Ecrit le 4 septembre 2013
Haine
Haine : Sentiment qui pousse l’être humain à fuir, à repousser ce qui en est l’objet, ou même à l’attaquer pour le détruire. Ce sentiment est typiquement humain (les animaux ne le connaissent pas), alors même que l’homme, être de raison, devrait être capable de réfléchir à ce qu’il dit, à ce qu’on lui dit. On sait hélas que les humains, pris en masse, sont capables de gober n’importe quoi ! Ils ont besoin d’une grande cause qui les enflamme, qui les enthousiasme, qu’elle soit positive (c’est trop rarement le cas) ou négative !
Or, depuis quelques temps, la France joue plus sur le négatif que sur le positif. En témoignent toutes les campagnes médiatiques basées sur l’envie, sur le rejet de l’autre surtout quand cet autre est caricaturé, qu’il soit présenté comme un « assisté », un « musulman », un « rom » etc.
La haine n’est pas le fait des « petites gens », du moins à l’origine. Ceux-ci n’envient pas leurs voisins d’une catégorie sociale supérieure (dommage, cela pourrait servir de moteur à une lutte des classes !). Mais ils sont incités, par des campagnes médiatiques bien ciblées, à rejeter les plus faibles qu’eux ! Ils ne critiquent pas ceux qui gagnent deux, trois, dix fois plus qu’eux, mais ils dénigrent les allocataires du RMI, les chômeurs de longue durée, les étrangers. Et certains hommes politiques, surtout à droite (mais pas qu’eux !), espèrent assurer leur élection en attisant la haine. Et quand la presse s’en mêle, c’est pire !
Valeurs actuelles
Dernier exemple en date : le numéro du 22 août 2013 de « Valeurs actuelles » qui titre « Roms, l’overdose ». Dans un communiqué du 23 août, le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), explique :
Ce numéro propose un dossier illustré d’un panneau représentant une caravane barrée d’un trait rouge, avec pour sous-titre : « assistanat et délinquance, ce qu’on n’a pas le droit de dire ». Il s’appuie sur un sondage censé traduire le « ras-le-bol » des Français, donne la parole à Le Pen, Estrosi et Bourdouleix (maire de Cholet) et évoque la situation de l’agglomération nantaise. Pour mieux servir leur argumentation, les auteurs des articles, dont la mauvaise foi et le parti pris haineux sont manifestes, recourent à la stigmatisation raciste et xénophobe, aux mensonges et à la généralisation abusive, justifiant même au passage les expéditions punitives.
Ainsi, ils ne publient que les questions du sondage qui concernent les campements illicites. d’autres media ont pourtant fait connaître des réponses bien différentes sur l’accueil de ces populations.
De même, l’amalgame est constant entre les Roms migrants, venus de Roumanie et Bulgarie dans un cadre tout-Ã -fait légal de liberté de circulation, qui sont sédentaires dans leur pays d’origine, et les Gens du Voyage, français pour la plupart depuis plusieurs siècles. Pour entretenir la confusion, les auteurs utilisent indifféremment les termes de « romanichels, manouches, gitans, fils du vent » sans distinction ni explication.
Enfin, s’agissant du département de Loire-Atlantique, des assertions sont proférées sans justification. Les Roms, pris dans leur ensemble, y seraient responsables de l’augmentation de 50% des cambriolages ! Jean-Marc Ayrault, quand il était maire de Nantes, aurait « encouragé leur arrivée à coup d’aides sociales et de traitements de faveur ». Et la communauté urbaine ferait preuve d’angélisme, (alors que le MRAP, comme les associations de défense des Roms ont, au contraire, bien souvent déploré sa frilosité !)
Les réalisations positives (Indre, Sainte-Luce, Jans ) sont ignorées. Les réussites aussi : pourtant, c’est bien une jeune fille rom dont la famille, venue de Roumanie il y a 8 ans, vit dans une cité nantaise, qui a fait il y a un an la une des journaux pour avoir reçu au sénat la médaille d’or de meilleure apprentie de France.
Les causes de la marginalisation et de la précarité sont oubliées, comme d’ailleurs le véritable coût des expulsions sans solution. Si la circulaire interministérielle du 28 août 2012 -relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites- est citée, en ne mentionnant que le ministre de l’intérieur comme signataire, son contenu est déformé, alors que c’est précisément son manque d’application qui pose problème. Les restrictions de l’accès à l’emploi ne sont pas mentionnées non plus.
