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Écrit le 22 mai 2002
Je sais qu’ils passeront
Comme le vent sur la plaine
Comme un flocon d’écume
Au bord du gouffre amer
Et qu’ils s’évanouiront
Quand cessera la haine
Et qu’étant la tempête
Ils sont moins que la mer.
Car ils sont les nochers
Et pas un d’eux ne sonde
La sombre intensité de la vie et du cœur
(Victor Hugo)
Radio éphémère (FMR)
Dans le cadre de ses nombreuses activités d’animation, l’association Rencontres a su libérer la parole et créer, au collège de la Ville aux Roses, avec l’aide des Francas, une radio éphémère : F.M.R...
Quicétyquicaus’radanslaTSF ?
Eh bien, des jeunes et des moins jeunes.
Des jeunes ... du collège Ville aux Roses, du collège Robert Schuman, du Lycée professionnel, du collège St Joseph, de l’école primaire Claude Monet et de celle des Terrasses.
Des moins jeunes ... de l’ORPAC (office des retraités), du CIFOR, et du CRFA, de la Caisse d’allocations familiales
Il y aura des flash-infos avec le BAVAR (club
presse du collège VAR ... c’est-Ã -dire Ville Aux Roses), infos régionales et culturelles, revue de presse, festivals du coin, reportages sur la Camac (fabrique de harpe), sur l’atelier de vannerie de Lusanger, etc.
Des jeunes viendront parler de leurs passions, raconter ce qui se fait dans leur école, lire des textes, présenter des peintres .... Des « tranches de vie » permettront de parler du sport, de la danse, des îles Fidji, de la Mongolie ... et de l’anglais
Il y aura des plages musicales avec Sagarnaga, Paytabod, Ganja’s. Musique jazz, swing manouche, chanson française
Il y aura des histoires grinçantes, et des écrivains « coup de cœur », des émissions en public avec des conteurs (Lolo, conteur castelbriantais ; Alberto conteur africain, et le Fâilli Gueurzillon)
Le programme est très chargé et couvre la plage horaire de 10h55 à 22 heures. Le collège de la Ville aux Roses sera ouvert à tous, pour la circonstance, du mardi 21 mai au samedi soir 25 mai
Deux soirées plus particulières sont programmées :
Jeudi 23 mai 20h15 : Nomad’s land avec la Famille Diab
Samedi 25 mai 20h15 : débat sur la violence et l’insécurité
{{}}Nomad’s land
Nomad’s land est un spectacle musical et théâtral agréé par l’Education Nationale qui propose une approche de la vie des Gens du Voyage et de leur artisanat, avec un fort message de tolérance.
La famille Diab respecte les traditions ancestrales : vie naturelle rythmée au pas du cheval, sans électricité ni eau courante — vie de famille avec fabrication du pain au levain et cuisine au feu de bois — responsabilités de chacun pour les soins à donner aux animaux — exercice des métiers d’artisanat transmis par les aïeux : rempaillage, vannerie, rémoulage.
La partie théâtrale, sous la forme d’une histoire, est accompagnée de jazz manouche avec accordéon, guitare et saxophone bambou de « fabrication maison » (Contact : 06 19 33 28 81)
Le cercle de la Haine
La soirée du samedi 25 mai sera animée par « La Brigade » un groupe de rap militant bien connu des jeunes, qui, en première partie, présentera le film « Le Cercle de la Haine » : c’est une fiction malheureusement inspirée de la réalité, qui retrace le parcours de Kody, Speeddy et Cheick, trois jeunes de quartiers dits « sensibles » qui usent de la violence comme principal mode d’expression, convaincus que c’est le seul moyen d’arracher le respect dans une société qui les a définitivement exclus. Seulement, à force de vouloir être maîtres de cette violence sur leur territoire, ils sont pris dans l’engrenage et finissent par en devenir esclaves, au point que celle-ci se retourne finalement contre eux.
C’est sur ce fond de drame, d’humour, de rires et de larmes qu’évoluent les trois personnages principaux à l’intérieur du « Cercle de la Haine ».
Ce film a pour objectif d’interpeller une jeunesse obsédée et manipulée par différentes formes de violences, dont l’aliénation ; des jeunes coincés entre le rejet de la société contemporaine, la peur d’un avenir incertain et l’ignorance du passé qui alimentent, malgré eux, une logique d’autodestruction. En dépit des apparences, « le Cercle de la Haine » apporte l’espoir et veut insister sur le fait que, contrairement à la rumeur, « la vérité (la solution) n’est pas ailleurs, elle est enfouie en chacun de nous »
Violence et insécurité
Le film sera l’occasion d’un débat sur la violence et l’insécurité, thème d’actualité à l’heure où tous les projecteurs sont braqués sur « l’insécurité » qui règne dans le pays. Il semble d’ailleurs utile de se demander qui est le plus violent : les jeunes ? ou la Société qui les enferme ? Chaque société hérite de la jeunesse qu’elle mérite.
« Dans » le cercle de la haine « chaque composition, chaque interlude sonne comme une alerte, un avertissement avant l’explosion sociale. Car il est grand temps que chacun assume la part de responsabilité qui lui revient » disent les auteurs du film, qui seront aussi les animateurs du débat.
Contact : Rencontres : 02 40 81 16 50
La radio FMR, du 21 au 25 mai 2002, organisée par « Rencontres » et beaucoup d’autres associations, s’est révélée comme un grand succès. Après un démarrage difficile dû au retard d’une technicienne venant du Mans, tout a marché comme sur des roulettes.
