Ecrit le 9 avril 2014.
Jeudi 27 mars 2014, à l’invitation des Potes des Sept Lieux, Mme Pouillard est venue parler de son rôle de prévention et d’information dans les Etablissements scolaires, les Foyers du Jeune Travailleur, le Centre de Loisirs et autres structures d’accueil collectif, sur le thème : « Respect, sentiments... sexualité des ados ».
La sexualité des jeunes (et des moins jeunes !) a considérablement évolué ces 50 dernières années, évolution liée en partie à la découverte des pilules contraceptives. La première d’entre elles est commercialisée aux Etats-Unis en 1960. La Grande Bretagne, la première en Europe, l’expérimente. En 1961, des Françaises créent, dans une quasi-clandestinité, le premier centre de planning familial à Grenoble, on y fait venir des diaphragmes de Suisse ou d’Angleterre et la pilule y fait une timide apparition en 1965. Mais le pouvoir se refuse à l’autoriser. Les Françaises ne cessent de faire pression sur les hommes politiques : entre 1967 et 1987, le pourcentage de femmes 15-49 ans prenant la pilule passe de 4 à 30 %.
A Châteaubriant, en 1972, une réunion houleuse a lieu salle Omnisports, opposant les partisans (surtout des femmes) d’une information sur la contraception — et le monde médical mélangeant sciemment la contraception et l’avortement, parlant de la mise à mort des foetus et des pépés-mémés ! Le numéro 8 du très jeune journal « La Mée » publie un tableau des méthodes contraceptives qui fait sensation : à l’usine Huard, c’est un grand sujet de discussion « Quelle méthode utilises-tu, toi ? », l’article évoque la contraception, et les tests de grossesse (qui n’avaient rien d’anonyme à l’époque puisque les laboratoires étaient tenus de signaler tous les cas de grossesse). L’information sur la contraception et l’avortement est alors donnée essentiellement par le Planning Familial dont les bureaux sont à Nantes. L’information sexuelle fait cependant son entrée dans les lycées français en 1973 (circulaire Fontanet) - un enseignement facultatif, axé sur la reproduction et les maladies vénériennes.
Il faut attendre le 28 juin 1974 pour que l’Assemblée nationale vote le projet de Simone Veil ministre de la Santé, libéralisant totalement la contraception. La sécurité sociale rembourse la pilule. Les mineures ont droit à l’anonymat. Puis la Loi Veil du 17 janvier 1975 dépénalise l’interruption médicale de grossesse, mais il reste interdit, jusqu’en 1991, de diffuser des informations sur la contraception (et à plus forte raison sur l’avortement). Ce n’est qu’en 2001 que sont institués la gratuité de l’interruption volontaire de grossesse et l’anonymat pour les mineures. L’éducation sexuelle est instituée dans les établissements scolaires. A partir de 2009, mise en place progressive dans plusieurs régions d’un Pass-contraception (Poitou-Charentes, ÃŽle de France, Pays de Loire...), permettant aux mineur-e-s de consulter gratuitement et anonymement un soignant (généraliste, gynécologue, sage-femme, pédiatre), d’aller en pharmacie ou d’avoir des bilans biologiques grâce à des budgets des conseils généraux. 2013 : contraception gratuite pour les mineures de 15 à 18 ans pour les moyens de contraception remboursées par la sécurité sociale.
Tout ceci a largement influencé l’évolution de la sexualité des jeunes.
S’appuyant sur les travaux de Michel Bozon, sociologue, Mme Pouillard explique que, ces dernières années, les choses ont bien changé avec le développement des techniques de communication (téléphones portables, internet) : les informations sur la sexualité se sont développées, rendues accessibles à tous. Les premiers rapports sexuels des adolescents se situent autour de 17-18 ans (1) alors que, naguère, les jeunes filles attendaient environ 21 ans, le mariage ne survenant qu’après une longue période de fiançailles. « La sexualité est partout dans la société, il s’y ajoute un aspect de performance. Le rôle de prévention consiste donc à mettre en avant le respect de l’autre, l’importance des sentiments ».
