Ecrit le 24 juin 2020
Les écoles rouvrent normalement le 22 juin 2020, avec obligation scolaire. Il est temps de faire le point sur l’école au temps du confinement. Interview de Jean Louis Gouraud, directeur de l’école René Guy Cadou.
" Ce confinement fut une grosse surprise. Les enfants sont venus à l’école le premier jour pour prendre leurs affaires. Les parents ont cherché comment s’organiser. Nous n’avons pas eu trop de problèmes avec les ordinateurs ou les smartphones, davantage avec les imprimantes et pour les parents n’ayant qu’un téléphone.
Du côté des enseignants, nous nous sommes organisés pour donner du travail aux enfants, mais sans avoir besoin d’une imprimante. Les familles qui n’avaient aucune solution électronique ont obtenu un « laisser-passer » pour venir chercher le travail à l’école. Moi même j’étais présent dans le bâtiment tous les matins.
Pour mes élèves de CM2 nous avons travaillé essentiellement le français et les maths, à partir du livre habituellement utilisé en classe. Le plus complexe c’était d’expliquer aux parents le pourquoi et le comment de l’exercice. Globalement les parents ont bien joué le jeu.
Pour la correction des exercices, je répondais à chaque élève et j’ai vu des évolutions. Certains d’entre eux avaient l’habitude de me rendre un travail négligé, mal présenté, et je leur en faisais régulièrement la remarque. Et là , sur les courriels, je le leur disais encore. Les parents lisant les messages, ont pris le relais et j’ai noté de réelles améliorations. Même chose, j’ai constaté que les enfants ont enfin acquis les tables de multiplication. Le confinement dans ce cas a eu des effets bénéfiques !
Une chose est très nette : les CM2 ont gagné en autonomie, organisant leur temps pour faire le travail scolaire et vaquer aux activités qu’ils préfèrent. Cela va leur rendre service pour l’entrée en Sixième.
J’ai bien conscience qu’il va y voir des carences dans les disciplines que nous avons dû laisser de côté : histoire-géographie, sciences. Il va y avoir des difficultés aussi pour les élèves plus jeunes qui, eux, auraient eu besoin d’un encadrement scolaire plus important. A la rentrée de septembre prochain, ce sera le grand écart dans certains cas. « Le 14 mai les écoles ont réouvert avec des contraintes sanitaires importantes. A l’école René Guy Cadou, 40 % des enfants se sont présentés. Maintenant, à l’école René Guy Cadou, il ne manque que 3 élèves. » Les parents en avaient assez d’avoir les enfants confinés à la maison. Les enfants sont ravis de venir retrouver leurs copains. Pour moi j’ai partagé ma classe en trois groupes A,B,C. Un jour je prends les groupes A et B, le lendemain A et C et le troisième jour B et C. Cela fait des jours de classe en moins pour les élèves mais les petits groupes permettent un suivi plus intensif. Et les enfants peuvent se revoir toutes les semaines ".
Pour les jours à venir c’est l’incertitude voire l’approximation. Tous les élèves de primaire et secondaire doivent revenir en classe mais à l’approche de l’été, après trois mois d’interruption, les enfants n’ont pas de motivation. Le nouveau protocole sanitaire est plus souple, il reste encore à expliciter une série de règles. Quelle doit être la fréquence de désinfection des locaux ? De lavage des mains ? Quelles précautions prendre durant les récréations ? Cantine ou pas cantine ? Et comment respecter une distance d’un mètre dans les classes ?
A la mi-juin seuls 1,8 million d’écoliers : sur un total de 6,7 millions : sont pour l’instant retournés à l’école, rarement à temps complet. Dans les collèges, ils sont 600 000 sur 3,3 millions. A la Ville aux Roses par exemple, seuls 50 % des élèves sont revenus. Les fédérations de parents demandent aux chefs d’établissements de faire preuve de bienveillance en n’agitant pas le bâton de la sanction pour les parents qui ne se sentiraient pas assez rassurés. Quant aux lycées, ils n’ont même pas été mentionnés par le président de la République. Pour les lycéens, comme pour les autres élèves, le confinement a eu des effets différents. Certains jeunes, déjà habitués à travailler seuls, ont perfectionné leur méthode de travail. d’autres ont décroché, ne trouvant ni en eux ni autour d’eux, la motivation nécessaire pour travailler seuls.
Le philosophe Philippe mérieu s’est intéressé à cette expérience inédite : « J’ai vu à quel point les enseignants s’étaient mobilisés, à quel point l’Education nationale c’était eux, et combien ils étaient capables, dans une situation d’urgence, d’improviser, d’échanger, de coopérer, pour offrir aux élèves, malgré toutes les difficultés sociales, le meilleur de l’école. Cela m’a semblé extrêmement fort. J’ai appris aussi bien sûrà quel point les enfants avaient besoin de ce collectif ».
Et il insiste sur l’après : sur l’éducation artistique et culturelle par exemple, « qui permet aux enfants ce partage avec l’humanité de leurs angoisses, de leurs inquiétudes, de leurs espérances. J’aimerais beaucoup qu’après cette période, des enfants qui ont vécu des moments tendus, des moments forts, qu’ils soient psychologiquement positifs ou négatifs, puissent trouver dans la littérature et dans l’art des moyens de partager cette expérience entre eux. J’aimerais qu’Ã cet égard, les enseignants soient attentifs à cette dimension culturelle de l’enseignement, parce qu’elle sera plus que jamais nécessaire ».
« Formation à l’autonomie », « personnalisation des apprentissages », « expérience de la fraternité ». qu’on me permette de m’inquiéter et d’avouer que je ne sais guère ce qui restera demain des déclarations d’intention d’aujourd’hui ".