Ecrit le 28 juin 2017
Le 19 avril 2017, La Mée a publié la proclamation de Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris. René Bourrigaud lui répond :
Dieu existe, mais seulement dans la tête de nombreux humains qui cherchent à donner un sens à leur existence.
Historiquement, on peut montrer que ce sont les hommes qui ont créé Dieu à leur image, et non l’inverse. Ceci me paraît tellement évident que l’image qu’on se fait du « créateur » change en fonction de l’évolution des sociétés.
Selon les époques et les circonstances, il peut prendre l’allure d’un être tout-puissant répandant la terreur : celle de l’enfer rempli de flammes pour tous ceux qui ne respectent pas les règles inventées par les puissants de ce monde ; ou encore celle du bon papa débonnaire, prêt à tout pardonner, et promettant le paradis à ceux qui sont restés fidèles à ses prêtres ou qui se repentent au dernier moment. Ces changements de représentations peuvent se faire au sein de la même religion.
Ces représentations étaient acceptables tant que le progrès des sciences n’avait pas apporté des explications satisfaisantes sur l’origine de l’Univers, la place de la Terre dans le système solaire, l’apparition de la vie, l’évolution des espèces et l’émergence de notre espèce.
Darwin et sa théorie évolutionniste ont remplacé la Bible et les conceptions créationnistes archaïques. Ces dernières sont aujourd’hui totalement désuètes, mais il est inquiétant de constater qu’elles connaissent un regain d’intérêt, notamment aux USA. Les régressions intellectuelles sont donc possibles.
Les grandes religions s’adaptent d’autant mieux quand elles sont organisées pour faire évoluer la doctrine officielle, interpréter les textes anciens au « contexte » d’aujourd’hui, procéder à leur aggiornamento. Mais dans les religions où chacun a le droit de lire le texte sacré au premier degré, on assiste à des régressions qui peuvent conduire aux pires comportements.
c’est ainsi que la parole du recteur de la Grande Mosquée est totalement rejetée par les islamistes fondamentalistes qui s’en tiennent à une lecture littérale de certains passages de textes anciens assez confus, pouvant contenir tout et son contraire.
Religion et morale
Toute religion comporte deux aspects qui peuvent être distingués : des dogmes censés expliquer le monde, l’univers et la destinée de l’humanité ; et des règles morales pour organiser la vie en société.
Si les dogmes sont totalement dépassés, il n’en va pas de même des règles morales, destinées à permettre la vie en société. Elles restent valides dans certains domaines fondamentaux : « tu ne tueras point... tu ne voleras point ».
Le jeûne et l’abstinence peuvent être des pratiques utiles à une bonne hygiène de vie. Le repos hebdomadaire est probablement l’une des institutions les plus utiles léguées par les religions et qu’il convient de conserver le mieux possible. c’est sans doute pourquoi la tentative de réforme du calendrier lors de la Révolution française a échoué, alors que le système métrique, relevant de la même logique rationnelle, a conquis le monde.
La plupart des religions font de la pauvreté une valeur et invitent les riches au partage. Pratiquer l’aumône a toujours été une obligation permettant de gagner des points dans ce que certains ont appelé une « économie du salut » : le pauvre est l’utilité du riche, car il lui offre l’occasion de racheter ses péchés en faisant l’aumône, et donc ses chances de mériter un bonheur éternel dans une autre vie.
Mais l’aumône n’a jamais réduit la pauvreté et les systèmes modernes de protection sociale sont infiniment plus efficaces pour lutter contre la misère, même s’ils doivent être améliorés.
Œuvre de Michael-Ange
Forgées dans des sociétés méditerranéennes patriarcales, les religions monothéistes sont forcément machistes et relèguent les femmes aux rôles subalternes. Elles n’ont jamais pu accéder à la caste des prêtres : les femmes mariées sont reléguées aux tâches ménagères et d’éducation des jeunes enfants. Les célibataires sont en général embrigadées dans des communautés religieuses où elles ont pu être utilisées gratuitement pour les services à la personne.
Les grandes religions monothéistes qui se veulent universalistes sont sans doute le creuset initial de l’affirmation du principe de l’égalité de droit de tous les êtres humains. En affirmant que les hommes sont tous les fils du même père, qu’ils sont tous semblables, ces grandes religions ont ouvert le chemin vers l’affirmation du principe laïc de l’égalité universelle. On ne retrouve pas ce germe dans les autres religions qui acceptent plus facilement le système des castes et les inégalités de principe.
Pourtant exiger la conversion de tous les hommes à une même religion qui se veut universaliste mais dont les affirmations sont invérifiables a entraîné les pires exactions dans le monde à travers des conquêtes et des colonisations forcées. l’affirmation du principe de l’égalité de droit ne peut donc devenir universelle qu’Ã travers un droit international produit par les sociétés humaines et une communauté internationale restant à consolider.
