Ecrit le 2 mai 2009
Manu Halet dans la fièvre mexicaine
Manu Halet, jeune Moisdonnais étudiant à l’université de Puebla, au Mexique, livre ici ses impressions sur la « grippe porcine » encore appelée « grippe mexicaine » ou « grippe A » mais qui, pour d’autres, est une forme de peste !
La psychose
Il écrit :
Le texte qui va suivre n’est pas le testament d’un Francais enfermé dans un monde apocalyptique. d’ailleurs, je n’aurais pas grand chose à léguer à part peut-être mes BD. J’ai cependant moi-aussi entendu parler du thème préoccupant qu’est cette grippe porcine aviaire aphteuse et bubonique. Je crois qu’on dit maintenant « grippe mexicaine » en Europe. Les lobbies de la côte de porc doivent avoir bien peur, pour être aussi rapides à changer les termes.
Curieusement, on ne parle pas de « grippe Mexicaine » ici (Quel déshonneur !), mais l’info a tout de même été diffusée. Même un peu trop à mon goût. Puebla cède à la psychose. Les ombres se font furtives. Les masques qui te font suer des lèvres et du bas du nez sous ces 35° se multiplient. c’est aussi le début de la crise du taco, car les gens ont peur de la viande. La capitale, Mexico, d’après mes sources car je ne vais plus m’y aventurer, est une ville morte. Rien d’ouvert. Ni cinémas, ni bars et autres discothèques, les matchs de foot se déroulent à huis-clos, les autorités suggérent de rester cloîtré chez soi... Ca doit être particulier, ce sentiment de solitude, dans « La ville qui ne dort jamais » .
Je ne sais trop que penser. J’ai depuis quelques temps tendance à minimiser les envolées lyriques et alarmantes inhérentes aux médias mondiaux. Peuple de plus en plus aseptisé, toujours prêt à paniquer, les humains semblent se complaire dans ce monde où le lendemain n’est jamais sûr. La mémoire collective joue également un rôle primordial. On ne peut peut être pas remonter à la Grande Peste qui, entre 1347 et 1351, emporta la moitié de la population Européenne, soit 25 millions de personnes, autant qu’en Asie. Mais les souvenirs de la grippe espagnole qui suivit la Première guerre mondiale (entre 50 et 100 millions de morts), celui de la grippe asiatique (1957-58, 1.5 millions de morts) ou encore la grippe de Hong Kong (1968-1969, 1 million de morts) sont bien présents.
Tout cela pour dire que, personnellement, je ne cède pas à la panique. Je ne projette pas de rentrer prématurément en France. J’attends surtout de voir le développement de la maladie, au travers des médias du coin et de la planète ainsi qu’avec mes propres yeux. Je vous invite d’ailleurs à lire cet article du Courrier International, source Le Temps, qui donne quelques bases pour mieux connaître le virus et la situation, sur ce lien :
http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/29/savoir-gerer-les-incertitudes
Le plus embêtant dans l’histoire va vraisemblablement être lié aux différents passages de frontières. Les voyages au Mexique sont « fortement déconseillés » selon l’Europe et parfois même « interdits » , pour l’argentine et Cuba. Et mon Papa qui doit venir me voir le 6 mai. Il aurait pas pu attendre quelques semaines, Monsieur H1N1. Ca me paraît compromis, ces retrouvailles familiales. Snif.
Et l’ambassade de France au Mexique qui envoie des messages alarmants. Et l’Université de Nantes qui assure que l’on peut rentrer au plus vite, sans résultats venus de l’Université mexicaine étant donné la « gravité de la situation » . Panique générale. Justifiée ? l’avenir nous le dira. Je sais bien qu’il vaut mieux prévenir que guérir mais là , ça me paraît démesuré.
Ce que je sais cependant, c’est que le Mexique n’est pas préparé à une grande crise sanitaire. Système de santé privatisé, donc soins pour les plus humbles, les plus aptes à choper la bête, peu « soignés » , contrôles d’hygiène rares sinon inexistants, urbanisation conséquente. Il suffit de faire un tour en campagne pour voir tout type de viande seulement réfrigérée par le soleil et ses 40°, c’est à dire, dehors et sans précaution aucune. Peu rassurant, mais, encore une fois, le temps portera ses conclusions un peu plus tard. Il est trop tôt pour parler « d’épidémie » ou de « pandémie » . On en est seulement au stade de « l’endémie » .
Sur ce, prenez soin de vous, et faites attention aux vils cochons.
De l’utilité des épidémies pour dompter les hommes
Les épidémies, réelles ou annoncées, participent aux grandes peurs humaines, celles qui conduisent les hommes à se serrer les coudes, à oublier leurs querelles pour faire face au malheur.
Souvenez-vous de la grippe aviaire. C’était en 2003-2004, les autorités mondiales ont multiplié les mises en garde et les mesures de protection. On a tué des millions de volailles. Il était alors plus gravissime d’avoir un mort de grippe que des milliers de morts de faim. Et en août 2004 le virus H5N1 a sauté sur des porcs, en Chine. Alors on a tué des cochons. Au bout du compte on a recensé environ 250 morts humaines dans le monde, en raison du virus H5N1. La même année des millions de gens sont morts de faim.