La mobilisation citoyenne régulière, la volonté d’insertion de la majorité des familles sont niées. Aucun témoignage de militant associatif ne figure dans ce dossier. Et quand la parole est donnée à des représentants de ces familles, c’est pour mieux les ridiculiser, par exemple quand il s’agit de scolarisation, au mépris des droits fondamentaux des enfants.
On a compris que pour la campagne municipale de 2014, les Roms serviront de boucs émissaires faciles et qu’alors toutes les armes, y compris les plus détestables, seront bonnes.
Aucun démocrate, aucun républicain ne peut accepter cette instrumentalisation basée sur la haine et le mépris de certaines populations. La stigmatisation d’une catégorie de la population mène à la banalisation des idées racistes que développe aujourd’hui « Valeurs actuelles », contre lequel le MRAP étudie la possibilité de poursuites judiciaires pour diffamation, injures à caractère raciste et incitation à la discrimination, la haine et la violence racistes.
Aux « valeurs actuelles »
prônées par l’hebdomadaire du même nom,
substituons celles toujours vivantes de liberté, d’égalité
et de fraternité !
(fin du communiqué du MRAP)
A quoi mène la haine ? Lire ici
Ecrit le 14 septembre 2013
Internet et malhonnêté
Internet peut être un outil formidable. Mais aussi destructeur quand il est manié par des gens malhonnêtes ou par des personnes manquant de discernement. Un exemple récent : un message émanant d’une femme membre de la PAF (police aux frontières) affirmant que sur des vols en provenance d’Istanbul, Tunisie, Maroc, arrivent 96 Turcs, 92 Tunisiens et 128 Marocains, venus travailler dans les stations de sports d’hiver en France « cuisiniers - nourris : logés : blanchis ». Ils « ont tous le même sourire de »faux-cul« rivé sur la face au moment du contrôle avec des »merci chef« ou »merci bocou missiou« qui puent la franchise de l’âne qui recule ».
Ce message n’est ni daté, ni circonstancié et une recherche sur internet montre qu’il circulait déjà , à l’identique, en décembre 2008. Mais il est repris, mot pour mot, en août 2013.
Mais pourquoi ? La suite du message l’indique : « ce qui me déglingue encore un peu plus, c’est que la quasi totalité d’entre eux (toutes provenances confondues) sont musulmans, probablement pratiquants ».
Et voilà , un p’tit coup de haine anti-musulman, diffusez ... diffusez, même si c’est faux ! Il en restera toujours quelque chose. La haine est un plat qui se déguste réchauffé et s’appuie sur la rumeur, à défaut d’intelligence .
La rumeur
La rumeur .comme disait Pierre Desproges : « Elle est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise, d’autant plus meurtrière qu’elle est impalpable. On ne peut pas l’étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l’anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C’est la rumeur. () La rumeur, elle se profile à peine au sortir des égouts pour vomir ses miasmes poisseux aux brouillards crépusculaires des hivers bronchiteux. () Plus menteuse que la rumeur, tu meurs. Elle s’en fout, elle a éjaculé son venin répugnant. »
Alors, méfiance, méfiance fasse aux rumeurs, méfiance face aux haines. Réfléchissons avant de colporter n’importe quoi car, toujours selon Pierre Desprogres : « L’intelligence, c’est comme les parachutes, quand on n’en a pas, on s’écrase »
Mis en ligne le 27 septembre
Voici des articles issus du « Courrier des Balkans »
° Éditorial : ces 15.000 Roms qui font trembler la France
La République française est devenue bien fragile : 15.000 Rroms bulgares et roumains suffisent à la faire trembler Depuis quelques jours, la paranoïa de l’antitsiganisme s’étale à nouveau à la « une » des médias. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et les ténors de l’UMP rivalisent dans cette course au mensonge, au populisme et à la démagogie...
Retrouvez l’éditorial du Courrier des Balkans.
