Ecrit le 21 janvier 2015
Prison ferme pour trois militants anti-esclavagisme
leMonde.fr du 17/01 : Trois militants anti-esclavagistes ont été sanctionnés, jeudi 15 janvier, par la justice mauritanienne pour, notamment, « appartenance à une organisation non reconnue ». Une condamnation remettant en lumière le sujet tabou de l’esclavage, pratique offi-ciellement interdite depuis 1981, mais toujours répandue dans la société mauri-tanienne. Les trois accusés sont Biram Ould Abeid, dirigeant de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), une ONG anti-esclavagisme, Brahim Ould Bilal Ramdane, l’un de ses adjoints, et Djiby Sow, président d’une association pour les droits civiques et culturels. Comparaissant devant un tribunal de Rosso, dans le sud du pays, ils avaient été arrêtés en novembre 2014, avec sept autres militants : acquittés : alors qu’ils menaient une campagne de terrain pour dénoncer les pratiques esclavagistes. Les autorités les avaient accusés de « propagande raciste ».
Biram est une figure de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie. Lui-même issu d’une famille de Haratines : caste d’esclaves et de descendants d’esclaves (environ 40 % de la population) : il a fondé l’IRA, organisation aux discours et aux méthodes radicales qui s’est donné pour objectif de faire disparaître l’escla-vage du pays. Candidat à l’élection prési-dentielle en juin 2014 face au chef de l’État sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, au pouvoir depuis un coup d’État en 2008, Biram Ould Abeid était arrivé deuxième, avec 9 % des voix. Avant tout symbo-lique, sa candidature avait remis sur le devant de la scène la problématique de l’esclavage et plus généralement celle de la domination des Maures, la minorité arabo-berbère qui détient le pouvoir poli-tique et économique, face aux Haratines et aux autres ethnies noires. Un thème sensible et explosif en Mauritanie, où un jeune de 28 ans, Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, a été condamné à mort fin décembre 2014 pour apostasie après avoir critiqué des préceptes énoncés par le prophète Mahomet, à la base, selon lui, d’un « système social inique ».
Biram Ould Abeid a déjà été plusieurs fois poursuivi et condamné. En 2010, pour « agression contre la police » lors d’une manifestation. En 2012, pour avoir brûlé des livres d’interprétation du Coran afin de dénoncer les justifications religieuses de la pratique de l’esclavage. Un acte passible de la peine de mort dans une république islamique, régie par la charia. Seule la mobilisation massive de ses supporteurs avait alors permis d’obtenir sa libération.
A l’annonce du verdict, plusieurs dizaines de sympathisants ont envahi le tribunal et ont violemment affronté la police. Amnesty International demande que les trois prévenus soient laissés libres en attendant le résultat de leur appel devant les tribunaux. En novembre, l’ONG avait déjà dénoncé « une répression croissante » visant les militants anti-esclavagistes en Mauritanie.
Des élus qui ne manquent pas d’imagination
leMonde fr du 17/01 : L’unité nationale n’empêche pas l’envie de se distinguer. Depuis les attentats subis par la France, une myriade d’initiatives pour lutter contre la galaxie djihadiste est apparue à droite. L’école, lieu de toutes les inquiétudes, stimule les imaginations. Le spécialiste des questions de sécurité de l’UMP, Eric Ciotti, a ainsi déposé une proposition de loi qui supprimerait les allocations familiales aux parents des enfants qui ont perturbé les minutes de silence. Bernard Debré rêve, lui, du retour du port de l’uniforme afin que « l’élève se sente appartenir à une seule communauté, la communauté éducative » et souhaite placarder les paroles de La Marseillaise aux murs des classes. La députée des Yvelines, Valérie pécresse, imagine, elle, un « cours de morale républicaine » obligatoire et aimerait voir le drapeau tricolore au sein des établissements.
Afin de renforcer le rempart de la laïcité, gérald Darmanin, député du Nord, sou-met l’idée d’écrire un « nouveau concordat pour dire ce que nous attendons des musulmans de France ». Adoptée en 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État avait été le fruit de décennies de batailles politiques.
Dans un document où ils énumèrent leurs douze propositions « pour lutter contre le terrorisme islamiste », les jeunes de la Droite populaire militent pour la réou-verture de la « prison de Cayenne pour y incarcérer les extrémistes religieux ». Une idée déjà agitée par Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, à l’automne.
Benoît Crespin, opposant UMP de Gentilly, commune du Val-de-Marne où a logé Amedy Coulibaly avant ses attentats, veut carrément obliger « les propriétaires (bailleurs sociaux comme particuliers) » à « consulter les fichiers des personnes recherchées pour terrorisme » pour vérifier qu’un locataire n’est pas dangereux. Une initiative qui ravira la DGSI et la DGSE.
« On est dans le concours lépine pour trouver l’arme fatale anti-djihadistes, sauf qu’elle n’existe pas », ironise Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI.
La liberté, pas le fouet !
Bloggeur et prisonnier d’opinion saoudien, Raif Badawi a été condamné le 7 mai 2014 par le tribunal pénal de Djedda à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet, assortis d’une interdiction de voyager pendant 10 ans à l’issue de sa peine, d’une interdiction d’utiliser les médias et d’une amende d’un million de riyals saoudiens (environ 226 000 euros). Le jugement rendu contre lui est lié à la création de son site internet, « Libérez les libéraux saoudiens » (dont la cour a ordonné la fermeture), et à des accusations selon lesquelles il aurait « insulté l’islam ».
Vendredi 9 janvier, Raif Badawi a reçu 50 premiers coups de fouet après la prière, en public, devant la mosquée d’Al Jafali à Djedda. Vendredi 16 janvier, Raif a reçu la visite d’un médecin en prison. Celui-ci a statué que ses plaies n’ayant pas encore guéri, il n’était pour le moment pas en état de subir une deuxième séance de flagellation. Le médecin a demandé à ce que celle-ci soit repoussée à vendredi prochain. Ce report pour raison médicale souligne le caractère brutal de la flagellation. Le fait que Raif doit être autorisé à guérir pour pouvoir souffrir encore et encore est macabre et scandaleux. []. Jeudi 15 janvier, des centaines de militants d’Amnesty ont manifesté devant les ambassades de l’arabie Saoudite dans leur pays. [] . Ils demandent que Raif soit libéré.
Les arts de l’Islam
NouvelObs du17/01 : Selon Sophie Makariou, spécialiste des arts de l’islam, ’’ll n’y a pas stricto sensu de condamnation de la figuration dans le Coran. Ce qui est illicite, c’est l’adoration des images et des idoles. Dans l’arabe archaïque, qui est celui du Coran, on appelle idoles les objets tridimensionnels, donc les sculptures, qui sont censées être le siège de divinités. Mais selon l’appar-tenance à l’une ou l’autre des familles musulmanes, les deux plus grandes étant le sunnisme et le chiisme, les modes d’interprétation peuvent différer. () Chacune des dynasties, suivant sa sensibilité, va convoquer différemment les textes à des fins politiques. Pour en revenir à la question de la représentation, il faut savoir qu’elle ne concerne pas que l’être humain, elle vise également les êtres animés dans leur ensemble : il peut s’agir alors de chats, d’oiseaux ou autres animaux. La logique imposerait que si l’on ne peut pas représenter le Prophète on ne puisse pas davantage représenter tout autre figure humaine’’. En fait le visage de Mahomet a été représenté au cours de l’histoire, l’un des premiers exemples connus est celui d’un manuscrit de 1307.