Et voilà maintenant le virus H1N1correspondant à la grippe qui fait peur actuellement. Appelée grippe porcine, puis grippe mexicaine, on dit maintenant grippe A : c’est plus politiquement correct.
L’Egypte, qui a connu 23 morts de grippe aviaire en 2004, ne veut prendre aucun risque avec la grippe « mexicaine ». L’Egypte a donc commencé, dès le 29 avril, à abattre les quelque 300 000 à 350 000 porcs du pays bien qu’aucun cas n’ait été confirmé dans ce territoire. Mise à mort politique puisque ... le virus H1N1 ne se transmet pas par la viande !
Ces porcs sont élevés par la majorité chrétienne d’Egypte. Ceci explique sans doute cela ! Des éleveurs furieux ont bloqué des rues et jeté des pierres sur les véhicules des services vétérinaires venus tuer les animaux. Le ministre de l’Agriculture Amin Abaza a répondu aux demandes de compensation que les éleveurs seraient autorisés à vendre la viande de porc pour se renflouer. Ce n’est pas illogique puisqu’on sait que la fameuse grippe se transmet par la respiration et pas par la viande !
Mesure garder
qu’on prenne des précautions, c’est normal, et ce devrait être le cas en toute circonstance et pas seulement de temps en temps, mais mais ...
La grippe « ordinaire » (contagieuse) touche 2 à 7 millions de personnes chaque hiver en France. La grippe de 1968 a provoqué 18 000 décès en France....
Et la canicule de 2003 a fait 15 000 morts en France.
Il existe aussi des risques bien réels contre lesquels il est fait très peu de choses :
l’amiante tue. Selon un rapport du sénat de 2005, l’utilisation de l’amiante est responsable de 35 000 décès survenus entre 1965 et 1995 en France, et pourrait causer de 65 000 décès à 100 000 décès entre 2005 et 2025:2030.
Voici d’autres chiffres qui concernent la France, par an :
– l’alcool : 25 à 60 000 décès directs par an
– Le tabac : 60 000 décès par an
– Les maladies nosocomiales : 7 à 10 000
– L’obésité : 55 000 décès, par an
– Le cancer:150 000 décès par an
– Les accidents domestiques :12 000 par an
De plus l’hypertension artérielle (due à une sur-consommation de sel) : 8 millions de décès, par an, dans le monde. Mais en France les industries agro-alimentaires ne veulent pas réduire la proportion de sel dans les aliments. Les précautions sont priées de ne pas gêner l’industrie !
Note complémentaire du 7 mai 2009
Texte d’analyse commun Attac France - Confédération paysanne.
http://www.france.attac.org/spip.php?article9914
La grippe A : la grippe de l’agro-industrie !
Le modèle agro-industriel mis en en cause
La bataille qui s’engage sur le nom de la grippe A-H1N1 permet d’occulter, dans le déferlement médiatique, les réelles causes de l’apparition et de la propagation de ce virus. Pourtant, de plus en plus d’ONG, de chercheurs, de journalistes nord-américains et de témoignages des populations mexicaines mettent en cause le modèle agro-industriel, piloté par les multinationales et engendré par la mondialisation néolibérale.
Il n’existe aucune certitude sur l’origine précise du virus, mêlant des souches humaine, aviaire et porcine. Mais tout laisse à penser que sa transmission est fortement liée à l’agro-industrie. Cela fait des années que de nombreux scientifiques avertissent que l’industrialisation des élevages et la très forte concentration des animaux favorisent la transmission et la recombinaison virales (1) .
Une piste sérieuse concerne la plus grande multinationale de viande porcine, Smithfield Foods, qui s’est implantée, sous le nom de Granjas Carroll, dans la communauté mexicaine de la Gloria. Depuis des mois, les habitants se plaignent de maladies respiratoires et de morts étranges, qu’ils ont très rapidement liées aux conditions d’hygiène scandaleuses de la multinationale (par exemple, des charognes de porc qui pourrissent à l’air libre) (2). C’est ici que le premier cas de grippe porcine a été diagnostiqué dans le pays. Les autorités mexicaines se sont visiblement efforcées d’étouffer l’affaire. Smithfield Foods a pourtant déjà été dénoncée par les populations victimes de ses pratiques d’élevage, qui mettent en danger la santé publique. Mais, comme pour d’autres multinationales agroalimentaires, l’impuissance ou le laxisme des autorités ont permis à la loi du libre investissement de s’imposer.
