désobéissance civile et Résistance
C’est en 1849 qu’apparaît la notion de « désobéissance Civile » avec Henry David Thoreau qui publie un essai sur le sujet. Cette prise de conscience fait suite à son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. La conviction que tout être humain a le droit voir même le devoir, d’obéir à sa conscience plutôt qu’Ã l’autorité politique, en cas de conflit entre les deux, est ancienne. Dans l’Antiquité, le mythe d’Antigone y faisait déjà référence. La désobéissance civile jalonne l’histoire de l’humanité.
Rappelons-nous :
Aux Etats-Unis, la lutte idéologique oppose le Nord au Sud, sur la ségrégation raciale ; les désobéissants civils nommés « Freedom Riders » violent les règles de circulation mises en place, pour affirmer leur désaccord avec la politique raciale en vigueur.
Pendant la guerre du Vietnam, des personnes décident d’occuper les locaux diplomatiques américains pour alerter l’opinion sur leur opposition à la politique du gouvernement. Les opposants au régime franquiste d’Espagne appliqueront les mêmes actes de désobéissance civile pour dénoncer leur gouvernement.
Afrique du Sud : Dès 1913, des lois Apartheid voient le jour ...elles vont se durcir en 1948 avec le gouvernement Afrikaner....Des émeutes très violentes éclatent en 1976 ...
La résistance et la revendication des Noirs en Afrique du Sud avaient pour objectif la reconnaissance de leur citoyenneté. Après de dures années de résistance, (une vingtaine d’années), il faudra attendre 1994, pour que les Africains du Sud puissent obtenir des élections multiraciales.
Le 5 Avril 1971, Le Nouvel Observateur publie une liste de noms de 343 femmes célèbres et moins célèbres ayant subi l’I.V.G. Ce Manifeste, appelé aussi « Manifeste des 343 Salopes », va révolutionner les opinions de l’époque sur la liberté de la Femme à disposer de son corps. En 1975, la loi qui légalise l’avortement sera votée.
En août 1973, diverses actions de désobéissance civile sont mises en œuvre dans la lutte du Larzac opposant les agriculteurs à l’armée. Les paysans construisent des bergeries sans permis de construire ; ils renvoient leurs papiers militaires ; Ces actions vont contribuer ainsi au renforcement de leur position sur place et dans l’opinion publique. 60 000 personnes se déplaceront au Larzac pour soutenir leur mouvement.
En 1980, des citoyens et élus du Finistère décident de perturber la circulation des trains en s’asseyant sur les voies ferrées. Ils demandent une révision de la politique de desserte ferroviaire des petites localités.
Le 11 février 1997, à Paris, une centaine d’artistes lance une campagne de désobéissance civile pour s’opposer au projet de loi Debré sur l’immigration visant à obliger tout citoyen à signaler aux autorités un étranger qui vivrait sous son toit. Des milliers de personnes vont suivre le mouvement. Les Sans Papiers occupent l’Eglise St Bernard à Paris. Ce mouvement prend une telle ampleur que le gouvernement Juppé doit faire marche arrière.
Plus récemment, les procès médiatisés de José Bové pour destruction d’un magasin de fast-food ou saccage de plants transgéniques ont suscité de vastes élans de solidarité et une amorce de débat sur la légitimité de ce type de pratique. Le gouvernement autorise des essais de cultures O.G.M. à l’air libre, malgré le positionnement contraire et immédiat de certains conseillers régionaux après leurs élections démocratiques en mars 2004 et malgré les campagnes organisées par différentes associations environnementales « Pas d’OGM dans ma commune » signées par de nombreux maires en France.
La désobéissance civile apparaît lorsque tous les moyens légaux de recours en droit ont été épuisés, qu’on ne perçoit aucun effet sur les décisions prises par les autorités. La désobéissance civile peut être perçue comme un danger pour la démocratie ; elle représente pourtant, l’ultime sursaut de la conscience civique. Car, en effet, il s’agit bien d’un acte de civisme, d’une volonté à œuvrer pour l’intérêt général : c’est un acte de citoyens s’adressant à d’autres citoyens. Elle en appelle à l’opinion publique, pour alerter celle-ci sur des problèmes concernant les droits du peuple.
