Ecrit le 23 décembre 2020
Le poète franco-uruguayen Jules Supervielle (Montevidéo 1884 - Paris 1960) a écrit un conte de Noë l original dans lequel il donne la parole au bœuf et à l’âne de la crèche. Ce poème, intitulé Le bœuf et l’âne de la crèche fait partie de L’enfant de la haute mer, recueil de huit nouvelles paru en 1930.
A l’aube, le bœuf se lève, pose ses sabots avec précaution, craignant de réveiller l’enfant, d’écraser une fleur céleste ou de faire du mal à un ange. Comme tout est devenu merveilleusement difficile !
Des voisins viennent voir Jésus et la Vierge. Ce sont de pauvres gens qui n’ont à offrir que leur visage radieux. Puis il en vient d’autres qui apportent des noix, un flageolet.
Le bœuf et l’âne s’écartent un peu pour leur livrer passage et se demandent quelle impression ils vont faire eux-mêmes à l’enfant qui ne les a pas encore vus. Il vient de se réveiller.
– Nous ne sommes pas des monstres, dit l’âne.
– Mais, tu comprends, avec notre figure qui n’est pas du tout comme la sienne, ni comme celle de ses parents, nous pourrions l’épouvanter.
– La crèche, l’étable, et son toit avec les poutres, n’ont pas non plus sa figure et pourtant il n’en est pas effrayé.
Mais le bœuf n’était pas convaincu. Il pensait à ses cornes et ruminait :
« - c’est vraiment très pénible de ne pouvoir s’approcher de ceux qu’on aime le mieux sans avoir l’air menaçant. Il faut toujours que je fasse attention pour ne pas blesser quelqu’un ; et pourtant ce n’est pas dans ma nature de m’en prendre, sans raison grave, aux personnes ni aux choses. Je ne suis pas un malfaisant ni un venimeux. Mais partout où je vais, me voilà tout de suite avec mes cornes et je me réveille avec elles, et même quand je suis accablé de sommeil et que je m’en vais en brouillard, les deux pointues, les deux dures sont là qui ne m’oublient pas. Et je les sens au bout de mes rêves au milieu de la nuit. »
Une grande peur saisissait le bœuf à la pensée qu’il s’était tant rapproché de l’enfant pour le réchauffer. Et s’il lui avait donné par mégarde un coup de corne !
– Tu ne dois pas trop t’approcher du petit, dit l’âne, qui avait deviné la pensée de son compagnon. Il ne faut même pas y songer, tu le blesserais. Et puis tu pourrais laisser tomber sur lui un peu de ta bave que tu retiens mal et ce ne serait pas propre. Au reste, pourquoi baves-tu ainsi lorsque tu es heureux ? Garde ça pour toi. Tu n’as pas besoin de le montrer à tout le monde.
– (Silence du bœuf).
– Mais moi, je vais lui offrir mes deux oreilles. Tu comprends, ça remue, ça va dans tous les sens, ça n’a pas d’os, c’est doux au toucher, ça fait peur et ça rassure tout à la fois. c’est juste ce qu’il faut pour amuser un enfant et c’est instructif à son âge.
– Oui, je comprends, je n’ai jamais dit le contraire. Je ne suis pas stupide.
Mais comme l’âne avait vraiment l’air trop content, le bœuf ajouta :
– Mais ne va pas te mettre à lui braire dans la figure. Tu le tuerais.
– Paysan ! dit l’âne.
DEVINETTE : qu’est-ce qu’un flageolet ?
REPONSe à la DEVINETTE du dernier numéro de la Mée :
dans la version des frères Grimm, le loup monte sur le toit pour guetter le Petit Chaperon rouge et le dévorer à la première occasion, mais il est victime de sa gourmandise : attiré par une bonne odeur de saucisse, il se penche, glisse du toit , tombe dans la grande auge de pierre pleine de toute l’eau de cuisson des saucisses cuites la veille par la grand-mère du Petit Chaperon rouge et s’y noie.
Elisabeth Catala