Ecrit le 12 mars 2008
Dignité
Vieux, le mot n’est plus à la mode. On préfère parler de personne âgée, rappelant ainsi que « les seniors » sont encore des personnes. Est-ce donc nécessaire de le rappeler ? Eh oui ! Dans notre société où tout est misé sur la jeunesse, la réactivité, la vitesse, la personne âgée est vite reléguée dans un coin. Cela commence par les travailleurs « âgés » (dès 45 ans !), cela se poursuit par les retraités qui, peu à peu, perdent de leur autonomie.
Oh, certes, notre société dit respecter les personnes âgées. Tout comme elle dit respecter les femmes. Le dire est parfois une façon d’oublier de le faire.
Voici, cueillis ici ou là , des témoignages de personnes âgées, certaines dans la région de Châteaubriant, parfois à Nantes où des Castelbriantais sont hébergés.
Marie s’en va, avec sa fille, visiter une maison de retraite où elle souhaite rentrer. « Eh bien non, je ne veux pas rentrer là . Tout le temps de l’entretien et de la visite, la directrice s’est adressée à ma fille, pas à moi. Je ne suis pas un paquet de linge tout de même ! » dit Marie.
Ludovic est chargé, par son père, de toutes ses opérations bancaires. « Un jour je me suis aperçu que la banque, sans rien demander, m’envoyait, à moi, les relevés de banque de son père. Celui-ci n’est ni sous tutelle ni sous curatelle, il a toute sa tête, il ne lui manque que les jambes. J’ai demandé à la banque de rétablir les choses, sans oser en parler à mon père pour ne pas le vexer d’avoir ainsi été effacé ».
véronique évoque ses premières années en maison de retraite : « le personnel avait pris l’habitude de faire manger les personnes dépendantes, tout en les installant sur le »pot« . Cette pratique est contestable pour les enfants, elle est une grave atteinte à la dignité des personnes âgées ». Grâce à ses protestations la situation s’est rétablie.
André se souvient de ses visites à sa maman. « Quand j’arrivais, je la trouvais toujours prisonnière dans son lit entre les deux barres qui empêchaient qu’elle tombe la nuit. Pour la nuit, elle comprenait bien, mais, le jour, elle souhaitait se lever seule pour aller aux toilettes sans avoir besoin d’appeler ». Le personnel, prévenant, voulait seulement lui éviter de tomber dans la journée. « c’est vrai qu’il est arrivé plusieurs fois à ma mère de perdre l’équilibre, elle se laissait alors glisser sur le sol, elle ne s’est rien cassé. Elle tenait à sa liberté par dessus tout ». Heureusement le médecin attaché à l’établissement a compris ce désir et donné des ordres en conséquence.
Thérèse, militante associative, a déposé des documents d’information à l’intention des personnes âgées de la maison de retraite où se trouvait son père. Les « tracts », mis sous enveloppe, ont été bloqués par la Direction ! « Pourtant on nous disait : les personnes âgées sont ici chez elles ! Alors, n’ont-elles pas droit à une boite à lettres ? Eh bien non, il n’y en a pas. Même pour les personnes assez valides qui auraient le plaisir de descendre chercher leur journal ». Après intervention, la Direction a accepté la distribution des enveloppes. Mais il n’y a toujours pas de boite à lettres.
Frédéric, en fauteuil roulant dans une maison de retraite : « à mon âge je peux encore me déplacer seul avec mon fauteuil roulant, mais je n’ai plus la force de le manier avec dextérité. De ce fait je ne peux pas sortir car, à la porte, il y a un petit bourrelet à franchir pour arriver à une cour garnie de graviers et de nids de poule. Il me faut toujours faire appel à du personnel. Alors je ne sors plus ».
Petits détails direz-vous ? Oui, et on ne peut pas vraiment parler de maltraitance à ce sujet. Quoique .
On peut cependant parler de dérive : arriver progressivement, même sans le vouloir, à nier la personnalité des « seniors » . Il est donc nécessaire que les familles soient vigilantes et qu’elles osent parler aux délégués du « Conseil de la vie sociale » quand il existe et quand la Direction veut bien le réunir et tenir compte de ses avis.
Emmanuel : « Ici nous n’avons pas de Directrice, nous n’avons qu’un robot dépourvu de toute humanité. Bonne gestionnaire, peut-être, je ne peux en juger. Mais très mauvaise dans ses relations avec le personnel et avec les résidents. Il y a donc ici un climat de tension permanente ». Il a même parlé d’ambiance glaciale !
Il arrive parfois que le personnel se rebelle, alors même que, du fait des horaires irréguliers, toute concertation de type syndical est difficile. Rébellion de façon passive d’abord : démissions, arrêts de travail, manque d’ardeur au travail. Puis de façon plus active par courrier adressé au Conseil d’Administration : « Nous souffrons d’un roulement important du personnel. Les personnels ne communiquent plus, ils se croisent. Nous avons une charge de travail telle que les résidents deviennent des numéros auxquels nous ne pouvons accorder du temps. La maison est triste, les résidents se sentent abandonnés » écrivent-ils.
Le plus triste c’est de voir les résidents se taire, se fermer. Des hommes, des femmes, qui ont eu des responsabilités dans leur vie, qui savent analyser une situation, qui ont des idées et qui, peu à peu, ne disent plus rien. Parce que, affaiblis physiquement et isolés dans leur chambre, ils n’ont plus la force de se battre. Ils n’en pensent pas moins
Maltraitance
Maltraitance le grand mot ! On pense au refus de nourriture, au manque de soins corporels (une douche par mois !), aux coups parfois. Mais on oublie la maltraitance morale, ce déni progressif de la personnalité des résidents que l’on traite comme des gamins dénués de raison. décider à leur place, c’est refuser de reconnaître leur existence !
Est-ce la faute du personnel ? De la Direction ? Ou de tout un système : manque de temps, manque de personnel formé, manque de personnel d’animation (les journées sont longues !). Et tous les dérapages dus à la fatigue du personnel, dus aussi à certains résidents que la maladie ou la vieillesse rendent désagréables et intolérants.
La vie en collectivité n’est pas simple, surtout quand les résidents ne peuvent pas s’échapper pour « respirer » un peu à l’extérieur, surtout quand ils n’ont pas de famille avec qui échanger. La vie à domicile est souvent plus agréable car la personne est dans son milieu habituel, mais la dépendance complique tout : la famille n’est pas toujours agréable, le recours à du personnel ne se fait pas sans problème (coût, disponibilité).
Des solutions ? Pas vraiment ! Il est surtout nécessaire de faire preuve de vigilance pour ne pas en arriver à des situations intenables.
début février 2008, le secrétariat d’État à la Solidarité a mis en place un numéro d’appel national contre la maltraitance aux personnes âgées et/ou handicapées : le 3977, disponible du lundi au vendredi de 9 h à 19 h au prix d’un appel local.
Coordonnées :
– Coderpa Nantes (tél : 02 40 12 82 40)
– et Alma Nantes (tél : 02 40 710 710)