Ecrit le 5 juillet 2017
PMA : procréation médicalement assistée
AMP : assistance médicale à la procréation. Les deux termes sont équivalents.
GPA : gestation pour autrui
Les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ont été autorisées à l’origine pour répondre à des infertilités liées à des dysfonctionnements de l’organisme. Elles sont sollicitées désormais dans d’autres situations personnelles (de couple ou non). Le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) a donné son avis sur trois cas : l’autoconservation ovocytaire chez des femmes jeunes, les demandes de recours à l’insémination avec donneur (IAD) par des couples de femmes et des femmes seules, et les demandes de recours à une gestation pour autrui (GPA).
Au delà de l’acte technique, le CCNE s’est livré à une réflexion sur les enjeux sociétaux, relevant qu’il y a :
– Disjonction entre sexualité et procréation.
– Disjonction entre la personne et les éléments de son corps, dans le temps et l’espace.
– Disjonction entre transmission génétique et filiation.
La division du processus de procréation en phases séparées les unes des autres requiert l’intervention de tiers. c’est vrai de toute procédure d’AMP, et les demandes sociétales suscitent de nouveaux types de relations avec ces tiers qu’il importe de considérer, afin d’en mesurer toutes les conséquences.
Reconnaître que ces techniques offrent de nouvelles façons de donner vie à des enfants et donc de construire de nouvelles relations est fondamental, mais il faut veiller à ce que le fait d’éviter une souffrance n’en cause pas d’autres, en particulier si cela devait se révéler contraire aux intérêts de l’enfant qui naîtra de cette procréation médicalement assistée.
Le CCNE a donc distingué plusieurs ordres de situations et relations :
- la relation à soi, qui implique toujours une relation aux autres.
- les relations impliquant l’enfant : celui-ci aura un parent génétique et un parent « social », et devra aussi la vie à un donneur qui, en droit français, est anonyme.
- les relations entre le corps médical, les donneurs de gamètres et le demandeur ;
l’autoconservation ovocytaire chez les femmes jeunes.
Le caractère tardif de la première maternité accroit la fréquence des infécondités liées à l’âge de la femme. Une autoconservation des ovocytes de précaution, à un âge où la fertilité de la femme est encore optimale, lui permettrait, en cas de souhait tardif de grossesse et de difficulté pour y parvenir, d’utiliser ses propres ovocytes prélevés auparavant.
Le CCNE souligne le caractère très contraignant et onéreux de la procédure de collecte des ovocytes, lié notamment aux stimulations ovariennes répétées, à l’anesthésie générale, aux ponctions ovariennes. Il insiste sur les risques cliniques et médicaux induits, mais aussi sur les risques de pressions sociales et professionnelles émanant de l’entourage ou des employeurs.
En outre, on se pose la question de sa réelle utilité, dans la mesure où la grande majorité des femmes pourront avoir des enfants par des méthodes naturelles.
Le CCNE se soucie aussi de l’absence de garantie de résultat puisque le taux de réussite ne dépasse pas 60%, sans oublier la limite temporelle à l’utilisation des ovocytes, et le devenir des ovocytes non utilisés. Pour la plupart des membres du CCNE, proposer l’autoconservation ovocytaire à toutes les femmes jeunes, en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure, est difficilement défendable.
Demandes d’AMP par des couples de femmes ou des femmes seules.
Cette demande d’AMP, pour procréer sans partenaire masculin, en dehors de toute infécondité pathologique, s’inscrit dans une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques d’AMP pour répondre à un désir d’enfant. Cette demande induit une disjonction évidente entre sexualité et procréation, entre procréation et filiation ; elle modifie profondément les relations de l’enfant à son environnement familial, en termes de repères familiaux, d’absence de père.
Elle fait émerger plusieurs interrogations sur la relation des enfants à leurs origines puisqu’en France le don est anonyme et gratuit ou sur le fait de grandir sans père.
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Cependant l’analyse du CCNE, s’appuyant sur la reconnaissance de l’autonomie des femmes et la relation de l’enfant dans les nouvelles structures familiales, le conduit à proposer d’autoriser l’ouverture de l’IAd à toutes les femmes.
Il considère que l’ouverture de l’aMP à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles. Cette souffrance doit être prise en compte car le recours à une technique déjà autorisée par ailleurs n’implique pas de violence dans les relations entre les différents acteurs.
Il suggère cependant que soient étudiées et définies des conditions d’accès et de faisabilité, notamment en distinguant la situation différente des couples de femmes et des femmes seules, en maintenant le principe actuel de gratuité des dons et en étudiant les modalités pour que l’assurance-maladie ne supporte pas les charges financières correspondantes.
Cette demande d’ouverture doit être confrontée à la rareté actuelle des gamètes qui risque de provoquer un allongement des délais d’attente ou une rupture du principe de gratuité des dons. Cela pourrait ouvrir des perspectives de marchandisation des produits du corps humain et remettre en cause le système de santé français fondé sur des principes altruistes. Une partie minoritaire des membres du CCNE a proposé qu’en ce domaine le statu quo soit maintenu. Ce sera donc aux politiques de trancher.
Les demandes sociétales de gestation pour autrui (GPA)
Cette demande exprimée par les couples homosexuels masculins et les hommes seuls, les femmes fertiles qui ne veulent pas porter d’enfant, voire des personnes sans lien biologique avec l’enfant, constitue une situation nouvelle par rapport à l’avis donné en 2010. Le CCNE analyse les disjonctions, relations et conséquences d’une GPA. Il souligne les caractéristiques récentes du développement rapide du marché de la GPA, mettant en avant le rôle des intermédiaires économiques à l’échelle internationale.
Il insiste sur la nature des violences juridiques, économiques, sanitaires et psychiques, qui s’exercent principalement sur les femmes recrutées comme gestatrices ou mères porteuses et sur les enfants qui naissent et qui sont objets de contrats passés entre des parties au pouvoir très inégal, même si les obstacles juridiques à leur retour en France apparaissent, aujourd’hui, en partie levés.
Le CCNE s’inquiète de l’augmentation du nombre de GPA, correspondant parfois dans la réalité, à des productions d’enfants à des fins d’adoption entre personnes privées. En 2017, le CCNE reste attaché aux principes qui justifient l’interdiction de de la GPA , et souhaite le renforcement des moyens de prohibition au niveau national et international, estimant qu’il ne peut y avoir de GPA éthique.
Michelle Meunier
Michelle Meunier sénatrice de Loire-Atlantique, membre du CCNE, est globalement satisfaite de l’avis du comité d’éthique. « Son avis est l’aboutissement de débats de qualité, au cours desquels j’ai apprécié les apports de spécialistes de tous horizons (médical, scientifique, philosophique ou judicaire) ».
l’avis du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l’aMP a été sollicité suite à la saisine du CCNE après les débats houleux survenus lors de l’examen du projet de loi Taubira au printemps 2013 (mariage pour les couples de même sexe).
Michelle Meunier rappelle qu’elle est favorable à l’ouverture du droit à la PMA pour les femmes seules ou en couple, mais opposée à la GPA qui est une forme de « marchandisation des corps ».