La désobéissance et l’action hors-la-loi ne sont pas un but, dans « la désobéissance civile ». Elles sont le moyen nécessaire à la reconnaissance d’un litige, d’un désaccord démontré ainsi à l’opinion publique (lorsque les voies légales n’ont rien donné) .
La désobéissance civile pourrait être considérée comme une garantie des libertés publiques. Elle n’est toutefois pas explicitement affirmée dans les lois françaises. Seul, l’article 2 de la déclaration de l’Homme et du Citoyen dit :
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Il faut se demander ici quels sont les liens entre la résistance à l’oppression et la déso-béissance civile ? La résistance à l’oppression va très loin ; le texte ci-dessus, en fait un droit, un devoir « sacré ».... pas seulement un moyen d’action (comme la désobéissance civile) mais une garantie pour affirmer sa citoyenneté...
On sait que la démocratie est une notion sur laquelle une vigilance constante est recommandée....aucun régime n’est à 100% démocratique ; on sait que certaines décisions prises par nos élus peuvent résulter de jeux d’influence qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général : corruption, lobbies surpuissants, décisions technocratiques. Ces failles de la démocratie nous rappellent notre rôle à tous dans la citoyenneté. Lorsque des décisions aux effets graves voir irréversibles sont prises par nos gouvernants, n’avons-nous pas une responsabilité de citoyens dans le laisser faire ? L’oppression dans nos sociétés démocratiques ne vient pas du régime politique mais du système financier libéral.
La désobéissance civile serait-elle un outil contre « la dictature de la majorité financière » qui sévit en démocratie ?
Marie Pierre Monnier
Citations et Conscience Citoyenne
« Renoncer à la désobéissance civile, c’est mettre la conscience en prison »
Ghandi
« Nous agissions au mépris de la loi, nous le savions, mais nous n’en étions pas responsables : il nous fallait choisir entre obéir à la loi ou obéir à notre conscience. »
Nelson Mandela (L’Apartheid,1986)
« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
Martin Luther King
« Le monde a assez pour les besoins de chacun mais pas pour le désir de posséder de chacun »
Ghandi
« sois le changement que tu veux voir dans le monde »
Ghandi
« Quand la pensée devient unique, il est urgent de multiplier les formes d’expression »
Gilles Lestrade
« Lorsque nous reconstruisons les maisons des Palestiniens [détruites par les Israéliens] nous faisons une action de déso béissance civile car c’est interdit. Et cela reste politique, ce n’est pas humanitaire ! ».
déclaration de Jeff Halper qui dirige The Israeli Commitee against House Demolitions (ICAHD), comité israélien contre la démolition des maisons
Ecrit le 11 mai 2005 :
Place des résistances
300 personnes se sont retrouvées sur le site de Gruellau à Treffieux, du 27 avril au 1er mai. Venus d’un peu partout en France (pas facile pour un Parisien de rejoindre la campagne !) ces visiteurs étaient de tous les horizons, du RMIste à l’enseignant en passant par le maçon de chantier et le technicien SNCF. « Boulevard des barricades », « Impasse du capital », « Place du bien commun » : un petit air de Mai 68 parfumé à l’écologie. Tri des déchets, toilettes sèches. Des chiens, des enfants, des chants d’oiseaux, du soleil, de la nourriture bio, des AG et des forums, des ateliers spontanés. Musique, veillées, cinéma sous chapiteau. Fête et contestation.
Ecrit le 1er juin 2005 :
délinquance ou résistance ?
Le 13 avril et le 14 avril 2005 comparaissaient respectivement à Orléans et à Toulouse les faucheurs volontaires de plants transgéniques. A la conclusion de ces deux procès, on se rend compte du refus politique de reconnaître la nature collective des actions : 222 comparants volontaires ont été refusés comme accusés. En sélectionnant les prévenus, le Parquet fait pression sur les magistrats pour nier le caractère de désobéissance civique de ce collectif. Pourtant, sept éléments caractérisent la désobéissance civique qu’on ne peut confondre avec un acte de délinquance.
