Ecrit le 18 septembre 2013
Loi Duflot
La France est confrontée à une fracture résidentielle d’une telle ampleur qu’elle constitue une bombe à retardement. Les inégalités de statuts, de revenus, les discriminations liées à l’origine ou à l’âge sont autant de facteurs qui déterminent le parcours résidentiel de chacun : c’est une réalité ancienne. Mais dans un contexte de crise économique majeure, la violence de cette fracture est telle que beaucoup ont la sensation que le progrès social en berne se double pour eux d’une assignation à résidence.
Le premier levier d’action est bien évidemment celui de la construction. En janvier dernier, le Parlement a voté un texte favorisant la cession des terrains de l’État aux collectivités et aux bailleurs pour y construire du logement, et en particulier du logement social et du logement accessible. Mais en attendant que ces logements soient construits, il faut pouvoir accéder au parc existant, s’y maintenir, changer de logement lorsque les conditions de vie évoluent. c’est le sens et la fonction du projet de loi ALUR (Accès au Logement et Urbanisme Rénové) présenté le 10 septembre par la ministre cécile Duflot. Il veut « enrayer la mécanique de l’exclusion et améliorer l’accès au logement ainsi que la prise en charge des plus démunis ».
Une garantie universelle du loyer
Deux caractéristiques se dégagent de ce projet : la protection et la prévention, la médiation et la réparation.
La protection et la prévention, c’est l’encadrement et la transparence sur le montant des loyers, la prévention des expulsions et l’efficacité dans le traitement des copropriétés dégradées.
La médiation et la réparation concernent à la fois les bailleurs, les locataires et les copropriétaires. A compter de 2016, une fois le projet de loi voté, une garantie universelle du logement, permettra à des millions de locataires de se passer d’une « caution solidaire » qu’ils étaient jusque-là contraints de demander à leur famille ou à leurs proches. c’est une véritable avancée pour l’autonomie des individus et l’égalité des chances face au logement. En échange, les bailleurs verront le paiement de leurs loyers garanti. Cette sécurité sociale du logement les rassurera face aux risques de défaillance de leurs locataires, apportant ainsi un peu de paix dans les rapports locatifs et permettant d’éviter au maximum le drame des expulsions locatives
Le projet de loi veut lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, mais aussi permettre l’habitat participatif, favorisant les nombreuses expérimentations citoyennes et les nouveaux modes d’habitat, (habitat participatif) soucieux d’un renouveau du vivre ensemble dans le respect de valeurs partagées telle que la mixité, le partage, la défense de l’environnement et de la biodiversité.
Il pose aussi les jalons pour prévenir et préparer l’avenir en tenant compte des enjeux autour de la maîtrise du foncier, de la lutte contre l’étalement urbain et pour la préservation des espaces naturels et agricoles. Le député Philippe Bies cite Roland Castro, en disant : « L’indispensable densification de nos villes invite à concevoir des formes d’habitat qui répondent aux modes de vie contemporains en conciliant les avantages de l’habitat collectif et de la maison individuelle, la proximité des services, des réseaux de transports, et la qualité des espaces extérieurs »
Enfin, le dernier titre de ce projet de loi porte sur la modernisation des instruments de planification et d’urbanisme. Le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) (1) sera demain plus que jamais le document garant de la cohérence des politiques publiques sur un territoire. Les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales devront s’y conformer. La compétence d’urbanisme passera vers l’intercommunalité, important bouleversement !
Le projet de loi concrétise également l’engagement du gouvernement en faveur des personnes sans domicile, en renforçant les outils de régulation et de gouvernance qui régissent le secteur de l’hébergement, en améliorant les conditions de mise en œuvre du droit au logement opposable, et en renforçant les dispositifs de prévention des expulsions.
Soutien
Europe-Ecologie-Les-Verts, dans un communiqué, approuve ce projet de loi en travaillant à l’améliorer encore, par exemple en proposant un « droit de priorité locatif », qui permettrait aux collectivités de capter des logements dans le parc locatif privé, pour reloger les ménages prioritaires au Droit au logement opposable (DALO) sans sacrifier la mixité sociale. Ce nouveau droit permettrait de développer l’intermédiation locative, moins onéreuse et plus humaine que les relogements à l’hôtel ou les centres d’hébergement déjà saturés. EELV milite également pour une meilleure protection des locataires face aux ventes à la découpe et pour une plus grande transparence des attributions de logements sociaux.
pénalités : non
Dans le cadre de la discussion de ce projet de loi sur le logement, les députés ont adopté un amendement prévoyant des pénalités de retard pour les locataires. La Confédération Nationale du Logement (CNL) appelle les députés à supprimer cette mesure adoptée sur amendement qui va, selon elle, accentuer le déséquilibre des relations entre locataires et propriétaires. La CNL fait remarquer que « beaucoup de pensions, indemnités ou encore revenus complémentaires sont la plupart du temps versés bien après le 30 du mois ce qui justifie certains décalages de paiement du loyer ». « Cet amendement va une fois de plus pénaliser les foyers les plus précaires ainsi que leur pouvoir d’achat », dit la Confédération Nationale du Logement.
Dans le domaine du logement social, les demandeurs peuvent attendre des années pour obtenir un hébergement. « 1,2 million de demandes de logement HLM sont déposées chaque année »,explique Juliette Furet de l’Union sociale pour l’habitat, qui représente l’ensemble des organismes HLM français. Seules 450.000 attributions ont lieu, par an.
Cette situation est variable selon les communes. A Châteaubriant par exemple, il existe de nombreux logements HLM vides et pourtant pas attribués faute de locataires solvables.
Dans les communes plus petites, il y a un manque de logements sociaux (aux loyers accessibles aux personnes aux revenus très modestes) et un manque de moyens de transports pour pouvoir rejoindre un lieu de travail.
Contre l’habitat indigne
A compter de la promulgation de la loi, le propriétaire d’un logement indécent qui refuse d’engager des travaux, malgré les injonctions des pouvoirs publics, devra payer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. En cas d’habitat insalubre, les allocations logement versées au bailleur seront consignées, à compter du 1er janvier 2015, jusqu’Ã la réalisation des travaux nécessaires.
(1) Dans le Pays de Châteaubriant, un SCOT est en projet depuis décembre 2008 mais le maire de Châteaubriant a réussi à le bloquer.