Rroms des Balkans : intégration, citoyenneté, démocratie
Le Courrier des Balkans / éditions Non Lieu, octobre 2012, 216 pages, 15 euros
Au sommaire :
- Rroms du Kosovo, d’un exil à l’autre
- Paysage avec Rroms : discriminations tous azimuths
- Les Rroms dans la ville : des citoyens de seconde zone
- Éducation : le grand défi
- Les Rroms, des exclus du monde du travail ?
- Faire entendre la voix des Rroms
Le rapport d’Amnesty International : France : les Roms condamnés à l’errance
Expulsion des Rroms en France : Valls dans les pas de Guéant et de Sarkozy ?
et les derniers articles :
- Stigmatisation des Roms, l’overdose
- Roms de Roumanie : les causes d’un exode, les raisons d’un échec
- Chômage et discriminations : le quotidien des Rroms de Roumanie
Amnesty dénonce les expulsions forcées de Roms
Le défenseur des droits s’en prend au gouvernement
La dangereuse banalisation du racisme ordinaire
Comment les protestants ont sermonné Manuel Valls-20130929]
Ecrit le 20 novembre 2013
Le racisme contre Mme Taubira
Une réalité persistante
Le Point.fr du 13/11 : Kofi Yamgnane, ancien secrétaire d’État des gouvernements Cresson et Bérégovoy, a estimé que « les langues se sont déliées », après la une de l’hebdomadaire Minute comparant Christiane Taubira à un singe. « La France n’est pas devenue raciste, la France a toujours été raciste. Sauf qu’il y a eu un moment où le racisme en France sous la République n’étant pas une opinion, mais un délit, les gens en avaient honte, ils en parlaient sous le manteau. Aujourd’hui, les langues se sont déliées parce qu’il y a eu quelques événements graves », a déclaré Kofi Yamgnane sur France Info.
« En particulier, je peux vous citer le discours de Sarkozy à Dakar qui dit : L’homme noir n’est pas rentré dans l’histoire. Ça veut dire que l’homme noir est resté un animal, l’homme noir est un sin-ge ! Aujourd’hui, les Français se sentent libres de pouvoir dire : Les Noirs sont des singes, Christiane Taubira est une guenon », a poursuivi l’ancien secrétaire d’État aux Affaires sociales et à l’Intégration (1991-1992), puis à l’Intégration (1992-1993), par la suite député PS du Finistère de 1997 à 2002.
La Une de Minute
Une enquête préliminaire pour injure publique à caractère racial a été ouverte sur la une de Minute. Cette une a suscité l’indignation du monde politique, à droite comme à gauche. « Moi, j’ai connu ça quand j’étais au gouvernement. Il n’y a pas eu d’attaques aussi violentes, mais il y en a eu. Elles étaient anonymes. (...) Les choses n’ont pas fondamentalement changé sauf qu’à ce moment-là ils se cachaient, ils avaient honte et aujourd’hui, ils ont pignon sur rue. La République française est en danger », a conclu Kofi Yamgnane, natif du Togo.
Le 15/11 Le Haut-Commissariat des droits de l’homme, une agence de l’ONU, a fermement condamné les attaques racistes contre Christiane Taubira
Nous ne reviendrons pas, cette semaine, sur l’abjecte Une du journal Minute, car nous avons relayé régulièrement les appels à éviter la haine et le racisme. Il faut savoir que, selon Le Figaro, la SARL SACEN, qui gère ce journal, a été mise en liquidation judiciaire le 27 mars 2013, après cessation de paiements le 31 décembre 2012. Faute d’acheteurs, il disparaît petit à petit des kiosques et cherche, à travers quelques coups de publicité, de redonner un coup de fouet à ses ventes. Ainsi, par exemple, il a récemment proposé en cadeau un bonnet rouge, devenu un symbole anti-Hollande, d’une valeur de 45 euros, à tout nouvel abonné. Il tente donc, à travers l’affaire Taubira, de se relancer. Il est soutenu par le quotidien présent, catholique traditionaliste, qui vient d’afficher sa « solidarité avec Minute » dans l’affaire Taubira, et par Rivarol, soutien de l’Union de la droite nationale, au positionnement plus satirique.
