Ecrit le 10 juin 2015
Au-delà de la souffrance, de la douleur mais aussi des espoirs de ces hommes, ces femmes et ces enfants qui tentent l’impossible afin d’intégrer, en prenant tous les risques, jusqu’à périr, spoliés par des mafias de passeurs, bien entendu sans scrupules, l’Europe, principalement l’Italie, la Grèce, la France, passage obligé pour atteindre l’Angleterre (et je ne m’attarderai pas sur le scandale que constitue le camp de transit de Calais, scandale dont le gouvernement français est hautement responsable) ou l’Allemagne (qui a grand besoin de main d’œuvre, si l’on considère son taux très bas de natalité), mais aussi quelques pays d’Asie, une chose m’a marqué. La voici.
Ce n’est pas qu’un problème de vocabulaire, ou comme vous voudrez, de sémantique. C’est aussi une question qui touche à la dignité humaine, et au classement, totalement arbitraire, reposant davantage sur des clichés, des préjugés que sur une observation impartiale de l’être humain (cette forme pyramidale qui subsiste encore aujourd’hui, bien qu’atténuée ; d’abord les blancs, ensuite les jaunes et en dernier les noirs : mais, on sait depuis de nombreux travaux d’anthropologues, d’historiens etc., que les races n’existent pas).
Si vous partez du pays dont vous êtes originaire, que ce soit pour des raisons politiques, de pauvreté, afin de trouver un travail ou un meilleur salaire etc. (les motifs sont légion), et que votre pays se situe en Afrique (notamment celle de l’ouest, en partie d’anciennes colonies de notre beau pays : et à l’est le Soudan, l’Erythrée, l’Ethiopie etc.)’, au Moyen-Orient (principalement la Syrie) ou de pays d’Asie du sud-est (Birmanie Bangladesh) :
alors vous êtes un MIGRANT.
En revanche, si vous êtes un occidental (Europe, Etats-Unis, bien sûr, mais aussi pays d’Asie développés, Japon ou Corée du Sud, pays d’Amérique du Sud, tels le Chili, l’Argentine etc.)
alors vous êtes un EXPATRIE.
L’un et l’autre vocables ne disent pas la même chose. Ils disent surtout que la séparation du monde en deux entités distinctes, même s’il y a des pauvres en Occident et des riches au Sud qui, d’ailleurs, sont les premiers exploiteurs de ces « migrants », est encore une réalité tangible. En ces départs massifs pour de prétendus jours meilleurs, ce qui n’est jamais sûr, on peut y voir, peut-être, une migration, bien que le terme me semble impropre car il ne soulève aucunement la question fondamentale de la globalisation (que je préfère à mondialisation).
Le « village global », c’est la libéralisation de l’économie, c’est aussi celle de l’information, pour le meilleur et pour le pire, qui a permis et permet davantage encore aujourd’hui, son accès prodigieusement accéléré.
Bien sûr, cet accès est inégalitaire. Ce point est crucial, car si beaucoup de « migrants » sont diplômés, d’autres sont illettrés ou analphabètes.
Un expatrié, celui qui quitte sa patrie, pour des raisons fort diverses, mais rarement pour des violences subies (Ã moins de considérer que la Russie fait partie de « l’équipe »), ne va pas travailler au noir, mais plutôt pour une multinationale, dans une université ou une académie prestigieuse. Cela a été mon cas en Allemagne et en Italie. Mais je ne me sens ni « migrant », ni « expatrié ». Privilégié par ma mobilité au cœur du monde, oui, mais sans fierté particulière.
CMK (Christophe Marchand-Kiss)