Car chaque religion est la négation de toutes les autres. Si « ma » religion et ses dogmes sont vrais, alors les dogmes de toutes les autres religions sont faux. Seule une démarche scientifique, qui accepte le caractère provisoire de ses théories, peut servir de fondement fiable aux institutions humaines ouvertes à tous.
laïcité
Le conflit philosophique entre déistes et humanistes est irréconciliable, il ne faut pas se le cacher. Mais l’histoire a montré qu’il ne fallait surtout pas combattre par la force les conceptions « obscurantistes » qui nient les éclairages apportés dans tous les domaines par la démarche scientifique moderne. Les erreurs ne peuvent être combattues que par une pédagogie patiente et pacifique.
d’ailleurs les religions anciennes ne sont pas les seules à véhiculer des erreurs. Les complaisances que nous avons à l’égard de l’astrologie ou des parasciences sont tout aussi discutables, même si le doute scientifique nous oblige à rester prudents et ouverts à toute démarche intellectuelle et pratique sérieuse.
En Europe, le schisme protestant a entraîné les guerres de religion des XVIe et XVIIe siècles. Dans un pays ravagé par les guerres, les théoriciens anglais ont été les premiers, au XVIIe siècle, à prôner la mise en place d’un Etat monarchique disposant du droit exclusif de l’exercice de la violence légitime.
Mais c’est en France que nous avons inventé, au terme d’un long conflit entre les Républicains héritiers de la Révolution et les monarchistes alliés à l’Eglise catholique, un système permettant de pacifier les relations dans l’espace public et de réconcilier la nation : la neutralité de l’Etat et des institutions publiques sur la question des croyances religieuses et philosophiques.
Il s’agit d’un compromis toujours instable, accepté par les courants philosophiques dominants au début du XXe siècle pour intégrer enfin dans la République tous ceux qui se réfugiaient dans un catholicisme attaché à l’ancien régime.
Dans un monde de plus en plus sécularisé, constitué de citoyens en majorité athées ou agnostiques, on ne peut accepter que les règles de laïcité et de tolérance tournent à l’avantage des partisans de dogmes dépassés.
l’aventure humaine
L’homme est une espèce de singe particulièrement douée pour le maniement des outils. c’est probablement en fabriquant des outils, en réfléchissant à la fois sur l’outil et sur la matière travaillée, qu’il a développé son intelligence et qu’il a pu devenir l’espèce dominante de la planète. Une espèce dominante et tellement envahissante qu’elle peut détruire ou détériorer gravement la biosphère.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’anthropocène, une ère géologique entièrement nouvelle dont l’espèce humaine porte la responsabilité. L’homme a entre ses mains le devenir de la Terre et des autres espèces. Il a enfin pris concrètement la place de Dieu.
Mais la question du devenir à long terme de l’humanité reste entièrement ouverte. Sans entrer dans les débats sur le transhumanisme, on peut se poser quelques questions : sommes-nous condamnés à poursuivre l’aventure humaine sur notre petite planète ? Existe-t-il une nouvelle frontière pour l’humanité ? Des planètes habitables et accessibles ? En l’état actuel de nos connaissances, il y a lieu d’être pessimiste. Et il vaut mieux se préparer et s’organiser pour vivre en paix sur une planète dont on ne connaît même pas le fond des mers, sans parler du centre de la terre.
Quant à accéder individuellement à un monde imaginaire, on a le droit d’y rêver si cela nous aide à vivre, mais on ne peut pas construire nos règles communes sur ce rêve.
René Bourrigaud
E.Macron et l’Islam
présent au dîner annuel du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), le 20 juin 2017, où étaient également présents l’ensemble des représentants des différents cultes, E.Macron a parlé des attentats terroristes : " Ils furent la tentative explicite de donner de l’islam l’image d’une religion cautionnant le meurtre et la terreur, au nom d’idéaux fanatiques.
Pour lutter contre cette perversion du message de l’islam, pour surmonter l’horreur des meurtres les plus abjects, il nous fallait le concours d’autorités musulmanes fermes dans leurs convictions, solides dans la dénonciation de ces crimes. Pas une fois le CFCM n’a fait défaut. « Il a ajouté : » Il nous faut toujours réaffirmer qu’il n’y a pas, dans notre pays, d’un côté les musulmans et de l’autre les Français. Mais bel et bien uniquement des Français, de tous horizons, de toutes convictions, tous citoyens au sein d’une République dont la laïcité garantit à chacun la liberté et l’égalité et offre comme projet commun la fraternité.
Grâce à vous, ce combat pour maintenir l’unité nationale a été remporté et nous avons su tenir collectivement la voie de la raison face à la tentation du pire. « . » Nous avons aujourd’hui en commun des combats à mener. Le premier, c’est le combat contre le fanatisme et sa diffusion. Le deuxième combat qui sera le nôtre doit se porter contre une pratique de l’islam organisant une ségrégation au sein de la République. Notre troisième combat c’est celui de la formation des imams et des enseignants « . » Notre défi est bien sûrsécuritaire face au terrorisme qui sévit mais il est aussi moral, civilisationnel. Et dans ce défi, votre rôle est immense, votre responsabilité l’est tout autant ".
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