Ecrit le 18 décembre 2013
Sanctionner
Sanctionner : le mot vient du latin sanctio, de sancire, « établir une loi ». Il s’applique plus spécialement à la conséquence, positive ou négative, d’un acte, une récompense accordée à ceux qui s’y conforment de manière exemplaire (par exemple : le diplôme sanctionne le bon déroulement des études). C’est aussi un assentiment royal : acte par lequel le monarque ou son représentant promulgue un projet de loi adopté par la ou les chambres du parlement et qui lui donne force de loi. (Cela s’utilise en Belgique et en Angleterre mais aussi en France dans la période révolutionnaire). Enfin la sanction est une peine infligée à ceux qui transgressent les lois. Malheureusement on a tendance à ne conserver que ce sens négatif du mot.
Mais peut-on sanctionner sans punir ? Telle était la question posée par l’association FCPE (parents d’élèves), lors d’une réunion qui s’est tenue le 5 décembre 2013 à Châteaubriant avec Isabelle Jabaud de l’association IFMAN (Institut de Formation et de recherche du Mouvement sur une Alternative Non-violente). Une quarantaine de personnes étaient présentes dont 3 hommes seulement !
Mme Jabault explique que la violence est une histoire de relation, et que toute relation se fait dans un cadre. C’est si vrai qu’on parle spontanément du cadre familial, du cadre scolaire, du cadre professionnel, etc. Ce cadre est un ensemble de règles permettant de vivre ensemble. La violence apparaît quand le cadre posé est flou, trop rigide ou incompréhensible.
Qui dit ’cadre’ dit aussi ’garant du cadre’ et, lorsqu’il y a conflit, il y a toujours ’émotion’, ce qui complique les choses.
Autorité
Le garant du cadre se doit d’avoir de l’autorité, celle-ci a trois pôles :
- - garantir la protection de ceux qui sont dans le cadre
- - faire vivre un projet commun
- - donner une place à chacun
Transgresser, c’est normal
L’enfant, normalement constitué, éprouve le besoin de transgresser le cadre de la loi familiale et/ou de la loi scolaire et/ou de la loi de son groupe de copains. : c’est comme cela qu’il apprend, c’est comme cela qu’il se construit. Il transgresse car il a besoin de prouver qu’il peut aller vers l’autonomie, qu’il peut créer ses propres règles. Plus il grandit et plus il cherche les limites mais face à ces transgressions, il faut qu’il trouve une réponse. Il se demande d’ailleurs : « Si je transgresse, que vais-je trouver ? ». Le rôle de l’adulte, face à cela, n’est pas de se justifier mais de donner du sens à la règle. Le jeune se cogne la tête contre un mur mais, pour sa sécurité, il veut être sûrque le mur tient bon, il veut être sûrque l’adulte est là . Le pire, c’est l’indifférence de l’adulte (en face de la drogue par exemple, en face d’une incivilité), car l’indifférence laisse l’enfant tout seul avec son mal-être. L’enfant ressent à la fois de l’abandon, et en même temps un sentiment de toute puissance qui peut faire de lui, plus tard, un a-social.
Quelles réponses ?
L’écoute est un mode de réponse : « pourquoi as-tu fait cela ? ». (Souvent le jeune ne le sait pas ! Mais la question peut induire une réflexion sur lui-même). Mais l’écoute doit être suivie d’une sanction qui permette à l’enfant de prendre ses responsabilités. Ecouter n’est pas excuser. Responsabiliser n’est pas créer une culpabilité. Sanctionner n’est pas punir.
Il est important que l’enfant sache qu’il y a plusieurs cadres, qu’on peut faire évoluer un cadre mais que, de toutes façons, il aura à s’adapter...
Faire mal
Punir dans nos pratiques éducatives, punir c’est presque toujours : faire mal. Mal physique (fessée), mal moral (humiliation). C’est presque toujours l’expression de la colère de l’adulte, voire de la vengeance de l’adulte qui se sent mis en échec. La punition-souffrance engendre chez l’autre un comportement de soumission. La soumission (dans le sens de : non responsabilité) est toujours mauvaise. Il importe d’apprendre à obéir aux règles (car on en comprend le bien-fondé) ce qui n’est pas la même chose que d’être soumis aux règles.
Eduquer un enfant, c’est lui apprendre à aller vers l’autonomie, ce n’est pas lui faire mal. Certains pensent que l’autorité est liée à la sévérité. Créer la peur chez un enfant, c’est fabriquer un adulte qui aura toujours besoin de quelqu’un pour le rappeler à la loi.
Attention au vocabulaire qu’on emploie. « Tu es méchant, tu es mauvais », conduit l’enfant à un sentiment de rejet. Il vaut mieux dire : « Ton comportement est mauvais ».... et trouver une sanction éducative adaptée à l’erreur de comportement. C’est pour cela qu’il vaut mieux que l’adulte réfléchisse à la sanction qu’il va imposer.
Cela peut-être d’envoyer un enfant dans sa chambre, ou d’obliger l’enfant à refaire un devoir, ou de l’obliger à réparer quelque chose. Ce peut être aussi la privation de l’exercice d’un droit, en particulier si la transgression concerne des obligations liées à ce droit : interdiction d’activité, mise à l’écart temporaire, frustration, coupures qui ramènent à la réalité et à la réflexion. La sanction peut être une contrainte, l’objectif n’étant pas de gêner mais d’apprendre quelque chose à l’enfant.
La sanction nécessaire
Mais de toutes façons, la sanction est nécessaire car une action répréhensible non-reconnue pèse sur la conscience du transgresseur qui peut se punir lui-même de manière inappropriée ou exagérée.
La sanction est une façon de rappeler les règles propres au cadre, de dire à l’enfant : ’je suis là , je vais te donner les moyens d’être dans les cadres’. Sanctionner est aussi le moyen de redonner confiance à la victime (si victime il y a). Et s’il n’est pas possible de réparer le dommage causé à une victime, il faut au minimum des excuses ou une réparation symbolique !
Finalement, une sanction, c’est s’occuper à la fois de la victime et de l’enfant transgresseur.
Pas facile . L’adulte doit apprivoiser ses propres émotions, faire preuve d’une autorité ferme et bienveillante, qu’il s’agisse de poser la loi, de trouver des issues honorables aux épisodes de crise, d’écouter les victimes et les contrevenants, ou de choisir des sanctions réalistes, justes, cohérentes, compréhensibles et tournées vers un progrès à venir.
Un livre
« Sanctionner sans punir », livre de Elisabeth Maheu : ce livre fourmille de pistes concrètes pour trouver des alternatives à l’exclusion, aux gifles et fessées, aux punitions collectives, aux colles, mises au coin, privations de dessert ou de sortie... Il s’agit de chercher des réponses qui véhiculent le plus fidèlement possible le sens porté par la loi, et qui en même temps manifestent à l’enfant le respect scrupuleux de sa personne et du citoyen qu’il est en train de devenir.
La transgression de l’enfant, de l’adolescent est souvent une action tentée pour résoudre un problème, satisfaire un besoin. c’est un langage nécessaire et peut être un outil de progrès.... à condition qu’il trouve sur son chemin des adultes capables de lui dire ’non’ et de poser cette triple contrainte :
- - réparer les dommages,
- - rendre des comptes quant aux règles bafouées, et
- - réfléchir aux motifs de ses actes et à leurs conséquences pour lui-même
Ainsi se construira son rapport à la loi, son rapport aux autres et à lui-même.
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