Un autre foyer potentiel a pu être identifié par des chercheurs américains en Caroline du Nord, où l’agriculture porcine est la plus concentrée et la plus industrialisée du pays (3) . D’autres foyers pourront être identifiés. L’important est de bien voir les énormes risques sanitaires engendrés par une industralisation à outrance de l’élevage par quelques multinationales, cela malgré les avertissements de très nombreux chercheurs et institutions. Depuis quarante ans, on est passé de cinquante à mille porcs par ferme en moyenne aux États-Unis. Les élevages de Smithfield Foods concentrent chacun plusieurs dizaines ou centaines de milliers de porcs confinés dans d’immenses hangars, dans des mares d’excréments, avec de très importantes déjections polluantes et des antibiotiques qui multiplient les résistances. On est à dix mille lieues de l’élevage paysan et familial.
Les causes profondes : libre-échange et mainmise des multinationales
Le fait que cette grippe ait d’abord été localisée au Mexique et en Amérique du Nord n’est certainement pas un hasard. Depuis 1994 a été créée une zone de libre-échange, l’ALENA, entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, consacrant le libre marché au mépris notamment du principe de précaution. Sans possibilité de protection, l’agriculture mexicaine a été décimée par une importation massive de produits agricoles à très bas prix. Les multinationales agroalimentaires des États-Unis ont pu investir et s’implanter massivement au Mexique pour échapper aux réglementations contraignantes imposées dans leur pays. Sans oublier que le Mexique a été soumis à des programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale à partir des années 1980. Ces programmes ont notamment poussé l’agriculture à s’orienter vers les exportations, au détriment des productions vivrières et paysannes. Les conditions étaient réunies pour une dérive vers une agriculture industrialisée, polluante et sans règles environnementales, sociales et sanitaires.
La propagation de cette grippe révèle également l’échec des systèmes de prévention, notamment de l’Organisation mondiale de la santé, et des systèmes de santé publique en Amérique du Nord, privatisés, avec trop peu de moyens et incapables d’une réaction rapide et coordonnée. De plus, l’industrie pharmaceutique a tout fait pour combattre les initiatives des pays du Sud visant à produire, de façon publique et générique, des antiviraux aussi cruciaux que le Tamiflu des laboratoires Roche (4) .
Comme pour la grippe aviaire, une cause profonde se trouve du côté du libre-échange et de la mainmise des multinationales. Il est urgent que soit mise en place une évaluation indépendante de l’origine du virus, des impacts de l’industrialisation des élevages, notamment en Amérique du Nord, et du délabrement du système de santé publique. Ce ne sera pas chose facile : de même que pour la grippe aviaire, il est probable que l’industrie porcine fasse tout pour obstruer les enquêtes. A plus long terme, le modèle agricole industriel, ainsi que les accords de libre-échange et la libéralisation des marchés qui l’ont engendré, doivent être remis en cause. Les échanges mondiaux doivent devenir solidaires et coopératifs, dans le respect du droit à la souveraineté alimentaire et de celui de chaque peuple à protéger son agriculture, en particulier contre les multinationales (5). Sinon, il faut s’attendre à des catastrophes sanitaires d’une ampleur toujours plus grande.
Attac France, Confédération Paysanne, le 6 mai 2009
Ecrit le 5 août 2009
La grippette
Un vrai pavé dans la mare ! Le professeur Bernard Debré, professeur de médecine et député UMP, a vivement critiqué le traitement médiatique de la « grippe A (H1N1) » qualifiant même celle-ci de « grippette » sans gravité.
La maladie, qui touche essentiellement « des jeunes adultes en bonne santé », se transmet par voie respiratoire, d’homme à homme. Elle a fait 816 morts dans le monde depuis mars 2009. A ce rythme cela pourrait faire 2500 morts en une année. Les symptômes (fièvre, maux de tête, courbatures) sont similaires à ceux de la grippe saisonnière, qui tue chaque année dans le monde entre 250.000 et 500.000 personnes soit 100 à 200 fois plus que la grippe A. Et, chaque hiver, on n’en fait pas tout un foin !
Faire peur
« Il y a 800 cas répertoriés en France. C’est une plaisanterie ! Va-t-on se mettre à comptabiliser les diarrhées ? », ironise Bernard Debré en ajoutant :
« On aurait dû annoncer clairement la couleur : nous sommes dans le cadre d’un exercice grandeur nature. Point à la ligne. Il est inutile d’affoler les populations sauf à vouloir leur marteler, à des fins politiques, le message suivant : bonnes gens dormez sans crainte, nous veillons sur vous »
Il dit encore : « Bien sûr, ce virus peut muter et devenir virulent. Pour l’instant ce n’est pas l’avis exprimé par la majorité des virologues... Admettons que le pire se produise. Est-on certain que les vaccins commandés seront efficaces ? Non », tranche M. Debré, qui qualifie d’erreur économique la commande française ferme de 100 millions de vaccins.
« Il fallait laisser les laboratoires développer leurs produits et ensuite acheter en fonction de nos besoins », explique-t-il. « Ce qui me paraît plus grave, conclut le médecin, c’est que l’on a réquisitionné des lits d’hôpital et des ambulances pour rien, faisant perdre des chances et du temps à d’autres malades. »