Ecrit le 27 mai 2020
2000 milliards
Le 15 mai 2020, le Parlement européen a adopté à une très large majorité (505 voix pour, 119 voix contre et 69 abstentions) une proposition de plan de relance et de transformation de l’économie européenne pour lutter contre la crise actuelle. Cette proposition est ambitieuse et révolutionnaire.
Ambitieuse car le Parlement européen propose un plan massif de 2000 milliards d’euros composé de subventions, de prêts et de prises de participation pour lutter contre la crise économique provoquée par la pandémie du Covid-19, ses conséquences notamment sociales et sanitaires mais aussi pour préparer l’avenir en investissant massivement dans la transformation durable de nos sociétés, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, le numérique, les secteurs industriels stratégiques tout en relocalisant certaines productions en Europe et en renforçant la convergence entre les territoires.
Révolutionnaire car plus de la moitié de ce plan sera composé d’aides directes financées par l’émission d’obligations européennes garanties par le budget européen et remboursées par la création de nouvelles recettes fiscales européennes que ce soit en taxant les géants du numérique, les multinationales, les transactions financières mais aussi les activités polluantes.
Alors que le Conseil, et le Conseil européen, représentant de l’Europe des États, est incapable de trouver un accord pour sortir de la crise parce qu’il est profondément divisé sur le besoin de renforcer la solidarité européenne et que la Commission européenne, l’exécutif européen, peine à faire la moindre proposition de plan de relance, le Parlement est donc la première institution à présenter un plan complet pour sortir le continent de la pire crise économique depuis un siècle.
Quasiment 70 ans jour pour jour, après la déclaration du Mosellan Robert Schuman, un des Pères de l’Europe, le Parlement a décidé de suivre l’esprit et la lettre de cet acte fondateur européen. Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman a dit : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ».
70 ans après, le Parlement européen est donc passé des mots aux actes.
Régions et Peuples Solidaires se félicite du vote et demande que la Commission européenne et le Conseil européen suivent le Parlement européen dans ses propositions. Renforcer les mesures sanitaires, relancer l’économie, venir en aide aux plus fragiles et aux plus pauvres des personnes et des territoires à travers un vrai plan de relance et de transformation de nos économies en mettant le projet européen, la solidarité et la justice fiscale et territoriale au cœur de ce plan est plus que nécessaire, c’est désormais une obligation !
Communiqué de R&PS
Histoire de Zéros, mille, millions, milliards
Qu’est-ce qu’un zéro ? C’est rien s’il est devant, c’est plus s’il est derrière. C’est utile ou superflu. La semaine dernière nous avons écrit qu’en France le taux de mortailté était de 410 pour mille, c’était bien sûr : 410 pour 1 000 000 !
Un article de sébastien Laye, entrepreneur dans l’immobilier et économiste à l’Institut Thomas More, dans la revue capital.fr revient sur la question de l’endettement de la France, expliquant que : l’Etat français avait dépassé en 2019 une dette supérieure à 100% du PIB (Produit Intérieur Brut) . Du fait de la baisse inédite du PIB cette année et de dépenses accrues dues à la crise, ce ratio devrait s’envoler à 115-120% du PIB en fin d’année. Ces seuils ne sont pas inédits alors que le Japon vit très bien avec une dette de plus de 200% du PIB depuis des décennies et l’Italie moins bien avec 130%
Il suffirait de retrouver notre PIB du début d’année pour par exemple afficher un taux de 108%, ou croître de 2 % sur quelques années pour repasser rapidement en dessous de 100% : une conjonction de croissance correcte et de baisse des dépenses de fonctionnement de l’Etat suffirait à maîtriser la question de la dette.
Par ailleurs, un Etat n’est pas un agent économique comme un autre : quand ses comptes sont déséquilibrés, il ne lui est pas possible comme un ménage de simplement réduire sa consommation pour vite équilibrer ses comptes : la baisse de sa dépense est aussi la baisse de revenus d’autres agents économiques, et donc de ses recettes. Il faut donc veiller surtout à un niveau élevé de croissance et surveiller la soutenabilité de la dette, c’est-à -dire la charge des intérêts. A ce niveau-là , peu d’inquiétudes puisque les taux bas et l’absence d’inflation sont plutôt là pour durer au cours des cinq prochaines années.
Enfin, notre dette a changé de nature depuis les politiques lancées en Europe par la BCE (Banque Centrale Européenne) en 2015 et qui se poursuivent : la Banque de France, pour le compte de la BCE, détient 30% de la dette publique française. Après la crise du Covid, elle sera proche des 40%. Or quand une banque centrale détient ces titres de dettes à son bilan, en supposant qu’elle ne les remettra jamais sur le marché, il y a bien monétisation de la dette : la dette est remplacée par de la monnaie, par de la création monétaire. Ce n’est plus vraiment une dette qui sera due, on est proche de l’effet d’une annulation de dette. On peut ainsi dire que la « dette » qui s’échange sur les marchés de l’Etat français, est plutôt aux alentours de 80% du PIB.
Certes, ce n’est jamais un bon signe d’être incapable de faire reculer son ratio de dette/PIB, mais ce n’est pas non plus le cataclysme que d’aucuns nous promettent.
La France testée positive
Le bilan tragique de COVID-19 s’est accompagné de la destruction de millions de moyens de subsistance, les gouvernements prenant les mesures nécessaires pour limiter la propagation du virus. En mars de cette année, plus d’emplois ont été perdus aux États-Unis que pendant toute la Grande Récession de 2008-2009, les travailleurs n’ayant pas suivi d’études universitaires étant les plus touchés, selon les premières indications. Au niveau mondial, on estime que plus de 200 millions d’emplois ont été perdus, 40 % de la main-d’œuvre mondiale étant employée dans des secteurs à haut risque de déplacement et ayant un accès limité aux services de santé et à la protection sociale. Ces travailleurs auront du mal à retrouver leurs moyens de subsistance, même après la reprise économique. La France serait testée positive aux inégalités.
Le Fonds monétaire international (FMI) vient d’étudier cinq épidémies survenues depuis le début des années 2000 (Sras, Ebola, H1N1) et le résultat est très clair : les grandes épidémies de ce siècle ont accentué les inégalités de revenus et nui aux perspectives d’emploi des personnes ayant un faible niveau d’éducation, tout en ne touchant guère les personnes ayant des diplômes supérieurs.
Cette chronique fait valoir que la pandémie COVID-19 pourrait avoir des conséquences similaires en termes de distribution, à moins que cette fois-ci les choses ne soient différentes et que les politiques gouvernementales finissent par être efficaces pour soutenir les bateaux plus que les yachts.