Ecrit le 17 novembre 2010
Bouclier fiscal
La réforme des retraites est votée (mais le gouvernement ne l’emportera pas au paradis !), le G 20 est passé (a minima), le remaniement est fait, alors le gouvernement va s’attaquer en douceur à l’impôt sur la fortune, sous prétexte de supprimer le bouclier fiche-mal.
Même le journal L’Expansion, pas classable à gauche, a fini par avoir des doutes ! Dans son numéro du 5 octobre 2010, il revient sur le mensonge de N.Sarkozy et affirme : « l’Allemagne n’a jamais eu de bouclier fiscal. Payer plus de 50% de son revenu est tout à fait constitutionnel. Et le taux marginal d’imposition est supérieur outre-Rhin ».
En effet, aucun gouvernement ni parlement allemand n’a jamais promulgué ou voté de bouclier fiscal : aucun décret ni texte de loi sur le sujet. Simplement, en 1995, le Tribunal fédéral constitutionnel allemand a été saisi du cas d’un plaignant dont le montant de l’impôt sur le revenu, ajouté à celui de l’impôt sur la fortune, dépassait les 50% de son revenu et a tranché en sa faveur.
Une nouvelle décision du Tribunal fédéral en 2006 a déclaré qu’une imposition du revenu supérieure à 50% était conforme à la Constitution allemande.
En Allemagne, jusqu’à 250.000 euros/an pour un célibataire et le double pour un couple, le contribuable est soumis au taux maximal de 42%. Au-delà , le taux passe à 45%, part elle-même soumise à une taxe de solidarité de 5,5% soit un taux supérieur marginal d’imposition de 47,48%. En France, le taux marginal de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu devrait passer de 40 à 41% dans le cadre de la réforme des retraites. (1)
Triptyque " Bouclier fiscal, ISF
et impôt sur le revenu " :
Tour de passe-passe ou vraie réforme ?
La proposition, initiée par MM les sénateurs Arthuis et Marini, de supprimer le bouclier fiscal et l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de créer une nouvelle tranche à l’impôt sur le revenu nourrit le débat fiscal. Cette proposition est astucieuse sur le plan de la communication : elle permet de satisfaire tout à la fois ceux qui critiquent le bouclier fiscal, ceux qui veulent en finir avec l’ISF voire même ceux qui veulent renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Mais, au-delà des apparences, il convient d’analyser les effets réels de cette proposition, tant sur le plan budgétaire que sur le plan de la répartition de la charge fiscale.
Réforme fiscale
Sur les retraites, le président de la République a perdu la bataille de l’opinion. Il impose sa réforme, mais tout le monde sait maintenant qu’elle est injuste. Alors, fidèle à son personnage, il repart, sabre au clair, à l’assaut de l’opinion sur un sujet qui choque les Français : le bouclier fiscal ! Au point qu’on a même entendu le ministre du budget, François Baroin, dire que ce bouclier est devenu « un symbole d’injustice ». Le président se lance donc, sans plus réfléchir sur une réforme triptyque : supprimer le bouclier, supprimer l’ISF (impôt sur la fortune) et créer une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu à 45 % ou 50 % .
Et on va nous amuser avec ça,
sans nous expliquer que cette nouvelle réforme va être coûteuse pour
les finances publiques.
Supprimer l’ISF coûterait en effet 3,4 milliards d’euros, supprimer le bouclier permettrait d’économiser 679 millions d’euros.
La création d’une nouvelle tranche à l’Impôt sur le revenu rapporterait, selon les scénarii (tranche à 50 ou à 45 %) entre 700 millions et 1,9 milliard d’euros.
→ Il manquerait donc entre 700 millions et 2,5 milliards d’euros pour boucler budgétairement la réforme.
Un triptyque qui n’est pas neutre : il y aurait des contribuables gagnants, d’autres perdants Et c’est pas les petits qui seraient gagnants !
→ Supprimer le bouclier fiscal se traduirait par une hausse de la charge fiscale de ses bénéficiaires de 679 millions d’euros. Parmi eux, les redevables de l’ISF demeureraient cependant globalement gagnants.
→ L’impôt sur le revenu impose les revenus d’un foyer fiscal au barème progressif (5 tranches, de 0 à 40 %). Mais en réalité, les « revenus financiers » (dividendes) peuvent être imposés au taux de 18 % (plus les prélèvements sociaux de 12,1 %, soit un taux global qui demeure avantageux pour les contribuables dont les revenus excédent largement le seuil de la dernière tranche à 40 %).
Or, ce sont les ménages les plus aisés qui bénéficient des revenus de patrimoine : selon l’INSEE, les 10 % des ménages les plus aisés reçoivent les deux tiers des revenus du patrimoine, les 1 % les plus aisés en reçoivent 32 % (ces revenus représentant la moitié de leurs revenus).
Alléger les impôts sur les revenus financiers
Ainsi, relever la dernière tranche de l’impôt sur le revenu à 45 % voire à 50 % exonèrerait ou toucherait peu les contribuables dont l’essentiel des revenus est constitué de revenus financiers.
Supprimer l’ISF, le bouclier fiscal et créer une tranche à 45 ou 50 % à l’impôt sur le revenu reviendrait donc à alléger l’impôt des rentiers et augmenterait plus ou moins significativement l’impôt d’une partie des 341 000 contribuables situés aujourd’hui dans la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Parmi eux se trouvent des contribuables aisés, mais tous ne sont cependant pas à l’ISF ni bénéficiaires du bouclier fiscal.
Or, ce sont bien ceux qui paient l’ISF et bénéficient du bouclier
fiscal qui gagneraient à
une telle réforme. (2)
Ben voyons, l’injustice continuerait ! Le président des Riches frappera encore.
Et pendant ce temps, de nouvelles taxes germent dans l’idée des législateurs. Le sénateur UMP Philippe Marini déjà indiqué qu’il déposerait un amendement instaurant une taxe de 1% sur la publicité en ligne et les achats en ligne.
L’idée d’une redevance audiovisuelle appliquée aux ordinateurs refait surface au Parlement. Et on reparle de TVA sociale ! Et même de créer une nouvelle « journée de solidarité ».
Et nous laissons faire !
Halte au terrorisme
Cette semaine, les inquiétudes sur la dette de plusieurs pays européens se sont renforcées. Les investisseurs semblent de plus en plus douter de la Grèce, du Portugal, et surtout de l’Irlande. Le renforcement de ces craintes a rejailli sur la dette des autres pays de la zone euro, et notamment de la France. Les économistes craignent que l’hexagone soit une cible prochaine pour les marchés financiers.
Halte au « terrorisme » financier !
Note du 30 mai 2011
Réforme de l’ISF
Selon l’Observatoire des Inégalités (en date du 24 mai 2011), le ménage dont la fortune s’élève à un million d’euros après abattements ne paiera plus d’impôt sur la fortune Celui qui dispose de trois millions d’euros paiera 0,25 % sur tout son patrimoine soit 5 000 euros. Auparavant il en payait 8 000, le gain pour lui représente un trimestre de travail d’une personne au Smic.
Pour les très riches, le gain est encore plus massif. Un foyer riche de 20 millions d’euros gagnera 182 000 euros d’impôts par an. Pour toucher une telle somme, un salarié au Smic doit travailler 15 ans, un titulaire du RSA lui doit attendre 33 années. Le gain pour une fortune de 100 millions d’euros représente 1,2 million soit un siècle de Smic.
Alors, chipoter pour une fraude aux prestations sociales, qui ne représente que quelques centaines d’euros, c’est lamentable !
Les pinocchios de N.Sarkozy sur le bouclier fiscal-20120504]