Ecrit le 13 février 2019
A la mémoire de Jean-Pierre Houssin
Comment écrire quelques mots à l’ami disparu : Jean-Pierre Houssin et donner à connaître un peu de ce que fut cet homme, cette silhouette droite à la barbe blanche, si familière à nos côtés depuis tant d’années ?
Refaire alors le parcours de ce qui n’a été qu’un lent cheminement vers l’amitié. Du journaliste qui s’est intéressé aux spectacles du théâtre Messidor, depuis les premiers jours de notre implantation en 1996, et qui nous a d’emblée surpris par ses articles en si parfaite résonance avec notre travail artistique, que ce soit pour nos créations professionnelles, les évocations artistiques de la Carrière des Fusillés, les Promenades Littéraires et plus tard, les spectacles de Noë l.
Au fil des années, rencontre après rencontre, la connivence d’un homme, journaliste et photographe, envers notre démarche d’écriture d’un théâtre populaire s’est affirmée et resserrée au point ultime en 2013 de la réalisation commune du « Beau livre » du théâtre Messidor dont il sera le concepteur et le maître d’œuvre.
Il fallait pour réaliser un tel ouvrage, une compétence, un savoir-faire, doublé d’une volonté de donner le meilleur de lui-même afin d’obtenir ce qu’il voulait être au plus près d’une « œuvre d’art ». J’ai alors durant ces sept mois d’étroite collaboration découvert l’homme et l’ami Jean-Pierre.
Très secret et parcimonieux dans les informations qui constituent son histoire, j’ai dû souvent me contenter de partager ces instants comme des temps suspendus, plein de réflexions profondes sur la vie et le sens de nos engagements à travers l’art, sans oublier l’humour et les jeux de mots, passeports indispensables à chaque contact nouveau.
A sa devise, apprise dès son plus jeune âge chez les louveteaux : « faire de son mieux », il ajoute : « ce qu’un homme a su faire, je dois pouvoir le faire ». Et cette philosophie mêlée aux valeurs profondes du scoutisme qui ne le lâchera jamais, lui ouvre le champ de tous les possibles. Musicien et mélomane, metteur en scène lorsqu’il était enseignant au début des années 60. Photographe dès son plus jeune âge, il reçoit son premier appareil à 8 ans et ne s’en départira plus. Entre 1973 et 1980, il photographie de nombreux spectacles lyriques à la demande de René Terrasson, alors directeur de l’Opéra de Nantes.
pétri de culture, sa connaissance du grec et du latin ne pouvait le conduire qu’Ã l’écriture et c’est au journalisme qu’il offrira ses dernières années de réalisation professionnelle.
Intéressé par tout, il s’initiera à tous les métiers de l’artisanat, maîtrisant autant la plomberie que la maçonnerie, la mécanique ou l’électricité. Imprégné de ses études de médecine, il applique avec rigueur des diagnostics pertinents sur chaque situation et n’aura de cesse d’ouvrir de nouveaux axes d’intérêts. Avec son fils Ronan, jeune journaliste à son tour, il s’était passionné ces derniers mois, pour les photographies prises à l’aide de drones.
Voyageur-migrant, il a parcouru le monde pour en connaître sa géographie et la condition des humains qui l’habitent, et sans doute les milliers de photos qu’il a compilées de ses voyages et de ses observations de la nature ne sont pas étrangères à cette volonté de comprendre et d’aimer cette terre et ses habitants.
Jean-Pierre était secret, je l’ai dit, et s’il était fier et parfois farouche, s’il semblait même parfois distant, c’était par exigence certaine de sa recherche de l’essentiel, une grande part d’incertitude profonde et sans doute la quête d’une justesse des relations et du sens de l’engagement. J’ai eu le bonheur et la chance de le côtoyer et de partager son amitié.
Bientôt, à St Vincent des Landes, nous lui rendrons hommage, en ouvrant un « fonds Jean-Pierre Houssin » grâce aux centaines de photos dont il nous fait don. Chacune et chacun des comédiennes et des comédiens se retrouveront dans ce grand reportage de vingt années de théâtre saisies avec art, pour l’Histoire et la postérité.
Adieu l’ami, Adieu Jean-Pierre.
Alexis Chevalier