1) L’infraction doit être consciente et intentionnelle : la création d’un collectif de faucheurs volontaires parle d’elle-même.
2) L’infraction doit être publique : Les actes se font à la vue et au su de tous. 100 à 200 personnes ont mené samedi 14 mai, à Valdivienne (Vienne), une opération, sous le regard de quelques gendarmes, qui ne sont pas intervenus. Environ 150 semeurs volontaires menés par le syndicaliste paysan José Bové, ont ensemencé avec des semences non-OGM deux champs destinés à l’expérimentation des OGM. Ces champs appartiennent à un exploitant agricole qui travaille avec le géant américain de l’agrochimie Monsanto.
3) L’infraction doit être issue d’un mouvement à vocation collective : les actions des faucheurs tentent de rappeler (entre autres choses) que la biodiversité est mise en danger par les essais à l’air libre, la contamination par le pollen ne pouvant être maîtrisée ( tout comme le nuage de Tchernobyl) ;
4) L’action doit être pacifique : En ar-rachant des plants transgéniques ou en semant des graines, les faucheurs semeurs n’atteignent en rien la vie d’autrui. (au contraire !)
5) L’action doit avoir un but : la modification de la loi relative à l’objet de discorde. Dans le cas présent, une réglementation garantissant notre santé serait plus que souhaitable :
faire des essais à l’air libre en sachant que la contamination peut s’avérer très préjudiciable, n’est pas très responsable en terme de santé publique et de protection de notre environnement.
6) Assumer le risque des sanctions : en se présentant à la justice, les 222 comparants volontaires assument complètement leurs actes et la sanction qui leur correspond.
7) L’action doit être mise en œuvre pour défendre des principes dits « supérieurs » (touchant à la vie, à la santé ou à la liberté des citoyens).
En examinant ces différents points, on s’aperçoit du cas flagrant de désobéissance civique que revendiquent haut et fort les faucheurs volontaires. En reniant ce statut, l’Etat ou le Parquet refusent ainsi tout débat public, toute remise en cause du développement des cultures OGM, et toute expression démocratique. Pourtant 70% des Français refusent les OGM, 16 régions (sur 22 , largement plus de la moitié) et 1500 communes de France ont déjà signé des arrêtés contre les cultures de plants transgéniques sur leur territoire. Les risques sur la santé et l’environnement que les OGM inspirent de façon massive ne changent en rien la politique du gouvernement qui continue à autoriser ces essais à l’air libre et qui reste sourd à tous débats ou prise de position démocratique.
Voilà ce qu’on peut trouver sur le site interministériel consacré aux OGM (ogm.gouv.fr) :
Quels sont les risques que présentent les OGM pour l’environnement ou la santé ?
Parmi les risques que sont susceptibles de présenter les OGM, figurent notamment des risques pour la santé humaine par toxicité ou allergénicité et des risques pour l’environnement comme la déstabilisation de certains écosystèmes.
Aussi, pour chaque OGM nouveau, convient-il de vérifier qu’il ne présente ni risque pour la santé, ni impact négatif sur l’environnement. En particulier, il faut être certain que la dissémination dans l’environnement des nouveaux gènes introduits n’est pas susceptible de provoquer de nuisance. A titre d’exemple, pour les OGM tolérants à un herbicide, il convient de s’assurer de la non-dissémination du gène de tolérance à l’herbicide considéré qui serait susceptible de rendre inefficace le désherbant.
Quant à l’intervention sur le génome humain, elle reste interdite. De nouveaux programmes permettant de mieux appréhender les risques potentiels liés aux cultures GM doivent être développés.
Ainsi c’est clair, à l’heure actuelle, nous n’avons aucune garantie en termes de santé publique et de protection de l’environnement, alors pourquoi refuser l’opposition aux O.G.M qui apparaît légitime.
Si José Bové avait détruit, il y a dix ans des stocks de farines animales, aurait-il été délinquant ou défenseur de la santé publique ?
Marie Pierre Monnier
Lundi de la Pentecôte : une forme de désobéissance civile