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Ecrit le 28 mars 2001 :
juste après les élections municipales
Chasse aux sorcières
Dimanche 11 mars 2001, l’équipe de Martine Buron est battue aux élections. Lundi 12 mars, Martine Buron reçoit le futur maire, Alain Hunault, pour envisager la passation de pouvoirs qui doit se faire à la fin de la semaine. La première question du nouveau maire : « je demande la liste des personnels de cette mairie, et leurs salaires ». Ca commençait mal !
Lundi 19 mars au matin, le nouveau maire, entouré de 6 ou 7 adjoints, prend possession de la mairie après n’avoir salué que quelques salariés au passage. Neuf chaises sont installées dans le bureau du maire. Les chefs de service sont convoqués un à un devant ce qu’on pourrait appeler un « tribunal ». Les lignes téléphoniques directes sont quasiment toutes supprimées. C’est le secrétaire de mairie de Soudan qui vient faire fonction ... d’on ne sait trop quoi.
Chose étonnante : un certain nombre d’élus de la liste Hunault, et non des moindres, ne sont pas au courant de ce qui se trame. Bonjour le travail d’équipe.
Lundi 19 mars au matin, M. Dorison, directeur général des services de la ville est prié de rester chez lui.
Lundi 19 mars au matin, le chargé de mission aux affaires économiques est prié de donner sa démission, il refuse.
Claustrophobie
Lundi 19 mars au matin, deux employées municipales sont particulièrement visées, sans que l’on comprenne pourquoi. La première, sans doute en raison de sa proximité géographique du bureau de l’ancienne maire, la seconde en raison de son appartenance, connue, à l’Amicale laïque.
Le nouveau maire, donc, s’adresse à la première de ces deux employées municipales : « Madame, je vais vous montrer votre bureau » et il lui demande de rester dans une petite salle de réunion, sans rien avoir à faire, en attendant qu’il soit statué sur son sort. La personne, qui s’ennuie, ouvre la porte, au moins pour voir du monde. Le maire passe par là , et ferme la porte. L’employée rouvre la porte peu après, ne désirant pas rester isolée, coupée de ses collègues.
Le maire qui passe, d’un ton très sec : « Madame, je vous prie de laisser cette porte fermée » - « Non, je souffre de claustrophobie, répond l’employée, et puis je vous prie de me parler sur un autre ton, je ne suis ni votre chien, ni votre valet, je suis une salariée et une citoyenne comme les autres ».
L’employée fut mise dans un bureau des Services Techniques, où il y avait déjà quelqu’un, devant une toute petite table encombrée de boites-archives, face au mur, avec même pas un crayon pour écrire. Face au mur ... ce qui veut dire au moins incorrection flagrante vis-Ã -vis des personnes qui rentrent dans le bureau, ce qui est contraire à toutes les règles de savoir-vivre que chacun connaît. Elle a passé l’après-midi à ranger des boites ...
Mutation forcée
Lundi 19 mars 2001 au matin, une autre employée, du service Finances, est convoquée au bureau du nouveau maire. « Suivez-moi ». Elle est « installée » d’office dans une petite pièce sans fenêtre, qui sert de rangement d’archives. « Faites-moi la liste de tout ce qu’il y a dans ces boites ». Les boites-archives sont marquées pourtant ....
Vers midi, cette personne passe devant le « tribunal » qui cette fois comprend un ou deux membres du personnel. Bonjour la délation !
On lui annonce qu’elle sera désormais affectée à un autre poste qui ne correspond absolument pas à sa qualification mais qui a l’avantage de l’isoler du reste du personnel. Il s’agit bien d’une mutation contre son gré. C’est la mise au placard en quelque sorte. Bravo pour la méthode !
Un certain nombre d’élus de la liste Alain Hunault, quand ils l’apprennent par la rumeur publique, ne sont pas très contents !
Sur diverses interventions, notamment de Jean-Claude Orrière auprès de Jean Seroux et Jacqueline Bombray (qui manifestement ne sont pas au courant), la personne est réintégrée à son poste en mairie le lendemain matin. Mais la pression psychique a été trop forte pour elle : elle fait un malaise l’après-midi et les pompiers doivent intervenir vers 16h30. Elle est sortie de la mairie sur une civière et doit être hospitalisée. La chose n’est pas passée inaperçue sur la place de la mairie, ni aux urgences à l’hôpital.
Sur ses gardes
Lundi 19 mars 2001 au matin, quelques chefs de service protestent contre la « chasse aux sorcières », engagée par les nouveaux élus, et que rien ne motive. Ils sont convoqués au bureau du maire : « Mêlez-vous de ce qui vous regarde, nous vous avons à l’Å“il »
Dans la mairie, c’est la consternation, mais pas la panique. Il est regrettable que les salariés de la mairie n’aient pas débrayé en bloc. Leur action aurait eu du poids ! « On nous avait prévenus, on ne pensait pas que cela serait possible ». Des salariés protestent cependant auprès de leur chef de service. L’un d’eux, et non des moindres, répond « Que voulez-vous, c’est la mise au placard, ou faire le dos rond. J’ai choisi de faire le dos rond ». Quel aveu ! Bonjour le courage !
