée jusqu’Ã 10h00. C’est bien rare dans mon sommeil souvent perturbé. Je crois que c’est dû au fait que, le dimanche, mon esprit a intégré que je ne pouvais en rien agir sur ma recherche d’emploi. C’est donc un jour particulier dans la semaine, salutaire pour faire baisser la pression. Bon pour le peps. Gros petit déjeuner, alors que d’habitude, c’est souvent un café sucré bu debout.
Revue de Presse
Lecture de Ouest France Dimanche. Un peu d’empathie avec ces pères privés de leurs enfants et juchés en haut d’une grue (3 entre samedi et ce jour). Je ne connais pas leurs qualités paternelles (sans doute de gros soucis, à vérifier par la Justice) mais j’ai vécu ceci pendant 1 an et demi et c’est terrible, viscéralement et littéralement insupportable, pour une mère ou un père. Que devient et où est mon enfant ?.
Je note que 200 personnes ont défilé en silence en mémoire de la "victime du chômage« , cortège infiltré (d’après la Presse toujours) par quelques illuminés violents luttant contre le mariage pour tous et contre l’aéroport de Notre Dame des Landes. Mais la Presse, même écrite avec un peu plus de recul, est elle bien renseignée et objective ? M. Raymond Devos, un gros, grand bonhomme, ciseleur de mots devant l’Éternel, disait : »l’ombre d’un doute plane...".
Savoir se défouler
Vers midi, je siffle mon vélo et j’enfourche ma chienne (ah bon ? c’est l’inverse ? comme quoi la Presse et Devos mélangés... !) pour une balade d’une bonne demi-heure dans la campagne, à fond les pédales. Je crois que le plaisir et les bienfaits fatigants sont partagés.
Rentré bien claqué, j’allume l’ordinateur . J’ai la chance d’en avoir un à domicile, gracieusement mis à ma disposition par une association castelbriantaise qui se reconnaîtra. Je le bichonne comme la prunelle de mes yeux.
J’y ai un accès à l’Internet. LÃ , par contre, il me faut raquer (37 € / mois, soit 8 % de mon budget). C’est lourd, sans encore de tarif social, mais essentiel pour rester au contact. Plein de mises à jour sur Windows et ses fournisseurs inféodés. Une bonne heure, avec aller-retours entre cuisine pour manger et pièce de vie pour suivre l’ordinateur.
L’estomac rempli, l’avenir prend plus de sens. Mais combien, en ce dimanche, faute de « carburant », n’éprouvent pas cette plénitude ? D’adultes et surtout d’enfants qui ont faim et soif, ici et ailleurs ?
Spectre du déménagement
14h30. Depuis quelques mois, je sais que je vais devoir, contraint et forcé par manque de ressources, quitter cette location, cette maison qui m’a adopté il y a 18 ans. Dommage on s’entendait bien. Avec morosité je boucle deux cartons. Mon enfant a du vague à l’âme, réalisant doucement qu’il devra tirer un trait sur des souvenirs de son enfance et de son adolescence. J’ai beau lui vanter les vertus de dynamisme d’un plat de lasagnes surgelées de chez F........ pour galoper (ou trotter) plus vite, ça fait un flop sans aucun sourire. Bon. Je me tais, mesurant la tâche de vider une maison, sans même savoir où sera la prochaine piste d’atterrissage. Je subis, je ne maîtrise plus mon avenir. C’est une première pour moi, une zone inconnue. Mais un chômeur père de famille a des devoirs. Oubliant volontiers mes cartons, je pense à la fuite de la chasse d’eau, devenue chronique depuis quelques semaines.
Cap sur la bricole
Je pense gaspillage d’eau potable, mais aussi État des lieux de sortie. Pas très pratique d’avoir à ouvrir puis fermer le petit robinet en dessous à chaque utilisation. Comme de bien entendu, les propriétaires, avertis, me parlent usure. La réparation est donc pour ma pomme. J’ai déjà localisé la pièce à changer. Bien sûr, c’est la plus compliquée à retirer, nécessitant la dépose du réservoir d’eau (c’est agaçant à démonter à cause de la rouille et lourd à manier, même vide !). Ce sera plus de la mécanique et de l’hydraulique que de la plomberie, avec un zeste conséquent de débrouillardise.
Bien sûr, un bref repérage au W..... du coin m’a dit que cette pièce n’existe plus. Et que même si elle existait, elle ne serait pas vendue au détail, qu’il faut changer tout le système. Le conseiller me décrit le produit qu’il me faut, à 43 € ! Et non, le magasin ne prend pas en charge l’ancien système pour récupération. Le recyclage ? Je m’entends dire qu’il est réservé aux grosses pièces, qu’il existe des déchetteries ! Ben voyons ! Un objet utile et peu abimé bon pour la ferraille.