Mme Pouillard rencontre généralement les garçons et les filles séparément. « Les jeunes ont besoin d’être rassurés, mais différemment d’autrefois. Ils ne reçoivent guère d’information sur la sexualité en famille. Je suis là pour leur permettre de mettre des mots sur leurs difficultés. Leurs mots à eux sont populaires, mais pas vulgaires, le cadre posé c’est le respect de la parole de l’autre, du fait que l’autre puisse penser différemment » - « Le sexualité, surtout pour les garçons, fait partie des prises de risque comme l’alcool, le tabac, la vitesse. L’adolescence est une période difficile pour les jeunes, mais ceux-ci sont bien conscients aussi de la difficulté des parents ’’ils ont peur de perdre leur bébé’’ : ’’ils ne nous font pas confiance’’ ».
Rassurer
Les garçons s’inquiètent des ’’femmes-fontaines’’, ils s’inquiètent de leurs propres capacités, de leurs propres performances, ils sont sensibles à l’érotisme et à la pornographie. Le rôle de l’éducateur est d’expliquer que la relation sexuelle s’inscrit dans une histoire d’amour (même juste pour un moment) et que le plaisir se trouve dans la relation à l’autre. Les adolescents le disent bien : « il faut des sentiments ». Il peut y avoir des rapports sexuels sans sentiments, mais il faut le respect, il faut que les deux partenaires soient d’accord.
Les filles ont besoin d’être rassurées, de savoir qu’elles peuvent dire non. Face aux garçons qui ont tendance à dire « il faut que la fille se laisse faire », il importe de dire à la jeune fille : « Ton corps n’appartient qu’Ã toi, et toi seule décide de ce que tu veux en faire ».
Toujours se pose la question de la « normalité » : suis-je normal ? Suis-je différent des autres ? Pourrai-je être accepté ? Saurai-je faire comme il faut ? Cette crainte de la différence, la peur du rejet et de l’isolement, c’est la peur de ne pas être compris, d’être tellement différent qu’on ne pourrait plus nouer de relations avec les autres. LÃ encore le rôle de l’éducateur est d’expliquer que les êtres humains sont riches de leurs différences, que « cultiver ses différences, c’est pouvoir devenir un adulte unique qui existera au sein d’un groupe en lui apportant plein de richesses », et qu’il n’existe pas de « savoir-faire » sexuel, de manuel expliquant comment avoir une « bonne » relation sexuelle ; il ne s’agit pas d’être le plus performant possible ou de faire comme tout le monde : le plaisir s’apprend, se découvre, s’enrichit à chaque relation, et cela prend du temps. Et il est aussi propre à chacun !
Alors, quel est le rôle des parents ? C’était aussi la question sous-jacente dans la réunion du 27 mars. Pour Mme Pouillard, « la sexualité des parents ne regarde pas les enfants. Le rôle des parents, c’est de montrer, par l’exemple, l’importance du respect de l’autre, de la vie affective » et de répondre aux questions, s’il y en a ... ou de renvoyer aux structures adaptées. « Quand je vois arriver une jeune fille avec sa maman, pour demander la pilule, je reçois toujours la jeune fille d’abord, pour bien comprendre ses motivations, à elle, et je ne donne pas systématiquement la pilule. Souvent la jeune fille me dit : ’’rassurez maman’’ ! ». dit Mme Pouillard.
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(1) D’après les études comparatives menées à ce sujet, les élèves dans les établissements scolaires où l’abstinence stricte est enseignée, commencent la vie sexuelle au même âge moyen que les autres mais utilisent moins la contraception dont l’usage leur paraît moins légitime. L’enseignement de l’abstinence contribue ainsi paradoxalement à augmenter le nombre de grossesses non prévues !) (d’après Michel Bozon, dans son livre : sociologie de la sexualité)