Ecrit le 18 septembre 2019
Une conférence de presse a eu lieu le 5 septembre à l’initiative de la Confédération Paysanne, avec Marie Savoy, paysanne à Joué-sur-Erdre, lait de vache avec transformation, Dominique Deniaud, président de la Confédération paysanne, éleveur laitier, Mathieu Drouet, paysan à Notre-Dame-des-Landes en vaches laitières et Michel Perray, paysan à Pannecé en vaches laitières, 84ha, 530 000 litres de lait, 65 vaches.
Michel Perray, paysan à Pannecé, en GAEC avec son fils, explique les répercussions de la sécheresse sur son activité. Après deux fortes périodes sèches sans transition, les conditions climatiques ont poussé à l’extrême la végétation avec des niveaux de pluviométrie au plus bas pour l’été 2019. L’impact est principalement sur les cultures de printemps, notamment maïs. Dans toutes les cultures, des baisses de rendement sont visibles, avec une situation très hétérogène sur tout le département. Michel Perray décrit cette année, comme la pire de toute sa carrière, avec du maïs très hétérogène « j’ai semé le 20 avril et ensilé le 26 juillet ! c’est allé très vite ! ». Une situation qui inquiète le paysan, qui a peur de manquer d’alimentation pour ses bêtes. Il estime être à quatre ou cinq tonnes de rendement à l’hectare, contre dix attendues, soit 50% de la récolte habituelle.
Les conséquences pour son exploitation sont nombreuses. Cette situation implique des surcoûts de frais de récolte, avec des machines payées à l’heure et des rendements plus lents dus à la fragilité du maïs. A cela se rajoutent des coûts de production liés au rachat de fourrages. Cette pénurie provoque un affolement des prix, avec des cotations qui commencent à 100€/T de matière sèche contre 80€ l’an dernier. Un maïs vendu, avec une qualité nutritionnelle méconnue, sans analyse préalable de la valeur digestive, qui pourrait impacter la production de lait.
A l’heure actuelle deux solutions s’offrent aux paysans, soit ils avancent de la trésorerie pour l’achat d’aliment, soit ils décapitalisent leurs troupeaux, « chaque exploitation a son histoire, on ne peut pas changer son fusil d’épaule ».
Le constat est fort : dans beaucoup de situations, surtout en viande bovine, des éleveurs se séparent de leurs animaux. Le centre de la France est déjà touché par ce phénomène. Un élément de plus pour se démobiliser de l’élevage, sachant que tout cheptel qui diminue ne se remonte pas facilement. Une information vérifiable localement, en effet à Pannecé, une exploitation par an, en production laitière, disparaît sur la commune.
" Aujourd’hui, on partage les expériences "
Pour Dominique Deniaud, président de la Confédération paysanne, le partage d’expériences entre les exploitations est primordial. Les recherches publiques n’ont pas assez investi dans des modèles plus adaptés. Ceux qui ont misé sur des modèles 100% maïs pour alimenter leurs bêtes sont les plus touchés, c’est un domaine qui demande davantage de recherches et de tests afin de trouver des méthodes complémentaires.
Aujourd’hui, les paysans partagent leurs expériences, dans des groupes, c’est là le premier lieu de changement. « Les organisations agricoles doivent être au service de ce travail-là ». Même avec des modèles sécuritaires d’irrigation, lors de crise climatique conséquente, ces modèles seront impactés. « Comment sécuriser nos système ? » Tant qu’il y aura des années avec des périodes de fortes chaleurs, il y a aura des baisses de rendement qui affecteront toutes les cultures, bio ou non. « La sécheresse est une problématique qui touche tous les élevages, qui dit élevage, dit alimentation pour les nourrir. Qui dit moins d’eau, dit moins de fourrage. » dit Matthieu Drouet, paysan à Notre-Dame-des-Landes en vaches laitières.
Selon Marie Savoy, paysanne à Joué-Sur Erdre « Tout le monde veut faire mieux, même les non bio, régule et met moins de pesticides, choses qu’on ne voyait pas avant ». Mais l’impact des crises climatiques sur l’évolution des coûts de production est difficile à faire entendre aux entreprises qui collectent et aux distributeurs.
La réponse des agriculteurs aujourd’hui, est « oui, on peut produire différemment mais pas à des prix aussi bas ». Les problématiques de rentabilité se répercutent fortement dans le domaine de l’élevage accentuant les problématiques de renouvellement. En 2019, la Loire Atlantique a perdu 450 chefs d’exploitation contre 150 installations. Cette année de sécheresse va sans doute encore anticiper des sorties et va freiner la motivation des jeunes. Il est donc crucial de prendre en compte les variations de coûts de production dans la fixation des prix pour enrayer cette hémorragie de perte de paysans.
Les accapareurs
Alors que la rémunération des éleveurs et éleveuses est au plus bas, que les conséquences de la sécheresse se font ressentir durement, l’argent nécessaire pour une meilleure rémunération des paysans est accaparé par les industriels de l’agroalimentaire et de l’agrobusiness. En témoigne la récente publication d’une partie des comptes de Bigard : 51,9 millions d’euros de bénéfices nets en 2017 ; plus de 97 millions d’euros en additionnant deux de ses filiales Socopa et Charal ! Quid du juste partage de la valeur quand une grande partie des éleveurs n’arrive pas à joindre les deux bouts et que la MSA enregistre un suicide de paysan par jour ?
Après une loi EGA qui a échoué à mieux répartir la valeur créée dans les filières, le gouvernement demande maintenant au Parlement de ratifier le CETA, un accord de libre-échange dévastateur pour les éleveurs, leurs fermes et la planète.
C’est dans ce contexte que s’ouvre l’édition 2019 du SPACE de Rennes (10-13 sept). La Confédération paysanne y a été présente et a manifesté pour dénoncer l’inaction de l’État pour redonner un horizon à l’élevage français.
Sortir des pesticides
Le gouvernement a lancé une consultation publique sur les textes encadrant l’utilisation des pesticides à proximité des habitations. La Confédération paysanne qui a participé comme les autres organisations syndicales aux réunions organisées avant l’été n’a, elle, pas changé de position.
Pour elle, l’urgence est à une vraie politique publique de sortie des pesticides. A savoir : l’interdiction des produits les plus toxiques - les cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) et perturbateurs endocriniens (PE) - et l’accompagnement pour une transition du modèle agricole. C’est ce qui permettra, au final, la sortie des pesticides. Pour la Confédération paysanne, les chartes proposées par le gouvernement, fausse solution par excellence, sont d’abord là pour protéger la logique agro-industrielle face aux inquiétudes montantes de la population.
La réalité est que ces chartes ne répondent en rien à l’enjeu sanitaire réel. La mise en place de distances d’interdiction d’utilisation de pesticides à proximité des lieux d’habitation ou de travail, quelles qu’elles soient, ne protège pas les riverains, encore moins les paysans. Certes, dans certaines situations, cela peut limiter les risques d’intoxications aiguë s. Mais les pesticides se retrouvent dans l’air, l’eau, les sols, l’alimentation et des distances n’y changeront rien.
La meilleure manière de protéger les paysans et l’ensemble de la population est d’interdire les substances les plus toxiques et de permettre aux paysans de regagner en autonomie. Pour cela, il faut mettre en place des politiques publiques accompagnant le changement de pratiques et garantissant le déploiement des alternatives sur leurs fermes. Il est donc urgent de soutenir les paysans, en régulant les productions et en sortant des accords de libre-échange pour leur assurer une meilleure valorisation de leur production.