Nous parlions de société de consommation, de croissance du PIB (Produit Intérieur Brut) ? Nous repasserons ! Je fulmine en me taisant. Son départ me permets de fouiller dans le linéaire.
Trop près de mes Euros ?
J’y repère un « kit universel » à 9 €. L’emballage est très opaque, et il vient de Chine. Mais il paraît répondre à mon besoin urgent de confort... . Dire qu’on gaspille 8 à 10 litres d’eau potable pour balayer nos petits déchets ! Et que d’autres gens meurent de soif, ailleurs. Pas très fier de moi, j’achète le fameux Kit. Et ce dimanche, je retrousse mes manches et me casse le dos face à mes chiottes. J’y passe 3h pour assembler le nouveau à l’ancien, à la fois suant (1h) puis réfléchissant (2h) à la meilleure façon d’ajuster le truc sans trop de risques. Moment de vérité : j’ouvre le petit robinet. Pas une fuite, la cuve se remplit au bon niveau, je soulève le bouton de vidange et ça se renouvelle. Partie gagnée !
Bilan : j’ai dépensé 9 € (mettons 10 en comptant le trajet) et 3h d’un dimanche après-midi qui m’ont permis à la fois de résoudre mon problème et me distraire d’autres soucis bien plus encombrants. J’aurais pu suivre le conseil du magasin de bricolage à 43 €. J’aurais pu appeler à l’aide un professionnel local, que je n’ai pas les moyens de payer, qui m’aurait coûté au doigt mouillé (pièces + main d’œuvre + déplacement) dans les 70 €. Ai- je pris la bonne décision ? Je reste très dubitatif, quant à la valeur du juste prix, de la juste rémunération, et de l’intérêt National.
Très mal à l’aise
Avec un sourire bien jaune, j’avoue ne plus avoir de problèmes d’argent pour la bonne raison que je n’en ai plus beaucoup. Les 10 € dépensés, c’est 2 % de mon budget mensuel. A 70 €, ça devient 14 %, donc bien trop. Chacun(e) aura compris que je vivote maintenant par la seule allocation ASS (Allocation Spécifique de Solidarité) par le biais de Pôle-Emploi. Mieux vaut donner les chiffres : 15,63 € par jour calendaire, soit en moyenne 477 € / mois. Eh oui, c’est en gros la moitié du seuil de pauvreté communément admis en France Et ce n’est pas faute de me démener comme un beau diable pour retrouver un emploi. Chaque Euro compte, chaque poste de dépense a été filtré à la loupe, avec arbitrages sévères et non-discutables. Ambiance !
Je fais donc partie de ce qu’on appelle, parfois de façon un peu condescendante par méconnaissance, des « minimas sociaux » que sont l’A.S.S. (Allocation Spécifique de Solidarité, à la charge de l’État) et le R.S.A. (Revenu de Solidarité Active, à la charge du Conseil Général). Ces 2 statuts sont encore trop souvent considérés comme bénis de l’Administration, univers où tout ou presque est gratuit. Droit dans mes bottes (non, mes baskets premier prix), je forme le voeu de dé-ciller quelques regards. Comme en matière de handicaps et de leurs places de parking dédiées et régulièrement squattées par des usagers égoïstes, je voudrais dire : D’accord pour échanger nos situations pendant 6 mois, à la condition que vous en acceptiez toutes les conséquences sans tricher. Pour fin 2011, le Ministère aux Affaires Sociales chiffrait (mais avec quel taux de confiance ? ) les allocataires RSA -socle à 1,5 millions et ceux à l’ASs à 350 000.
Conclure avec Espoir ?
Ce n’est pas chose aisée par ces temps de crises venant de tous bords. Chacun(e) est affligé(e) par les annonces quasi-quotidiennes de « plans de sauvegarde de l’emploi » (quel cynisme porte ce nom !) près de chez soi, en France et à travers le monde entier. L’envolée des fusions-acquisitions entre entreprises contribue à la destruction déjà massive des emplois par ces crises et à une moindre concurrence (grossir à tout prix dans le but d’être incontournable). La politique (politicus homnibus ?) a perdu son pouvoir de régulation économique dans les démocraties. Et nous, minimas sociaux en titre, sommes chaque jour plus éloignés de l’Emploi.
signé : un Chômeur ASS désabusé