Ecrit le 4 décembre 2013
Manifestations du 30 novembre 2013
Un climat nauséabond s’est installé dans notre pays. La garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Christiane Taubira, a subi ces dernières semaines des attaques racistes venues de temps obscurs que l’on croyait révolus. Les insultes à son égard sont aussi des insultes à l’égard des millions d’êtres humains originaires d’Afrique, des Caraïbes, des Amériques, de l’Océan indien, citoyens français ou non et dont les aïeux ont été jadis réduits en esclavage, considérés comme des sous-hom-mes au prétexte de leur couleur de peau.
Ce racisme vient de loin (...), c’est le « Ya bon banania », ce sont les zoos humains des expositions universelles qui colonisent encore les esprits !
Ne nous y trompons pas, il n’y a pas de différence entre les paroles et les actes racistes car non seulement les paroles racistes d’aujourd’hui sont des insultes blessantes inacceptables mais elles préparent les actes racistes de demain.
Ne nous y trompons pas, la haine contre Christiane Taubira vient de loin.
C’est celle qui vise les Juifs, les Musulmans, les Roms, les Noirs. C’est celle de la Shoah, des progroms, des ratonnades, des chasses aux « voleurs de poules », aux immigrés. C’est le racisme des insultes et des inscriptions contre les mosquées et les synagogues. C’est l’islamophobie que subissent nos frères et soeurs musulmans. Ce sont les destructions et les attaques contre les camps de Roms.
C’est la discrimination parfois insidieuse et souvent quotidienne que subissent les immigrés venus d’Afrique noire, du Maghreb, de l’Europe de l’Est et d’ailleurs
Ne nous y trompons pas, les préjugés deviennent encore plus violents lorsque l’immigré est différent par sa couleur de peau, sa culture, sa religion. C’est aujourd’hui le plus souvent le « musulman » ou le Rom, cet autre, l’étranger accusé de prendre notre travail ou de creuser le trou de la sécu !
La libération de la parole raciste et les actes qui vont avec, sont liés à la situation économique et sociale qui touche une grande majorité de la population et d’abord les plus pauvres.
Aujourd’hui, lutter contre le racisme,
- . c’est aussi au quotidien, obstinément, obscurément souvent, lutter pour l’égalité des droits,
- . c’est concevoir un vivre-ensemble basé sur le respect mutuel et la solidarité,
- . c’est reconnaître le multiculturalisme comme un fait et non un élément de débat.
Il ne suffit pas d’une excellente loi comme celle de juillet 1972 qui indique que le racisme n’est pas une opinion mais un délit et qui sanctionne les injures et diffamations racistes. Il ne suffit pas d’adopter le 16 mai 2013 une loi supprimant le mot « race » du code pénal. Il ne suffit pas de projeter de le supprimer de la Constitution même si c’est utile. Car hélas, la disparition du mot « race » n’entraîne pas la disparition du racisme.
c’est pourquoi nous rappelons solennellement que la responsabilité des élus, quel que soit le niveau où elle s’exerce, consiste aussi à refuser les sollicitations
haineuses et à leur opposer, en paroles et en actes, les valeurs historiques de liberté, d’égalité et de fraternité.
Les actes immédiatement nécessaires, nous les connaissons, nous les exigeons. Ce sont :
- . la fin des contrôles au faciès par la police,
- . la régularisation de tous les sans-papiers comme l’avait fait le président Mitterrand à l’arrivée de la marche pour l’égalité et contre le racisme il y a 30 ans,
- . la fermeture de ces centres de la honte que sont les centres de rétention,
- . le droit de vote pour les étrangers résidant en France comme François Hollande l’avait promis avant son élection,
- . la fin de la destruction des camps de Roms sans qu’une solution pour de meilleures conditions de vie ne soit trouvée avec eux et la reconnaissance effective de leurs pleins droits d’hommes, de femmes, d’enfants et de citoyens européens.
- Nous sommes révoltés par la mort de milliers de migrants en méditerranée comme à Lampedusa et Malte. Il faut une autre politique européenne de l’immigration qui passe par la fermeture immédiate de l’agence européenne Frontex.
Nous ne nous contenterons plus de discours sans lendemain. Nos gouvernants doivent passer de la parole aux actes.
Nous le réaffirmons haut et fort aujourd’hui pour mieux nous en souvenir demain, il n’y a qu’une seule race, la race humaine.
(extraits des discours du 30 novembre)