Écrit le 17 juin 2015
On croit souvent que des études courtes conduisent à un boulot pas intéressant.
Mais c’est compter sans l’intelligence de l’être humain. Voici un exemple, dans notre région.
Jean Luc Grégoire, puisqu’il s’agit de lui, était du genre ’’actif’’. Très tôt intéressé par la technique des choses, il souhaitait être autonome financièrement rapidement et a fait des études courtes (BEP). « Ultérieurement, j’ai un peu regretté de ne pas être allé au lycée (seconde à la terminale) où on apprend des classiques. Il est très difficile par la suite de rattraper » dit-il, cela ne l’a pas empêché de faire son chemin. Il a travaillé d’abord dans des CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) : l’occasion de toucher de nombreuses machines et de parfaire ses connaissances et son expérience. Avant d’intégrer la Chambre d’Agriculture, il a fait une formation pendant 18 mois pour accéder au baccalauréat puis, après 10 ans de travail comme conseiller, il a obtenu un BTS grâce au dispositif DIF (Droit Individuel à la Formation)
Au bout de 15 ans de Chambre, il a eu envie de faire autre chose
« J’avais 40 ans, il était temps de me réorienter. J’avais déjà un projet de rachat d’une société de machinisme agricole. Le temps de mûrir ce projet, je me suis lancé dans le triage des semences fermières ».
Les semences fermières ? On sait que les grandes sociétés semencières incitent les agriculteurs à acheter leurs semences chaque année, allant jusqu’Ã rendre ces semences stériles pour que les paysans ne puissent pas réutiliser les grains l’année suivante. Mais les paysans ont d’autres tours dans leur sac, ils sélectionnent encore des semences locales de bonne qualité et, d’année en année, ils re-sèment. La semence de ferme a une qualité au moins égale à celle du commerce et revient deux fois moins cher !
Selon le Gnis, sur les 950,000 tonnes de semences agricoles utilisées en 2011 en France, 42 % étaient des semences de ferme dont la moitié sont triées et préparées directement par les agriculteurs ou des Cuma, le reste l’étant par des entreprises spécialisées, des coopératives ou des négociants.
Le triage consistait, avec une machine, à éliminer les petits cailloux, les graines d’adventice, les grains trop petits et maigres, etc . « J’avais 450 clients. Un travail intensif pendant 6 mois, m’assurant un revenu et me laissant le temps de préparer mon projet d’installation ».
Jean-Luc Grégoire a eu ainsi l’occasion de rencontrer de nombreux paysans et de discuter de leurs besoins. Et puis un jour, le déclic : « j’ai vu un engin bricolé sur un terrain de foot. J’ai eu vite fait de l’examiner. Avec un ami informaticien, j’ai dessiné les pièces, puis je les ai fait débiter et assembler : ainsi est née ma première machine : A-airsol, pour aérer les prairies ». C’est très utile en Loire-Atlantique où les terres, fragiles, sont sensibles au tassement. L’action combinée du couteau et de l’angle du rotor crée une macro-porosité dans les 15 à 20 cm du sol, favorisant la circulation de l’air et de l’eau dans le sol.
« J’ai fait des salons avec, j’ai vendu ma première machine en 2004, j’en avais fabriqué trois en prototype, j’ai dû en réaliser toute une série. Maintenant je sous-traite la fabrication des pièces, mais le montage est fait en atelier car je peux adapter les largeurs aux demandes des clients ». C’est une machine simple, robuste, qui ne nécessite pas de réparation ultérieure.
Jean Luc Grégoire a aussi conçu un rouleau destructeur pour la gestion des couverts végétaux. La lame positionnée à l’avant permet de coucher l’herbe dans le sens du roulage pour que les lames du rouleau écrasent les feuilles et les tiges. Appareil disponible en différentes largeurs (de 0,80 m à 3,00 m) et adaptable à la vigne et à l’arboriculture. Il peut même faire 6 mètres de large avec un ingénieux système de repliage ! « J’ai vendu ces rouleaux en Suisse, dans le midi de la France pour la culture de la lavande, et jusqu’aux Antilles » - « Grâce à mon site internet, je réalise 70 % de mes ventes » dit JL.Grégoire. La production de ces machines assure le revenu de JL Grégoire, de son ouvrier Gildas Chauvel, des sous-traitants fabriquant les pièces, et des transporteurs locaux.
Jean Luc Grégoire a aussi innové sur les herses à prairies, semoirs à dents, andaineurs solaires : herse étrille, houe rotative, écimeuse, mobyflam, bineuse avec attelage poussé, alliance herse-semoir, rouleau-semoir, etc. Il a conçu une grosse machine, 9 mètres de large, la seule en France, qui désherbe et décroûte. Elle fait 500 hectares par an. Il propose aussi des outils de désherbage thermique pour les particuliers.
Sensible depuis toujours aux questions environnementales et s’appuyant sur l’expérience ’’terrain’’, JL Grégoire s’oriente de plus en plus vers l’agriculture de conservation, par exemple avec des semis sous couvert. Pour les non-initiés : dans le labourage traditionnel, la lame d’acier perfore et retourne le sol. Sur un hectare de terre, on remue 3000 m³ de terre, ce qui nécessite des engins lourds et coûteux. Avec le semis sous couvert, on nourrit la terre avec des cultures qui apportent de la matière organique, puis on les écrase, on laisse la paille en surface et on fait un sillon pour mettre la bonne graine. Les plantes remplacent l’acier ! Cela nécessite une machine avec un rouleau écraseur devant et un semoir derrière. Ce procédé se développe mais reste marginal tant est ancrée, dans les esprits, la méthode traditionnelle de labourage.
Pour éliminer les plantes non-souhaitées, Jean Luc et Gildas assemblent une machine à désherber sur le rang, comportant deux brûleurs thermiques orientables et des moulinets à doigts souples.
Jean-Luc Grégoire se fait connaître d’abord par le bouche à oreille et par internet. Il participe à des journées spécialisées comme les Terrenales, le salon Triscalia, les journées techniques de Bretagne, le salon national du non-labour, le Salon Tech and Bio à Valence dans la Drome, etc. Elu à Saffré, il suit le syndicat de l’eau, et la commission aménagement du territoire de la Com’Com’ de Nozay. Pas les deux pieds dans le même sabot !
Et si vous avez besoin d’un outil bien spécifique, parlez-lui en : la recherche et la création sont un plaisir pour lui. « Je travaille beaucoup dit-il, mais c’est par passion ». Il ne faut donc pas s’étonner de voir des nouveautés tous les ans...
Site internet
téléphone : 06 71 20 76 02 / 02 51 81 56 61
Ecrit le 20 avril 2016
500 projets
Le programme ’’500 projets’’ mis en place par l’équipe de Jacques Auxiette, permettait de financer jusqu’Ã 25 000 € les projets collectifs de PME, TPE et artisans-commerçants, dans l’esprit de création d’emplois durables. c’est ainsi que Grégoire-Agri (Saffré) et Gicquel (Nort sur Erdre), ont pu mutualiser leurs compétences et acheter en commun un ordinateur, un logiciel de dessin, une presse, un poste à souder, une remorque, une perceuse magnétique et une scie à ruban, pour travailler, modifier, développer des machines agricoles. La Région Pays de Loire a financé 50 %. Elle ne le fera plus : la nouvelle majorité régionale a supprimé ce dispositif.