Ecrit le 07 novembre 2018
Novembre
Le mois de novembre est, comme chacun le sait, le onzième mois de l’année selon le calendrier grégorien et pourtant november, adjectif latin dont il est issu signifie « neuvième » ! Cela s’explique tout simplement par le fait que l’année romaine commençait non en janvier mais en mars. c’est pourquoi septembre, octobre et décembre étaient respectivement les septième, huitième et dixième mois de l’année (septem, octo et decem = sept, huit et dix en latin).
c’est en : 46, lors de la mise en place du calendrier julien (1) que le début de l’année a été fixé au 1er janvier, mais novembre, qui était devenu alors le onzième de l’année, a gardé son nom.
En France, l’ordre des quatre derniers mois de l’année a été en partie conservé dans l’écriture courante des actes jusqu’Ã la Révolution et parfois même au cours du XIXe siècle : VIIbre, VIIIbre, IXbre et Xbre.
Dans le calendrier républicain établi sous la Révolution, le mois de novembre était à cheval sur les mois de Brumaire et Frimaire, on comprend pourquoi ! Le mois de novembre fait partie de l’automne, saison au cours de laquelle s’installent la brume, les frimas, le vent, la pluie, parfois la neige, tombent les dernières feuilles et s’allument les cheminées. La nature s’endort et inspire les poètes.
Novembre marque l’arrivée de la morte- saison avec la célébration de deux rites funéraires, la fête de La Toussaint et celle des Morts ainsi que celle de l’armistice signé le 11 novembre 1918 par les Alliés et les Allemands dans un wagon trans-formé en voiture-salon-bureau et acheminé dans une futaie de la clairière de Rhetondes en forêt de Compiègne.
De nombreux poètes ont célébré le mois de novembre : en 1829, Victor Hugo en a fait le titre d’un de ses poèmes qui commence ainsi :
Quand l’automne, abrégeant les jours qu’elle dévore,
Eteint leurs soirs de flamme et glace leur aurore,
Quand Novembre de brume inonde le ciel bleu,
Que le bois tourbillonne et qu’il neige des feuilles,
Ô ma muse ! En mon âme alors tu te recueilles,
Comme un enfant transi qui s’approche du feu.
Emile Verhaeren a de son côté écrit en 1899 un beau poème qui porte le même titre, Novembre, dans un recueil intitulé Les vignes de ma muraille. Ce poème frappe par l’absence de toute couleur (mis à part l’adjectif grisâtre à la sonorité sinistre) et par l’abondance d’images frappantes : les vents déchevelés, l’air livide et froid, les carreaux cassés de la croisée, le ciel couleur de fer, ainsi que par les assonances « froides » :
Et Novembre si humblement supplie et pleure
Pour attendrir le cœur mécanique des heures.
En 1895, Verhaeren avait écrit un autre poème intitulé Vent commençant par :
Sur la bruyère longue infiniment
Voici le vent cornant Novembre
Le mois de novembre est aussi célébré par de nombreux chanteurs et chan-teuses : Anne Vanderlove dans Ballade en novembre (2010), Barbara dans Les enfants de novembre -qui« portent l’espé-rance »-(1996), Benjamin Biolay dans Novembre toute l’année, un des titres de son album intitulé Rose Kennedy (2001), et Louane dans Midi sur Novembre (2017).
A l’étranger, Sweet november est une chanson américaine écrite pour le film de Keanu Reeves qui porte ce nom (2001). Et la chanson November rain a été écrite et chantée par le groupe Guns ’n’ Roses formé en 1985.
(1) Le calendrier julien a été introduit par Jules césar pour remplacer le calendrier romain républicain.
(2) Le mot automne est tantôt masculin, tantôt féminin.
DEVINETTE : d’où vient le nom de la fête d’Halloween célébrée le 31 octobre, la veille de la Toussaint ?
REPONSe à la devinette posée dans le dernier numéro de La Mée : un collec-tionneur de souvenirs appelés « boules de neige » s’appelle un
chionosphérophile (chiôn-=neige en grec).
Elisabeth Catala
Novembre
Les grand’routes tracent des croix
A l’infini, à travers bois ;
Les grand’routes tracent des croix lointaines
A l’infini, à travers plaines ;
Les grand’routes tracent des croix
Dans l’air livide et froid,
où voyagent les vents déchevelés
A l’infini, par les allées.
Arbres et vents pareils aux pèlerins,
Arbres tristes et fous où l’orage s’accroche,
Arbres pareils au défilé de tous les saints,
Au défilé de tous les morts
Au son des cloches,
Arbres qui combattez au Nord
Et vents qui déchirez le monde,
Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords
Se débattant et s’engouffrant dans les âmes profondes !
Voici novembre assis auprès de l’âtre,
Avec ses maigres doigts chauffés au feu ;
Oh ! tous ces morts là -bas, sans feu ni lieu,
Oh ! tous ces vents cognant
les murs opiniâtres
Et repoussés et rejetés
Vers l’inconnu, de tous côtés.
Oh ! tous ces noms de saints
semés en litanies,
Tous ces arbres, là -bas,
Ces vocables de saints dont la monotonie
s’allonge infiniment dans la mémoire ;
Oh ! tous ces bras invocatoires
Tous ces rameaux éperdument tendus
Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu.
Voici novembre en son manteau grisâtre
Qui se blottit de peur au fond de l’âtre
Et dont les yeux soudain regardent,
Par les carreaux cassés de la croisée,
Les vents et les arbres se convulser
Dans l’étendue effarante et blafarde,
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Oh l’identique et affolant cortège
Qui tourne et tourne,
au long des soirs de neige ;
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Dites comme ils se confondent
dans la mémoire
Quand les marteaux battants
A coups de bonds dans les bourdons,
Ecartèlent leur deuil aux horizons,
Du haut des tours imprécatoires.
Et novembre, près de l’âtre qui flambe,
Allume, avec des mains d’espoir, la lampe
Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ;
Et novembre si humblement supplie et pleure
Pour attendrir le cœur mécanique des heures !
Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer,
Voici les vents, les saints, les morts
Et la procession profonde
Des arbres fous et des branchages tords
Qui voyagent de l’un à l’autre bout du monde.
Voici les grand’routes comme des croix
A l’infini parmi les plaines
Les grand’routes et puis leurs croix lointaines
A l’infini, sur les vallons et dans les bois !
Emile Verhaeren