Ecrit le 11 mai 2016
Le droit de manifester
Le 3 mai 2016
L’Observatoire nantais des libertés dans l’état d’urgence communiquait à la veille de la manifestation du jeudi 28 avril pour dire qu’il y serait présent - comme il l’a été aux précédentes. II a observé l’exercice des droits et libertés dont le droit de manifester, dans le contexte particulier de l’état d’urgence où la police voit ses pouvoirs renforcés. Il dit ceci [communiqué] :
préfecture et police ont la double mission de protéger les personnes et les biens et de faire respecter les libertés publiques. Le droit de manifester en est une.
Personne ne nie que les manifestations sur le projet de loi travail voient une toute nouvelle amplitude des affrontements avec la police et des dégradations. Dans ce cadre, que faut-il retenir de la manifestation du jeudi 28 avril ?
Le parcours a été annoncé dans la presse par les organisations syndicales et de jeunesse avec départ et arrivée esplanade des machines de l’île via CHU, R. Henri IV et Sully, Quai Ceineray, Cours des Cinquante Otages. L’ensemble qui composera la manifestation comptant entre dix et quinze mille manifestants est constitué en tête d’au moins un millier de personnes puis du cortège formé par les organisateurs.
A plusieurs reprises, on a assisté à la configuration suivante : gardes-mobiles ou policiers de la Brigade Anti Criminalité (BAC) présents de façon très ostensible, jets de projectiles par des manifestants, envois massifs de grenades lacrymogènes et lancers de grenades de désencerclement par la police, charges parfois et tentatives d’interpellations. Du mobilier urbain est brisé, des voitures sont abîmées dont une est incendiée.
Cours Saint-Pierre, la BAC remonte d’un côté, les manifestants de l’autre : jets de projectiles, charge de la BAC suivie des gardes-mobiles avec un recours massif aux grenades lacrymogènes. Les jeunes manifestants éparpillés par les lacrymogènes et repoussés par les charges de police perdent un temps le parcours de la manifestation. A la suite, un cordon de police interdit l’accès à la rue Sully obligeant la manifestation à s’arrêter et les organisateurs à demander le retrait de ce cordon.
Place du Cirque, la police lance massivement des grenades lacrymogènes et intervient en coupant le cortège à plusieurs reprises Cours des Cinquante Otages mettant ainsi en danger des personnes souhaitant simplement manifester.
De nombreux manifestants ont dit ne pas comprendre certains mouvements des forces de l’ordre et s’en inquiéter. Les lycéens organisés ont signalé des propos à caractère insultant de la part de membres des forces de l’ordre à l’encontre de jeunes.
l’attitude de la police par sa présence démonstrative, ses charges en présence de manifestants paisibles a contribué à tendre des situations. Ces situations portent atteinte au droit de manifester.
L’action de la police ne doit pas avoir pour effet de dissuader les personnes qui veulent s’exprimer pacifiquement dans la rue, de participer aux manifestations.
Il convient de noter que les condamnations en comparution immédiate semblent montrer que beaucoup de personnes interpellées n’étaient pas à l’initiative des affrontements.
L’Observatoire met en garde contre les risques que font encourir pour toutes les personnes, l’escalade de la tension et des violences et l’enchaînement pression-réaction.
Le préfet de Paris appelle les organisateurs « Ã être plus exigeants et plus rigoureux dans le service d’ordre ». Pour le Premier ministre, les manifestations ne sont « ni organisées, ni maîtrisées ». Des personnes à Nantes se sont exprimées dans le même sens. Non, les organisateurs ne peuvent être rendus responsables de tout ce qui se passe au cours des manifestations. Si les organisateurs ont un rôle à jouer en la matière, l’Observatoire rappelle que la police a une mission de maintien de l’ordre public. Elle doit accomplir cette mission de service public de manière proportionnée et adaptée, en tant que force tenue aux respects des valeurs de la République.
[fin de communiqué]
Flash-balls
Par ailleurs, l’Observatoire demande l’interdiction dans les manifestations de l’usage des flash-balls et lanceurs de balle de défense - comme l’avait d’ailleurs recommandé la Commission Nationale de déontologie de la sécurité -, susceptibles de blesser de manière irréversible.
Il rappelle sa fonction de recueil des faits et témoignages relatifs aux atteintes aux libertés et aux droits
Casseurs
« Lorsque vous voyez des casseurs détruire les vitrines, saccager des panneaux publicitaires, se servir des tubes néons à l’intérieur pour attaquer les forces de l’ordre et que des policiers mobilisés sont en face d’eux et qu’ils doivent attendre une heure en face d’eux pour intervenir () on se demande bien pourquoi. »‹« qui dit cela ? Eh bien Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat de police Alliance ! Il parle de ’’casseurs identifiés, qu’on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l’état d’urgence ou interpeller’’ et donne une hypothèse : »Je pense que ça vise aussi à discréditer le mouvement social et syndical parce qu’évidemment, lorsque des syndicalistes manifestent contre un texte et qu’il y a des casseurs qui cassent tout dans le quartier, que les riverains sont exaspérés et que la police ne peut pas rapidement intervenir, eh bien ça discrédite aussi quelque part le mouvement social."
Ecrit le 11 mai 2016
Le droit de parler
La nouvelle majorité du Conseil Régional des Pays de Loire a décidé de supprimer la subvention accordée au centre LGBT (lesbien, gay, bi et trans) de Nantes et au cinéma Katorza pour la 13e édition du festival Cinépride. Le Conseil Régional justifie sa décision par le fait que le centre LGBT a organisé, le 27 novembre 2015, une réunion publique sur la GPA (Gestation pour autrui). Ainsi, tout se passe comme si le Conseil Régional voulait décider des sujets de débats qui ont le droit d’exister et mettre à l’index l’expression libre de citoyen(ne)s.().
déjà , le Conseil Régional avait supprimé sa subvention au festival de musique métal du Hellfest au motif que les organisateurs avaient refusé de déprogrammer un artiste. Pourtant la liberté de création implique naturellement à travers l’œuvre artistique une interprétation encore plus large de la liberté d’expression.
Faire vivre la liberté d’expression des idées, c’est permettre à tous les débats d’avoir lieu avec pour seule limite l’ordre public et les propos sous le coup de la loi comme le racisme par exemple. Si la GPA est interdite en France, le débat sur celle-ci n’est aucunement interdit, ne peut pas et ne doit pas l’être. Dans une démocratie, aucun Etat, aucune collectivité territoriale ne peut s’arroger le droit de fixer le contenu des débats et de la culture.
Le Comité Régional Pays de Loire de la Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de cette situation préjudiciable à l’exercice des libertés et demande au Conseil Régional de revenir sur sa décision.
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Ecrit le 10 avril 2019
Cassé
Le Conseil constitutionnel vient de censurer l’interdiction administrative de manifester que le gouvernement a voulu imposer dans sa loi de circonstance, reprise de la droite sénatoriale. Cependant, il valide l’inspection visuelle, la fouille des bagages et des véhicules aux abords d’une manifestation dès lors que le procureur de la République l’aura autorisé. Le Conseil constitutionnel a aussi validé la sanction d’avoir son visage en partie dissimulé.
En validant deux dispositions qui permettent de retarder voire d’empêcher l’accès à une manifestation et de sanctionner pénalement toute personne dont la police jugera qu’elle dissimule « une partie de son visage », le Conseil constitutionnel cautionne une restriction sans précédent du droit de manifester et ouvre à un arbitraire dangereux. un nouveau recul des libertés. (communiqué LDH)