Ecrit le 3 juillet 2013
La FNSEA (fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a fait son « show » le dimanche 23 juin 2013, avec une grande manifestation, soi-disant « pour sauver l’élevage ». L’efficacité médiatique de centaines d’animaux battant le pavé est assurée. Pourtant, on sait que ce n’est pas l’élevage que la FNSEA veut sauver. La FNSEA veut sauver les privilèges des plus gros exploitants bénéficiaires de la Politique agricole commune, au moment où les négociations arrivent à leur terme au niveau communautaire. Elle sort l’artillerie lourde pour que la redistribution des aides soit la plus minime possible. Il ne faudrait surtout pas freiner l’industrialisation de l’agriculture.
Dans une lettre ouverte au président Xavier Belin, la Confédération Paysanne écrit :
Cher Xavier,
Tu as donc décidé de venir passer un dimanche à Paris, dans les quartiers chics, pour parler d’élevage. Puisque nous sommes allés dans les quartiers populaires avec la Ferme à Paris, il fallait bien équilibrer la balance.
Nous avons pourtant de la difficulté à saisir ton intention. En effet, tu dis vouloir sauver l’élevage et nous sommes satisfaits que tu relayes, de fait, « Sauvons l’élevage », la campagne que nous menons depuis près d’un an.
néanmoins, nous aimerions aussi que les revendications que tu portes habituellement aillent dans ce sens. Tu soutiens les choix politiques qui favorisent la disparition des paysans, et en premier lieu des éleveurs. Il faut d’ailleurs rendre hommage à ton efficacité dans la défense de ce système d’agriculture productiviste, qui pousse à l’agrandissement des exploitations, au détriment des plus petites, sources d’emploi et de vie des territoires.
Mais ce double langage doit être fatigant à la longue : un discours dans les salons des ministères, et un autre devant les paysans. Tu nous dis, par exemple, qu’il faut immédiatement revaloriser les prix du lait et de la viande. Nous sommes d’accord avec toi ! Mais dans les faits, quand les représentants de ton syndicat se retrouvent dans les conseils d’administration des coopératives, ils refusent soudain de prendre en compte les coûts de production, sous prétexte de conquête des marchés mondiaux.
De la même manière, tu demandes une simplification des normes.
Pourtant, ce sont les excès des uns, ceux qui suivent le modèle que tu défends, qui ont entraîné la multiplication de normes contraignantes pour tous.
On le sait, le poids sur les éleveurs est énorme, et tu y as bien contribué en aggravant par exemple la conditionnalité de l’accès aux aides pour les petits ruminants via la fédération Nationale Ovine. Tu as aussi validé, dans le cadre de la directive nitrates, les normes vaches laitières qui pénalisent les systèmes herbagers, pourtant plus vertueux.
Tu as fait de l’environnement un problème alors qu’il s’agit d’un défi à relever. Aujourd’hui les études montrent bien que les fermes laitières les plus exemplaires, par exemple dans la gestion des nitrates grâce à la valorisation de l’herbe, ont des revenus supérieurs parce qu’elles sont plus économes en intrants. Les questions environnementales ne sont donc pas inconciliables avec le travail d’éleveur, au contraire. Il faut seulement que les moyens leurs soient donnés de vivre de leur travail, en cohérence avec leur milieu.
De plus, tu n’es pas sans savoir que l’avenir de l’élevage dépend aussi de la PAC qui va être mise en place. L’écart de revenus entre grandes cultures et élevage ne cesse de s’accroître. Un rééquilibrage des aides est donc indispensable. Mais ton syndicat s’y oppose et tu refuses même le plafonnement à 300 000 euros proposé par la Commission européenne, ainsi que la surprime aux premiers hectares. Ils sont pourtant nécessaires, avec le couplage maximum des aides sur les troupeaux ruminants, pour mettre fin à une rente de situation intolérable des grandes exploitations. De la même manière, tu veux ponctionner le second pilier pour alimenter le premier alors qu’il faut faire l’inverse ! Le second pilier est indispensable pour soutenir l’élevage dans les zones difficiles.
La chance pour la France
Ce modèle ne peut pas faire de l’agriculture « une chance pour la France » comme tu le revendiques. La chance pour la France, confrontée à de graves problèmes d’emplois, serait de contribuer à l’installation de paysans nombreux, là où tu pousses vers toujours plus d’agrandissement et de concentration qui créent des exploitations très difficiles à reprendre.
Il faut se rendre à l’évidence : tu dis vouloir faire de l’élevage une cause nationale, mais tu défends un modèle qui élimine les éleveurs. c’est d’ailleurs bien ce qui est apparu quand tu as soutenu l’exclusion d’une majorité d’entre eux de l’aide à l’engraissement des jeunes bovins.
Nous n’en pouvons plus de ton double discours. Tu auras beau nous parler d’une « agriculture vraie, qui nourrit et fait vivre », nous savons qu’il n’en est rien. Tu dis que « ce n’est pas un jeu », eh bien on ne joue pas, justement.
Face à ton personnage fabriqué de défenseur de l’élevage, nous continuerons de défendre tous les éleveurs, en portant des revendications qui leur donnent un avenir à tous.
Sur ce, nous te souhaitons un bon dimanche. Fais attention, il semble que la météo soit capricieuse en ce moment.
Signé : Laurent Pinatel Porte-parole de la Confédération paysanne
Ecrit le 3 juillet 2013
Marie Noë lle Orain raconte .
En arrivant au siège des Chambres d’agriculture, 9 avenue Georges V à Paris, pour assister au débat sur la future Loi d’Avenir Agricole et Forestière, on a cette forte impression de ne pas évoluer dans le même monde, celui cossu des beaux quartiers de Paris, loin de celui de Bagnolet, et du siège de la Confédération paysanne. L’impression est renforcée par le fait d’être une femme, dans ce monde d’hommes, dont une grande majorité est plus proche de la retraite que de l’installation.
Un milieu, celui des présidents de chambre, qui ne veut lâcher aucune prérogative sur la gestion de l’agriculture, surtout pas à tous ceux qui voudraient proposer d’autres modèles. Le président de la chambre de l’Aveyron allant même jusqu’Ã proposer la suppression du ministère de l’Environnement ... ce qui fut applaudi par ses confrères.
L’un des seuls à évoquer l’intérêt des paysans a été le porte-parole de la Confédération paysanne qui a souligné le manque d’ambition de la future Loi d’avenir, et s’est interrogé sur le pourquoi d’une loi nouvelle, « pour marquer un mandat, ou pour apporter des solutions aux citoyens ? Et ici, en l’occurrence, pour les paysans afin de leur assurer un revenu et un avenir ».
Durant ce débat, après la manifestation du dimanche 23 juin, c’est une tout autre histoire que Xavier Beulin a racontée. Sur la question de l’accès au métier, il a expliqué qu’il était nécessaire de redéfinir ce qu’est un agriculteur. « Est-ce qu’on peut obtenir ce statut lorsqu’on exploite 10 ha et qu’on élève trois biquettes ? ».
Sans aucun doute, au sortir de la table ronde, l’impression de mondes différents persiste. La transition vers un autre modèle agricole respectueux des paysans, des citoyens, des territoires et de toutes nos ressources ne se fera pas avec la vénérable assemblée mais avec les paysans, paysannes qui innovent et inventent l’agriculture paysanne au sein de la société et avec elle !
signé : Marie Noë lle Orain