Plus personne ne travaille, les salariés ne parlent plus que de cela. Sauf au moment de l’après-midi où les nouveaux adjoints viennent faire le tour des bureaux, sans d’ailleurs se présenter, ce qui, là encore, est incorrect.
Lundi 19 mars, au soir, des salariés qui ont diverses réunions se demandent s’ils ont bien le droit d’y aller. Bonjour la liberté de pensée !
Lundi 19 mars au soir, la CGT se réunit et décide de contacter un avocat dès le lendemain matin, et de provoquer une réunion syndicale pour le personnel.
Virage à 180°
Mercredi 21 mars, jeudi 22 mars 2001, les nouveaux élus comprennent qu’ils sont allés trop loin, qu’ils ont montré leur vrai visage de façon brutale. Ils effectuent tout-Ã -coup un virage à 180° et se montrent aimables. Mais le mal est fait, le personnel est désormais sur ses gardes et il a compris qu’il avait le droit et le pouvoir de ne pas se laisser écraser.
Rappelons aussi qu’il y a 12 ans, AUCUNE mesure de rétorsion n’a été prise contre les partisans farouches de l’ancien maire : ni le secrétaire général, ni le directeur des services techniques, ni les salariés qui avaient pris une part active à la campagne électorale en collant des affiches, en envoyant un seau de colle à la figure de Martine Buron, en poursuivant ses partisans. (Certains de ceux-là ont même bénéficié d’une promotion dans les 12 ans qui ont suivi).
« Nous aurons une gestion sereine et non partisane » avait dit Jean Seroux. Les choses ont mal commencé .
Faut pas que ça se sache !
Les pompiers ont par habitude d’informer la presse locale de leurs faits et gestes. Les gens téléphonent d’ailleurs souvent dans les rédactions pour savoir à quoi correspondait la sortie pour laquelle ils avaient entendu le « pin-pon » traditionnel. Sinon ils disent facilement « on nous cache quelque chose »
Mais les pompiers ne disent pas tout . Comme par hasard, ils ont « oublié » de signaler qu’ils sont intervenus dans l’après-midi du mardi 20 mars 2001 à 16h30 en mairie pour transporter d’urgence l’employée municipale victime d’un malaise, (Ã la suite du « tribunal » devant lequel elle a été traînée)
Il y a des « oublis » étonnants comme ça. Il y en a eu d’autres dans le passé, comme cette fois où un élève a été accidenté dans un lycée-collège « bien » de la ville
Politique et personnel
Il faut bien préciser les choses :
La liste nouvellement élue est issue du suffrage universel. Elle a le droit d’appliquer son programme, même si celui-ci ne convient pas à tout le monde. C’est la règle de la démocratie.
En revanche, elle n’a pas le droit de prendre des mesures de vengeance et de rétorsion vis-Ã -vis de membres du personnel municipal qui n’ont aucunement participé à la campagne électorale, qui ont fait leur travail municipal et rien d’autre.
La liste nouvellement élue n’a pas le droit d’exercer des pressions morales, qu’elles soient violentes ou plus subtiles.
Après les grosses erreurs de ce lundi 19 mars, qui ont conduit à l’hospitalisation d’urgence d’une employée, les choses ont paru se calmer. Il est possible cependant craindre qu’elles se poursuivent de manière plus insidieuse. Rappelons que le harcèlement moral est puni par la loi. Les salariés auraient tout intérêt à se syndiquer à un syndicat dynamique et à dresser, sur un petit carnet, la liste des pressions et vexations qu’ils risquent de subir dans l’avenir.
Lettre au président de la République
Lettre envoyée par courrier électronique au Premier Ministre Lionel Jospin, au président de la République Jacques Chirac, et à la Ligue des Droits de l’homme :
SOS - Pouvez-vous faire quelque chose ?. La mairie de Châteaubriant, est passée entre les mains de Alain Hunault (frère du député RPR Michel Hunault). Le nouveau maire se livre à une vraie chasse aux sorcières parmi le personnel communal, s’attaquant à des personnels qui n’ont aucunement participé à la campagne électorale. Est-ce que vous pouvez faire quelque chose, est-ce que vous pouvez rappeler à ce maire qu’il doit respecter les droits de la personne humaine et ne pas se livrer à des intimidations et humiliations. Une employée municipale, victime d’une mutation brutale, arbitraire et humiliante, a fait un malaise et a dû être amenée à l’hôpital par les pompiers.
Le personnel n’a pas à subir la vengeance et la revanche du nouveau maire. (ndlr : pas de réponse, sinon que le gouvernement n’a pas à intervenir dans les affaires des communes).