Beaucoup d’élèves se sont relayés au micro, qui pour parler des pompiers, qui pour donner une recette de soufflé au chocolat, qui pour parler du peintre Braque, qui pour faire une revue de presse. Choix des textes, informations courtes et percutantes, une grande motivation à la fois pour l’écrit et pour la parole. D’autres élèves ont lu des textes comme « Antigone » de Jean Anouilh, ou raconté des « histoires grinçantes ». Bravo à tous.
Des adultes ont apporté leur concours, professeurs, membres de diverses associations ou simples citoyens, pour parler de la Bolivie, du Portugal, des premiers rapports sexuels, de Harry Potter, de la chorale intergénérationnelle du collège Schuman. Des micro-trottoirs ont interrogés petits et grands sur la triche à l’école, la pilule contraceptive ou l’Europe. Des agents de service ont expliqué leur travail de ménage au collège, etc. Sujets très variés se succédant à bonne allure.
Les temps de parole étaient rythmés par des temps de musique, une musique très variée, allant du classique hyper-classique, au rap ou au ska, mélangeant les cultures et les pays. Une réussite vraiment et de nombreux auditeurs ont été séduits. C’est peut-être pour cela que le CCAS s’est décidé, jeudi soir 23 mai, à accorder enfin une subvention à cette initiative qui a su fédérer tant d’énergies. Le Directeur du Collège de la Ville aux Roses a su ouvrir les portes de son établissement sans que pour autant les cours ou la sécurité aient été perturbés. Merci à lui.
Venus de l’Inde
L’une des soirées, qui a attiré un nombreux public, a permis la rencontre avec la famille DIAB, un groupe familial manouche (prononcez man-ouche). Le père Jean-Jacques, la mère Claudette, deux filles Zaïdi et Joy, deux garçons Cliff et Teddy, qui sillonnent la France en roulotte à cheval. « Le Manouche, c’est le voyageur français, les gitans andalous et catalans viennent d’Espagne. D’après les ethnologues tous les peuples voyageurs seraient venus de l’Inde par divers parcours, les uns par le sud, d’autres comme nous, par l’Europe centrale. Cela me fait rire quand j’entends parler de construire l’Europe. Les premiers européens, c’est nous ». dit Jean Jacques DIAB
Ces parcours différents expliquent les traditions différentes de ces « gens du voyage » et la diversité des religions : catholiques, protestants, musulmans, évangélistes. « Nous voyageons beaucoup, l’accueil est parfois chaleureux comme à Redon, plus froid comme à Châteaubriant un jour de marché l’hiver dernier » - « Nous, ce qui nous intéresse, c’est de rencontrer des gens. Les terrains qui nous sont réservés sont souvent hors des villes, une façon de nous rejeter. Dans la mentalité populaire nous sommes encore des voleurs de poules. C’est vrai qu’il y a des voleurs chez nous mais comme dans toutes les communautés, pas plus, pas moins ».
La classe au camp
Les gens du voyage vivent des activités traditionnelles : « Nous sommes des chineurs. Nous faisons des paniers, nous rempaillons les chaises et ramassons la ferraille. Et toujours sans patron sur le dos. Malheureusement il est de plus en plus difficile de vivre de ces métiers ». La famille DIAB a alors monté un spectacle pédagogique, agréé par l’Education Nationale, pour montrer aux enfants des écoles une autre vie que la leur. « Nous n’allons pas dans l’école, nous faisons venir la classe au camp, pour montrer nos installations, montrer comment on vit sans électricité, comment on fait toute la cuisine sur un vrai feu, comment on soigne les chevaux ». Un bon nombre de Gens du Voyage ont adopté les voitures et les caravanes et se branchent sur l’électricité. La famille DIAB en est restée aux traditions de ses ancêtres.
Ce sont par ailleurs d’excellents musiciens. Le plus jeune, Teddy, a commencé la guitare à 9 ans, sans fréquenter d’école de musique. « J’ai appris comme ça, d’oreille » dit-il avec un plaisir communicatif. Au bout de deux ans, il faut l’entendre jouer en solo « Les Yeux Noirs » ou d’autres morceaux de Django Reinhardt ! Une présence incontestable, une joie de jouer. L’aînée des soeurs, Zaïdi, joue du violon « à la Grapelli », conte et chante à l’occasion. La mère chante aussi. Les deux autres enfants Joy et Cliff jouent de la guitare rythmique, ce moyen inventé par Django Reinhardt pour remplacer la batterie. Le père joue du « saxo magique » qu’il a fabriqué patiemment avec des bambous de différentes grosseurs et qui donne un son chaud, une sonorité assez ancienne, éloignée du son métallique.
« La musique fait partie de l’univers du voyageur. Nous avons toujours envie de jouer et quand nous trouvons une atmosphère chaleureuse, nous ne comptons pas notre temps. Notre musique c’est le jazz manouche, le jazz français, mais nous pouvons très bien improviser avec d’autres groupes de musique le temps d’une rencontre. Nos accords sont un peu sauvages mais nous les partageons »
Et marche, et fuis
Et pars et suis
Suis-la ta route
Qui sans aucun doute
Te mènera loin
Ces Manouches ont un message à délivrer, celui de la tolérance, celui du respect de la différence.
Pas un message de rêve, mais un message pour réfléchir.
Un message d’espoir et d’amitié dans ces temps de montée d’un certain rejet de l’autre, simplement parce qu’il est autre.